François Piette

8 JUN 2007

Ne tirez pas sur les Bikers, ils ont tout compris!

Certaines années comptent plus que d'autres chez Harley. Parfois les nouveautés se résument à un chrome supplémentaire ou une nouvelle couleur, d'autres années les modifications sont plus profondes mais plus discrètes. Pour 2007, Harley-Davidson a fait fort avec son Big Twin.

La cylindrée, tout d'abord. Le Big Block, baptisé 96 pour 96 cubic inches, soit 1584cc, même s'il n'a pas le monopole de la plus grosse cylindrée pour un twin, déclasse pourtant sérieusement l'ancien 88, de 1450cc seulement(!!). Une augmentation de 9% de la cylindrée grâce à une augmentation de la course du piston (111,1 au lieu de 101,6), mais 19% de couple gagné pour un gain d'environ 15% de la puissance. Le travail fut plus profond qu'il n'y paraît au premier abord. Plus de sept cents pièces furent renouvelées. Les seules parties qui ne furent pas modifiées sont les cylindres, culbuteurs, couvre-culbuteurs et d'autres pièces du haut moteur. Le vilebrequin, les bielles, les carters moteur et boîte ainsi que toutes les pièces de la transmission sont neufs. Big was not big enough! Ce moteur est décliné comme auparavant en deux versions. Le 96 et le 96B, destiné à être monté rigide dans les cadres Softail, qui se voit équipé d'arbres d'équilibrages internes qui absorbent 90% des vibrations primaires du moteur. Les nouveautés ne se limitent pas au moteur. Une avancée marquante est l'introduction d’un système actif d’admission et d’échappement innovant et sophistiqué, qui augmente la puissance, le couple et la qualité du son de manière significative, tout en respectant les normes européennes de bruit et d’émission de gaz. Des soupapes situées au niveau de l’échappement et de l’admission d’air s’ouvrent et se referment en fonction du programme "Engine Control Module" et du capteur de position de la poignée de gaz. Les soupapes se referment pour réduire l’admission et le bruit de l’échappement à des régimes moteurs et positions de la poignée de gaz pré-déterminés. Cela permet de réduire le bruit à basse vitesse, par exemple en ville. En revanche, sur l’autoroute, les soupapes s’ouvrent pour optimiser la performance et la qualité du son, les gaz s’échappent librement par les silencieux et les résultats du moteur sont améliorés grâce à un meilleur écoulement des gaz. Le progrès se cache Comme on s’y attend de la part d’Harley Davidson, la nouvelle technologie est discrète et s’intègre parfaitement à la moto afin que son look classique et son moteur V-Twin ne soient pas défigurés. Seuls les puristes décèleront les subtiles différences affichées par le millésime 2007… Grosse évolution au niveau de la boîte de vitesses qui se voit adjoindre un sixième rapport qui permet de réduire les tr/min de 11% en sixième, en comparaison avec l’ancienne transmission à 5 vitesses du Big Twin. À 120 km/h, la vitesse du moteur est réduite de près de 400 tr/min, de 3200 à 2800 tr/min environ, ce qui rend la conduite plus agréable sur long trajet. Les vitesses deux à quatre possèdent des pignons hélicoïdaux qui permettent de réduire le bruit de manière significative. Parmi les autres améliorations du Twin Cam 96, citons en vrac des carters simplifiés, permettant d’éliminer les joints d’étanchéité et autres pièces, comme des conduits d'huile externes, des pistons et bielles plus légers, de nouveaux arbres à cames plus silencieux, une pompe à huile à plus gros débit, de nouveaux injecteurs d'essence, un tendeur de chaîne primaire automatique ou, plus "palpable", un embrayage assoupli. Et pour ceux qui pensent que "Big is still not big enough", il suffit de boulonner un kit big bore de 1688cc qu'Harley propose en pièces originales… D'autres nouveautés? Oui, encore, avec la nouvelle alarme, hyper agréable à l'usage. Dès que vous approchez de la moto, l'alarme se déverrouille, dès