François Piette

20 JUN 2005

Édito : les motards oubliés

Belgopocket, le nouveau guide du citoyen distribué gratuitement dans les bureaux de poste, notamment, a oublié 300.000 citoyens : les motards. En effet, dans la rubrique Permis de conduire (page 116) on y parle que des voitures, pas des motos. Les autorités ont oublié les motards, cela démontre peut-être son état d’esprit. Même si une campagne publicitaire de l’IBSR incite les automobilistes à veiller davantage aux motos, les forces de police ont décidé, en même temps, de mener des contrôles ciblés dans les régions fort appréciées des deux roues motorisées. Sans parler de l’état de nos chaussées (voir ce cliché de bitume pris ce dimanche par le vroomeur sletch2003). Même si certains rails de sécurité ont été dédoublés pour la sécurité du motard, on constate qu’il y a encore de nombreux efforts à réaliser. La surprotection Les motards sont-ils devenus les parias de la société ? Il est clair qu’ils sont non politiquement corrects. Non seulement le motard revendique le droit d’adopter une pratique à risque mais en plus, il y prend plaisir. A contrario de notre société où l’on surprotège. Loin de moi l’idée de préconiser les enfants sans ceinture à l’arrière (voire même dans le coffre comme de vulgaires sacs à patates) et la moto en bras de chemise… Choses inadmissibles. Mais il faut toutefois accepter une certaine prise de risque inhérente à tout déplacement sur la voie publique. Ce n’est pas en roulant à vélo en armure ou avec des harnais remplaçant la ceinture de sécurité qu’on est à l’abri de tout danger. Le danger il est partout et, surtout, dans l’oubli de son existence. Car parler du danger en fait prendre conscience sans pour autant l’éliminer. Par contre, l’oublier revient à le provoquer. C’est surtout vrai pour le motard, usager « tout nu » sans sa carrosserie. Il sait donc qu’il est vulnérable. Il sait qu’il prend des risques… Mais il sait aussi que beaucoup ne le comprennent pas et ne veillent pas assez sur les deux roues. Droits et devoirs Il est grand temps de se pencher sérieusement sur la place des différents usagers dans la circulation, sur leur mobilité et sur l’état d’esprit à adopter. Un piéton a tout intérêt à être visible, tout comme un cycliste. Outre les droits dont les usagers faibles disposent et indiqués en long, en large et en travers dans le Belgopocket, ils sont aussi des devoirs (heureusement, Belgopocket les indique aussi). Nous tous, citoyens, avons des devoirs. Tout comme le législatif et l’exécutif. Or, les autorités belges semblent abandonner leur devoir de veiller sur la qualité des routes. Le bitume est dans un état désastreux, les potelets avec catadioptres sont souvent inexistants, cassés ou inutiles car couverts de saleté. Il suffit d’avoir un température supérieure à 30 °C et les infos trafic sont inondées de routes fermées pour cause de chaussée dégradée et d’accident liés à des véhicules surpris par un revêtement fondu. Les plus optimistes insisteront sur l’éclairage autoroutier, reste d’un passé glorieux. Mais les nouvelles portions d’autoroute manquent cruellement de clarté de nuit, à l’inverse des autoroutes (payantes) françaises balisées comme des pistes d’aéroport… Sans un seul watt d’électricité. De la place pour tous Le non-respect de la courtoisie et l’intolérance de certains usagers de la route, minoritaires, ont refermé le piège sur l’ensemble des conducteurs. Préférant la répression, les autorités ont oublié l’essentiel : sa propre responsabilité. La sécurité routière ne se limite pas à 1000 radars, à des limitations de vitesse ou à des phares allumés de jour. Il faut aussi penser à offrir un réseau routier efficace et compréhensible. Par exemple, en Belgique, toutes les zones scolaires passeront en zone 30 pour la rentrée prochaine. Bravo ! Sauf que la nuit et le week-end c’est souvent inutile. Chez nos voisins allemands, la limitation de vitesse aux abords des écoles est souvent réservée du lundi au vendredi durant les heures de classe. Une mesure compréhensible et facilement acceptée. Tout comme celle d’autoriser les motos, sous certaines conditions, à remonter les files (déjà le cas en Belgique mais pas en France). Mais c’est là bien peu de choses en regard du travail qui reste encore à fournir pour aider les motos dans leur mobilité quotidienne. Surtout que la nouvelle manœuvre de freinage d’urgence de l’épreuve pratique pour l’obtention du permis A suscite l’incompréhension. À se demander si on ne veut pas décourager les candidats motard. On semble oublier que si les rois de la route sont les routiers ; tout aussi sympas, les motards en sont les seigneurs. © Olivier Duquesne Photos : Ghost le fantôme et sletch2003
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