Essais

Jaguar F-Pace: Le félin des grands espaces!

Aberration? Malédiction? Bénédiction? La mode du SUV, SAV, Crossover, appelez-le comme vous voulez, suscite son lot de commentaires et de jugements, fondés ou péremptoires. A dire vrai, nous ne comptons pas parmi ses défenseurs les plus acharnés, mais certaines propositions ne manquent pas de séduction. Qu'en est-il de ce F-Pace, première incursion du félin dans ce segment ô combien porteur et rémunérateur pour les constructeurs, qui s'engouffrent à peu près tous dans ce nouvel eldorado!

  • Wouters Bruno
  • 22 avril 2016
  • Jaguar
Avantages et inconvénients
  • 2.0 l volontaire et convaincant
  • Accord boîte-diesel 3.0 l éblouissant
  • Comportement amusant et efficace
  • Confort perfectible
  • Consommation du 2.0 l guère éloignée de celle du 3.0l
  • Quelques détails de finition

Hé oui, tous, ou presque, et même Maserati, Bentley, ou Rolls Royce… Jaguar, en pleine conquête avec une offre de plus en plus complète et attractive, ne pouvait passer à côté de cette aubaine. Ben oui, le marché du SUV "Premium Medium" offre des perspectives de développement alléchantes: plus 50% d'ici à 2020! Dommage de laisser ça aux BMW X3 et 4, Audi Q5, Volvo XC60, Mercedes GLC, Lexus NX et autre Porsche Macan… Et si en prime le gros des ventes provient des clients de conquête qui, en outre, rajeunissent l'âge moyen des acheteurs de Jaguar, pourquoi se priver?

C'est ainsi que la planète auto a pu découvrir le concept car C-X17, annonciateur du F-Pace, dès l'automne 2013. Plébiscité par le public, il ne cachait rien des lignes du premier SUV badgé Jaguar. SUV jaguar… C'est William Lyons, fondateur de Jaguar, qui aurait été bien surpris de voir ça! Pas que ça, d'ailleurs…

Fidèle au Concept Car

Le F Pace, présenté deux ans quasiment jour pour jour après le C-X17, a visiblement eu la chance de voir toutes les bonnes fées se pencher sur son berceau! Nous ne nous étendrons pas trop longuement sur ses lignes, un sujet forcément émotionnel et subjectif, mais reconnaissons qu'il ne s'en tire pas trop mal de ce côté là, avec des lignes sobres et tendues, un style Jaguar omniprésent, de la calandre verticale ostentatoire aux feux rouges étirés comme le regard d'un félin ou, plus prosaïquement, bien proches de ceux d'une F-Type. On connaît pire, comme référence! Bref, le F-Pace plaira aux amateurs de SUV, c'est certain! Les amateurs de berlines racées ou de coupés sportifs continueront de se désoler de la lourdeur inhérente au genre!

Le F-Pace profite de l'expertise de Jaguar dans la construction de carrosseries en aluminium; rappelons que la marque s'en est fait une spécialité depuis le lancement de la XJ X350 de 2003. Sa monocoque utilise plus d'aluminium (80%) que n'importe lequel de ses concurrents, pour atteindre un poids de 1.665 kg pour le modèle quatre cylindres deux roues motrices. Résultat, 5 L/100km et 129 g/km de rejets de CO2.

La structure mêle aluminium, magnésium et acier à haute résistance; elle est assemblée par 2.616 rivets, 73 mètres d'adhésif structurel et 566 points de soudure, pour obtenir une rigidité en torsion équivalente à celle de la nouvelle XF. Un tiers environ de l'aluminium utilisé est constitué de matériaux recyclés. Contrairement aux plateformes modulables qui imposent des contraintes de conception en raison du grand nombre de pièces partagées par différents modèles, l'architecture légère en aluminium permet de mieux "coller" aux exigences spécifiques à chaque modèle.

Trains roulants sophistiqués

C'est ainsi par exemple que les tourelles de suspension en aluminium coulé ont été redessinées pour obtenir la garde au sol et le débattement voulu, que les traverses avant sont élargies pour gagner en rigidité, ou que les roues sont placées de manière à répondre aux proportions et à la dynamique exigées. L'empattement (2.874 mm) et les voies ne correspondent à aucune autre Jaguar. Résultat, un coffre de 650 litres et un espace aux genoux des passagers arrières particulièrement généreux.

Les trains roulants reprennent à l'avant les doubles triangles dérivés de la F-Type et à l'arrière la suspension Integral Link. La direction est à rapport et assistance variables, et l'inscription en courbe est facilitée par le Torque Vectoring, qui freine les roues intérieures pour atténuer le sous-virage. L'Adaptative Dynamics surveille le mouvement des roues et de la caisse et ajuste en continu l'amortissement.

Le Configurable Dynamics permet de sélectionner un mode de conduite dynamique ou normal, adaptant la réactivité de la commande de gaz, la gestion de la boîte automatique, l'assistance de direction et l'amortissement.

