Le monde d’hier était incontestablement très différent de celui d’aujourd’hui. En ce début des années 60, nombreux étaient les petits artisans qui produisaient (bricolaient), tant bien que mal, des petites sportives. Pour Deutsch et Bonnet, à l’origine de la marque « DB », c’était plutôt avec succès, à en croire l’impressionnant palmarès ! Pourtant, France du lendemain de la Seconde Guerre Mondiale oblige, point de gros V8 sous le capot, mais bien un… petit bicylindre d’origine Panhard !

Le désaccord

Entre Deutsch et Bonnet, l’ingénieur pragmatique et le pilote émérite, tout n’est pas rose. Le divorce est prononcé en 1962, René Bonnet cède aux sirènes du moteur Renault qu’il installe de manière centrale arrière sur sa « Djet », quand Charles Deutsch reste fidèle au moteur Panhard et à la traction avant. Présentée au salon de Paris en 1962, le CD (les initiales du géniteur) fait sensation avec sa ligne extrêmement basse et profilée, avec un Cx surréaliste de 0,22 ! En guise de promotion, cette voiture frappe fort en remportant l’indice de performance aux 24 heures du Mans en 1962 ! D’accord, la réglementation lui était favorable, mais il n’empêche…

La fiche technique

Une sportive, avec deux cylindres seulement ? Ne riez pas cher lecteur, car c’est probablement la voie de l’avenir ! Ce CD est donc pour le moins avant-gardiste, avec son petit moteur, son profil aérodynamique et surtout, sa masse ultra réduite : 580 kg seulement ! Sous le capot, on retrouve le « flat-twin » Panhard : d’une cylindrée de 848 cm³, ce moteur à plat refroidi par air se voit vigoureusement poussé pour délivrer la bagatelle de 60 chevaux.

Du côté des performances, le CD avance une vitesse de pointe de 160 km/h, voire de 180 km/h dans la version Rallye, dopée par deux copieux carburateurs. Un véritable miracle pour la cylindrée ! Autre avantage considérable de la formule, une consommation très mesurée, de l’ordre de 6 à 7 l/100 km.

Impressionner le quidam

Le bossage de toit façon Zagato, la poupe effilée, la face avant taillée pour avaler la ligne droite des Hunaudières et une voie arrière plus étroite… Voilà un style qui respire la compétition à plein nez, à une époque où les voitures de course se faisaient un devoir d’être aussi belles que rapides.

S’insérer dans l’habitacle demande les contorsions habituelles à une voiture aussi basse, mais une fois dedans, on s’y sent relativement à l’aise, y compris pour les plus grands ! A l’arrière, un embryon de siège accueillera les bagages que vous n’aurez su glisser dans le coffre arrière, à la malle s’ouvrant latéralement. Devant le conducteur, deux splendides compteurs regroupent toutes les infos utiles et s’incrustent sur une planche de bord aménagée avec un mépris total pour la finition et l’ergonomie ! Bon à savoir si vous cherchez la jauge à essence, elle est renseignée sous le label... « Combustible » ! Promis, ça fonctionne pourtant avec de l’essence.

Ambiance assurée !

Curieusement présenté avec son carénage poli, le moteur Panhard s’ébroue en dansant sur ses supports. Pendant ce temps, la caisse vibre un peu, ce qui fait intégralement partie du tempérament du bolide. Et question tempérament, il en est question : crépitant gentiment sous les 3.500 tr/min, le bicylindre se réveille ensuite pour entamer une samba réjouissante, accompagnée d’une bande son à mi-chemin entre une Citroën 2CV et une Harley-Davidson.

Confort

En dépit de son indiscutable pedigree, le CD est plutôt facile à vivre : la traction avant assure stabilité et sérénité, le confort d’amortissement n’est pas aussi abominable que prévu et le freinage profite de tambours à « évacuation thermique accélérée », soit ETA en Panhard dans le texte !

Aujourd’hui

Avant même de parler sous, il va falloir en trouver une ! Avec 159 exemplaires produits, le CD représente le Graal pour de nombreux « Panhardistes » et les ventes se font souvent sous le manteau. Bref, soyez (très) patient... et comptez 50.000 € pour un bel exemplaire.

Caisse en polyester sur poutre centrale oblige, le CD est globalement épargné par la rouille. Sachez toutefois que la carrosserie bouge (craquements de peinture) et que si les pièces mécaniques se trouvent (principalement en France), la mécanique demande des soins réguliers et attentifs pour livrer le meilleur d’elle-même.

Conclusion

Né à une époque où les artisans bricoleurs pouvaient espérer figurer sur le podium des courses, le CD rappelle son pedigree et ses origines à chaque instant. Le meilleur est clairement à l’intérieur : oubliez la finition désinvolte, cette petite sportive accomplit de véritables prouesses eu égard à sa faible cylindrée. Une machine très certainement décalée pour l’époque, mais qui pourrait bien préfigurer l’esprit des sportives de l’avenir, avec les impératifs de consommation et d’émissions qui pendent au nez des constructeurs.