que vous la quittez, elle s'enclenche. Comme il n'est pas nécessaire (et pas indiqué!) de laisser la clé sur le contacteur, c'est très sympa de s'asseoir sur la moto, de tourner le gros contacteur à la main et de démarrer! Mmmh, c'est si bon… La satisfaction ne s'arrête pas là. Cette mythique et massive motocyclette propose une position de conduite déroutante pour un motard habitué à des modèles plus communs, mais pas déplaisante pour autant. Le charme agit immédiatement et l'envie de "cruiser" se fait pressante. Un coup de démarreur, marqué d'un solide claquement, et le V-Twin s'ébroue gentiment, oscillant doucement dans le cadre sur ses silentblocs. Le big twin, sans arbre d'équilibrage, est en effet monté souple sur les modèles de la gamme Touring, histoire d'adoucir un peu les célèbres vibrations. Belle réalisation: les vibrations sont là, bien présentes, fidèles à la légende, mais jamais désagréables. La dernière évolution du big twin lui a donné le "pep's" qui faisait défaut à son prédécesseur. Le moteur témoigne du savoir-faire des Américains. Tout au long de notre essai, jamais nous ne nous sommes sentis frustrés: il fut tout aussi plaisant d'enrouler sur un filet de gaz que de profiter des vigoureuses relances qui permettent de mouvoir cette imposante machine avec vivacité. Tout est dans le nom Le confort prodigué par les suspensions arrière pneumatiques est réel, en tout cas pour le pilote. Le passager se sent moins aimé, avec une selle certes esthétique, mais loin du luxe ostentatoire d'une Electra Glide. Le pilote au contraire jouit d'une selle large et confortable, capable de l'emmener de la côte est à la côte ouest, bien complétée par le large pare-brise qui allège le torse de la pression du vent. Les repose-pieds montés souples parachèvent le tableau. Vraiment, rien à redire sur les qualités dynamiques de la bête. Le confort est au top, on l'a dit, et le freinage ne fait plus rire. Certes, il n'a pas le mordant d'une sportive, mais les trois disques font très correctement leur boulot, il est même facile de bloquer la roue arrière! La tenue de route, en phase avec l'esprit de la moto, se veut rassurante en restant toujours très saine. Tout au plus déplorera-t-on un léger mouvement pendulaire de la direction à grande vitesse, mais justement les grandes vitesses n'ont aucun sens au guidon de la Road King. Cette moto possède l'immense mérite de distiller un plaisir intense, quelle que soit la vitesse, ou, plus exactement, depuis les plus basses vitesses. Le bonheur est complet, en roulant sur un filet de gaz à 4O km/h en ville, 70 – 80 sur route, 100 – 120 sur autoroute. Si vous voulez aller plus vite, pas de problème, la Road King se laisse mener sans déplaisir, mais cette moto est une des rares qui nous aient donné autant de plaisir à des allures aussi raisonnables et respectueuses des limitations. Les bikers auraient-ils tout compris depuis longtemps? Si la répression s'accentue, ce qui ne fait guère de doute, il vaudra mieux investir dans une belle et indémodable Harley que dans n'importe quelle moto qui vous ennuiera profondément ou qui vous coûtera votre permis, en fonction du rythme que vous adopterez. C'était trop beau Une seule réserve, mais de taille. Son prix respectable de 21495 € ne la met décidément pas à portée de toutes les bourses! Le calcul mérite toutefois réflexion: cette cathédrale mécanique ne se démodera pas de sitôt, Harley Davidson prenant bien soin de faire évoluer ses millésimes en douceur, et une Harley vieille de dix ans ne paraît guère différente et guère démodée face au dernier modèle sorti de chaîne. Et puis, le jeu n'est-il pas de le faire évoluer au gré de ses envies et de ses goûts, bien aidé en cela par un nombre impressionnant de catalogues, tous plus épais qu'un bottin de téléphone? © Bruno Wouters
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