Trois motorisations, dont deux diesel

Le F-Pace laisse le choix entre trois moteurs. Le plus modeste sera le récent Ingenium diesel quatre cylindres 2.0 L de 180 ch. Plus impressionnant, les 700 Nm de couple prodigués par l'excellent V6 diesel 3.0 L de 300 ch, accouplée à la meilleure boîte auto du marché, la ZF à huit rapports. Les allergiques au mazout se rabattront sur le V6 essence 3.0 L suralimenté, proposé en 340 et 380 ch. Si l'entrée de gamme se contente des deux roues arrières motrices, Jaguar met l'accent sur sa transmission intégrale "on demand", qui transfère en 165 millisecondes maximum le couple sur le train avant lorsque les conditions l'exigent. Ces transferts sont gérés par l'IDD (Intelligent Driveline Dynamics) exploitant les données de différents capteurs. Quelques gadgets électroniques (Adaptative Surface Response, All Surface Progress Control, Low Friction Launch) permettent de gérer des situations extrêmes (faible adhérence, fortes pentes…).

Bien entendu, le F-Pace embarque, de série ou en option, la foultitude d'équipements indispensables au bonheur de tout un chacun. Citons en vrac l'affichage tête haute laser, la caméra-qui-fait-tout (reconnaissance des signaux, limiteur de vitesses intelligent, freinage d'urgence, maintien de voie, etc.), l'inévitable infodivertissement de dernière génération "InControl Touch Pro" qui fait à peu près tout hormis sans doute le café. Pour la liste complète, il ne vous reste plus qu'à éplucher l'épais catalogue ou jouer du configurateur en ligne: nous, on veut rouler!

A l'assaut des lacets

Et on commence avec le V6 essence de 380 ch en "Launch Edition", Caesium Blue. Pas de doute, ça cause dans le poste, et nous jouons à faire gronder le bloc compressé. Le rythme s'accélère, les virages se font de plus en plus serrés, nous passons en mode Dynamic et Sport. Ça avance, mais le rythme est relativement saccadé, les assistances à la conduite ne travaillent pas en parfaite transparence et la gestion de la boîte laisse paraître quelques lacunes. Ceci dit, nous utilisons le F-Pace comme on jouerait d'une F-Type, un parfait contre-emploi pour ce SUV. Nous nous rabattons ensuite sur le 3.0 L diesel et abandonnons les gigantesques roues de 22" pour de plus raisonnables 20": le bonheur! L'accord entre le moteur, avec son couple de camion, et la boîte est parfait et, sur le même terrain de jeu, le F-Pace se montre beaucoup moins brutal dans ses réactions, et beaucoup plus agréable et fluide à mener. La force tranquille, mais quelle force! Une réussite… Seul bémol, une attaque à la pédale de freins guère rassurante: une course longue, un mordant peu agressif; ça freine, mais le toucher de pédale ne donne guère confiance. Nous y reviendrons un peu plus tard. Entre les deux six cylindres, pas d'hésitation, le diesel offre un agrément bien supérieur: le couple de 700 Nm, omniprésent, fait des miracles et rend la conduite du F-Pace jouissive!

Lequel choisir?

Reste le cas du 2.0 L Ingenium. A côté du charme du six cylindres, on se dit qu'il aura du mal à convaincre sous le capot du F-Pace… Tout faux! Moins brillant que le V6, le F-Pace quatre cylindres convainc. Sur les routes en lacet de notre terrain de jeu, le gain de poids d'une bonne centaine de kilos se ressent et rend celui-ci plus agile. Le moteur, évidemment moins performant, se montre largement suffisant. Le freinage ici n'appelle aucune critique. Est-ce dû au poids un peu plus léger à ralentir? Ou l'équipement de nos six cylindres avait-il souffert? le bruit émis par le bloc Ingenium reste maîtrisé et seul un usage intensif rendra son comportement moins fluide qu'avec le six cylindres, la faute à un accord plus difficile à obtenir entre la boîte et le moteur au couple réduit de moitié, avec pour résultat des réactions plus désagréables du train arrière, non sans rappeler ce que nous avions ressenti au volant du six essence. Rien de surprenant: 430 Nm de couple pour le quatre diesel, 450 Nm pour le trois litres essence, contre 700 Nm pour le six diesel… La messe est dite! Un dernier commentaire sur le confort: les performances du châssis se payent malgré tout par une certaine fermeté. Pas trop dérangeant en conduite dynamique, mais certains adeptes d'une conduite plus apaisée risquent peut-être de ne pas y trouver leur compte.

Sky is the limit? Le trois litres diesel! Le bon plan? Le deux litres diesel… Oubliez le bloc essence, ou payez-vous une F-Type pour en profiter!

Lire plus:

À propos de l'auteur : Wouters Bruno Bruno Wouters collabore avec Vroom depuis 2005. Tant qu’il y a des roues et un moteur, c’est un homme heureux.
Et s’il apprécie les progrès technologiques, rien ne le lui plaît plus que de parcourir les routes de campagne au volant d’une Morgan ou d’une moto, pour les sensations!
Photos ©: Manufacturer. Source ©: Jaguar.

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