24 mai L’escale à Trinidad est très dépaysante. Nous sommes réveillés par le tintamarre tropical des oiseaux, il y a pire comme réveil. Au déjeuner, nous engloutissons une solide ration de fruits frais, et pendant que l’équipe de Moto-Andina s’active sur les motos (montage de pneus cross, ça sent la boue par ici!) nous profitons d’un combi VW, piloté par un Allemand parlant parfaitement le français, pour nous rendre au centre de Trinidad. Petit bourg sympa, bien comme on l’imagine, et littéralement envahi de deux-roues, type CB 125 ou C 70, d’origines diverses et variées. Nous flânons une bonne demi-heure, puis nous prenons des motos taxi pour rentrer à l’hôtel. Aujourd’hui nous partons vers San Borja. S’il a plu, ce sera la galère. Pour les motos, ça devrait aller avec les pneus cross et un peu de bonne volonté. Pour le Land, on verra ! Ses pneus sont un peu trop «routiers » pour les vrais bourbiers. Longtemps après 23h, San Borja. Quelle journée ! Ce matin, nous nous promenions tranquillement dans Trinidad, testant pour vous les motos taxi. Après avoir fait le plein et enfilé tout notre équipement sous le climat tropical, nous sortons de Trinidad et bifurquons vers San Borja. Pas de doute, nous sommes sur la bonne route, un panneau nous indique « San Borja 222 km ». Belle piste en terre battue, paysages superbes, végétation luxuriante, fleuves. Nous franchissons trois bacs en moins de cinquante kilomètres, et chaque passage dégage un parfum d’aventure hors norme. Nous photographions d’ailleurs un camion roues bloquées entre le bac et ce qu’on doit qualifier d’embarcadère, sous le regard blasé d’un groupe de gauchos à cheval. L’enfer vert… Quelques kilomètres après le dernier bac, nous commençons à déchanter devant l’étendue du bonheur qui s’offre à nous : quasiment 170 km ininterrompus d’enfer vert et brun ! Et pas le choix, nous devons arriver de l’autre côté ! La piste est labourée par les camions, les bus, les 4x4 qui l’empruntent. Il nous faut choisir une trace, plonger dans l’ornière et tâcher de la suivre. Rien à voir avec nos petits bourbiers ardennais ! Ici, c’est non-stop, sans repos, et pas question d’en sortir avant la fin ! Les ornières sont creusées par des roues jumelées, ce qui ne simplifie pas la conduite de nos motos. A certains endroits, elles se creusent de soixante à quatre-vingts centimètres, formant des cuvettes qui nous catapultent en l’air. A ce tarif-là, les gamelles sont bradées. Nous en prendrons près d’une dizaine sur la totalité de l’étape. La moto est couverte de boue, nous aussi ! Nous testons de façon très professionnelle tout notre matos, qui se tire de toutes ces gamelles avec les honneurs : la veste et le pantalon se couvrent de boue mais ne laissent rien rentrer, et notre splendide AGV V.Rossi prend des couleurs très agricoles. Les protections judicieusement disposées nous évitent tout bobo, mais notre pied reste accroché dans une ornière, nous tordant cheville et genou et nous mettant au tapis une énième fois.