Rappelons pour ceux qui ne maîtrisent pas trop la gamme Harley, que la V-Rod crée l’événement lors de se présentation : son moteur V2 apportait la révolution (d’où son nom «révolution») par se sophistication technique et sa puissance, bien éloignée des canons habituels de la marque. Le V2, créé initialement pour la course, arbore une architecture moderne avec double arbre à came en tête et quatre soupapes par cylindre, refroidissement par eau, injection et ouverture du V à 60° au lieu de 45°. Résultat : 119cv à 8250 tr/min (rupteur à 9000 tr/min et 108 Nm de couple à 7000 tr/min. Inutile de préciser que ça commence à causer !
Quelle famille !
La V-Rod arbore une ligne ramassée, longue et basse, dessinée jusque dans les moindres détails. Marché US oblige, ce dragster se la joue custom avec des commandes aux pieds avancées, une selle à 66cm du sol et une garde au sol dérisoire. Deuxième avatar, la Street Rod semble mieux adaptée au marché Européen, avec une géométrie plus orthodoxe, des commandes aux pieds médianes, une garde au sol raisonnable et une hauteur de selle plus réaliste de 76cm. La Night Rod puise dans la banque d’organes et reprend le cadre «low» de la V-Rod qui lui donne ce look si spectaculaire, sensiblement la même géométrie, mais la puissance plus élevée (4cv !), le reste n’est plus que détails : du noir mat sur le moteur, un phare classique entouré d’un petit saute vent, une selle redessinée, les roues pleines de la V-Rod discrètement ajourées… elle reprend aussi les étriers Brembo de la Street Rod. La réussite esthétique est totale, surtout en livrée Black Denim : le noir mat est très tendance… Sur le plan dynamique, le résultat surprend agréablement et la Night Rod rejoint la famille des Harley qui n’en n’ont pas l’air mais sont réellement utilisables. Ne nous faites pas dire ce que nous n’avons pas dit : pour du moto-boulot-dodo, on peut trouver mieux, mais franchement, nous avons eu beaucoup de plaisir à partager une semaine avec la Night Rod.
Du caractère
Les premiers tours de roues vous rappellent que vous ne chevauchez pas une japonaise lisse et policée. Les poignées sont grosses, les commandes plutôt viriles. Le levier d’embrayage vous muscle la main, la poignée de gaz, le poignet… La pédale de frein est un peu déroutante, tout comme la position de conduite : on est assis bien bas, ce qui n’est pas désagréable au demeurant. Le rayon de braquage limité et l’angle de chasse important ne la rend pas aussi intuitive qu’un roadster basique. On prend pourtant ses marques assez rapidement, le centre de gravité placé très bas facilite bien les choses. Le moteur souple et volontaire aussi ! La Night Rod peut faire parler la poudre, au désespoir de votre éventuel passager qui ne sait que faire pour ne pas rester sur place… Il faut dire qu’elle pousse, la bougresse, et que sa ligne «dragster» n’est pas usurpée. Harley commercialise d’ailleurs une petite série de dragsters sur la base de la V-Rod. Bon sang ne serait mentir, la Night Rod excelle au grand prix des feux rouges. Le moteur reprend déjà avec vigueur vers 2500 à 3000 tr/min, jusqu’au rupteur à 9000 tr/min. La plage d’exploitation s’étend sur plus de 6000 tr/min. A 120, le moteur ronronne à 4000 tr/min. Une rotation de la poignée de gaz vous propulse immédiatement en avant : la magie d’un V-twin bien rempli, un vrai plaisir à l’usage, du pur bonheur sur la route, où le couple vous catapulte d’un virage à l’autre sans jamais devoir changer de rapport. Le frein moteur bien présent participe à l’agrément. Les trois disques de 300mm pincés par des étriers Brembo apparus l’an dernier sur la Street Rod font maintenant partie de la dotation standard de toute la famille VRSC. Cet équipement suffit amplement à ralentir les 275kg à sec de la Night Rod.
Etincelles
Les suspensions offrent des débattements réduits, de l’ordre de 100mm, qui suffisent pourtant à procurer un confort acceptable en usage courant. Par contre, vous atteindrez vite les limites de la garde au sol. La Night Rod est si convaincante qu’on a tendance à l’emmener à un rythme plutôt soutenu et on se retrouve à racler repose-pieds, pots, et même les écopes du radiateur. Prudence donc ! La Night Rod est, comme beaucoup de Harley, très attachante, et le succès de la marque n’est pas usurpé. La seule chance des «petits» constructeurs, face aux rouleaux compresseurs japonais, est de proposer des motos différentes, avec une identité propre. Moins policées que les motos du soleil levant, moins efficaces peut être, mais souvent plus attachantes. Les amateurs de MV, Guzzi, BMW, Triumph, Buell, Harley-Davidson… ne nous contrediront pas. Harley l’a très bien compris, qui cultive sa différence avec obstination, sans pour autant refuser l’évolution. Le moteur sophistiqué des VRSC l’illustre à merveille, tout comme le rachat de Buell… Alors, pas de défauts ? Si : une autonomie ridicule ! Les 14 litres de capacité sont mis à mal par une consommation qui a oscillé entre 7 litres et 8,5 litres, et le prix de la différence : la Night-Rod s’affiche à 17795 euros, soit 900 euros plus chère qu’une Street Rod, sans qu’on comprenne vraiment pourquoi…