Le début des années 80. C’était il n’y a pas si longtemps, mais cette époque semble aujourd’hui, tout à fait révolue. Audi s’engage dans la célèbre division Groupe B du championnat du monde des rallyes, une catégorie où quasiment tout est permis. Des monstres de plus de 500 chevaux qui se fraient un chemin étroit au travers d’un public déchainé. Un championnat bestial qui exigeait la production de 200 voitures de grand tourisme. Et en voici l’une de ses plus célèbres représentantes…
Des noms de légende
Michèle Mouton, Stig Blomqvist, Hannu Mikkola, Walter Röhrl… Tous ces noms ont fait vibrer les amateurs avec les sensationnelles Audi Quattro A1 et A2. Des monstres blancs et jaunes, au staccato inimitable, à la puissance avoisinant les 600 chevaux et à l’efficacité toute germanique. Mais cette folie connaît son équivalent en production, de manière à ce que le riche amateur fortuné puisse, l’espace d’un virage ou d’une ligne droite, se prendre pour l’un de ses héros.
Une pointe de stress
Attention, monstre sacré en vue ! Le règlement de la FIA exigeait une production minimale de 200 exemplaires de tourisme pour homologuer une voiture en Groupe B. L’Audi Quattro Sport que vous avez sous les yeux est l’une de celles-là et mieux encore, il s’agit de la toute première ! C’est dire si mon cœur bat la chamade, d’autant que sa valeur actuelle avoisine les 350.000 euros… Bref, je me sens tout à fait rassuré avant d’en prendre le volant, d’autant que, histoire de pimenter un plat déjà bien relevé, l’essai se fera sur une piste… totalement verglacée !
217 exemplaires…
200 exemplaires de tourisme, plus 17 bolides de compétition, cela nous fait un total rachitique que je n’ai absolument aucune envie de réduire. Et honnêtement, à la voir aux côtés de sa sœur de compétition, cette mamy semble d’une grande réserve. Les lignes sont taillées à la serpe, les pneus sont étroits, les phares carrés rappellent l’année de production, mais quelques indices mettent la puce à l’oreille, comme le bossage de capot et l’empattement court spécifique à ce modèle.
Ambiance triste de rigueur
Pas de doute, une fois dans l’habitacle, on est bien dans une voiture allemande des années 80 ! Comprenez que le mot « chaleur » est rigoureusement absent du dictionnaire des designers et que les plastiques présentent un aspect même pas digne d’une Coréenne des années 90 ! L’instrumentation est fort complète, avec quelques compteurs supplémentaires rajoutés à la va-comme-je-te-pousse, histoire de tenir la santé du moteur à l’œil.
Quel moteur !
Et de ce moteur, parlons-en. Comptant 5 cylindres en ligne, il cube 2,1 litres de cylindrée et se voit joint par un énorme turbo. Tellement énorme que celui-ci pousse la cavalerie à 306 chevaux à 6.700 tr/min et à 365 Nm de couple ! Rapporté à la cylindrée, c’est phénoménal, même aujourd’hui ! D’ailleurs, au rythme des 5 rapports, Audi annonçait des chronos spectaculaires : 4,9 secondes au 0 à 100 km/h et 249 km/h ! Pour une voiture en forme de boîte à chaussures, c’est stupéfiant !
En douceur
Le responsable historique à mes côtés, je démarre souplement et enchaine rapidement les rapports, sur un filet de gaz. A ce rythme, l’Audi Quattro Sport se conduit comme n’importe quelle berline moderne. Le moteur fait preuve de souplesse, gargouille discrètement et, très sincèrement, je trouve les reprises à peine dignes d’une Polo TDI. Bref, finalement, rien de bien festif. D’autant que la direction douce et la transmission intégrale permanente effacent toutes les difficultés.
Bon sang !
Et puis, l’œil malicieux, mon camarade expérimenté m’invite à pousser les rapports. Je m’exécute… Le 5 cylindres pousse gentiment jusqu’à 3.000 tr/min puis… C’est l’explosion, le cataclysme, le typhon ! La brutalité de l’accélération me catapulte dans le fond du siège, le nez se dresse vers le ciel, je panique en pensant aux soupapes qui s’affolent et change prestement de rapport. Bon sang, mais qu’est-ce qui s’est passé ?!
Allez, une deuxième couche, histoire de s’assurer que je n’ai pas rêvé. Et non, à nouveau, le mode postcombustion vient piquer l’écurie à vif vers les fameux 3.000 tr/min et les 306 chevaux déboulent en un coup, tous en rang serré ! Le 5 cylindres rugit alors de sa voix typique, envoûtante et, l’espace d’une fraction de seconde, j’ai l’impression d’être Stig Blomqvist sur une spéciale du rallye de Suède !
Un virage s’encadrant dans le pare-brise me ramène brutalement à la réalité : coup de frein et, d’un geste délicat, j’inscris le museau dans la corde. L’arrière enroule progressivement, glisse autour du train avant et je n’ai plus qu’à centrer le volant et à incliner le pied droit pour repartir comme un missile vers le virage suivant ! Pas facile toutefois de doser les gaz, avec cet incroyable tempérament on-off ! Me voilà amoureux… Cette fois, c’est sûr, je ne suis pas fait pour les filles faciles !