Franchement quel est l’intérêt de s’offrir une telle voiture ? L’une comme l’autre sont gourmandes – de 14 à 25 litres aux 100 km – très voyantes et impossibles à vivre pour ceux et celles qui ont le mal des transports. Au point que parfois certains refusent catégoriquement d’y entrer. Trop peur ! Pensez donc, une Subaru bleue avec un aileron d’enfer, la prise d’air dans le capot et des jantes dorées contre une Mitsubishi rouge « cigarette américaine » avec un aileron tout aussi proéminent et une plaque évocatrice : EVO 008 ! Difficile de passer inaperçu, sans oublier le bruit incroyable des moteurs 2 litres cachés sous le capot qui fait tourner les têtes sur les trottoirs.

La Subaru

La prise en main de l’Impreza est radicale. En dessous des 4000 tours minute rien de particulier, mais dès que l’aiguille du compte-tours atteint ce seuil fatidique, on entre dans une autre planète. Le coup de pied aux fesses est impressionnant et direct. Ça pousse, on se prend des G et on s’amuse comme des fous. On se dit ici qu’une telle voiture demanderait un permis spécial car la moindre tête brûlée pourrait faire d’énormes carnages. Les concessionnaires de la marque le savent bien et limitent les essais aux clients potentiels car on est vite dans le décor quand on oublie une règle d’or : rester humble face à un animal sauvage. Certes, la transmission intégrale permet de récupérer facilement le fauve, mais on n’est jamais à l’abri d’un tête à queue. Pourtant la transmission à 3 différentiels est aidée par le DCCD (Drive Controlled Center Differential). Cet embrayage multidisque module le blocage du différentiel central. Les 1994 cm³ sont entraînés comme des chefs et propulsent l’Impreza avec une incroyable énergie. Il faut dire qu’on peut compter sur 265 ch (195 kW) pour expédier les 1450 kg de cette auto. Dès lors, le tempo 100 se fait en 5,5 secondes environ. Véritable engin de rallye, on a malgré tout un confort convenable. Bon, l’air co n’est pas super au point et les places à l’arrière… Ben c’est des places à l’arrière. Devant, par contre, les sièges baquet sont super efficaces et très beaux. Il y a aussi le bruit aérodynamique et la musique du moteur, d’ailleurs il n’y avait pas d’autoradio dans notre voiture d’essai. En même temps la symphonie des soupapes suffit. Le choix des matériaux est avant tout efficace. Et puis, l’amortissement sur routes délabrées est remarquable. Normal, pour une voiture directement inspirée du rallye. Normal aussi l’accessibilité du moteur. Ce sont les mécanos qui vont être content. Ici, pas difficile de travailler sur le bloc. La boîte 6 vitesses est bien étagée, même si la deuxième est un peu courte. Lors de l’essai, la pluie a rendu les routes glissantes, idéal pour bien sentir les sensations offertes. Avec, une telle ampleur dans la puissance, forcément ça glisse. La direction « assistée » est ferme et directe. Essentiel ! La transmission intégrale permet de rectifier le tir aisément. Toutefois, les freins sont un peu faibles, mais depuis lors (l’essai date de juillet), Subaru a rectifié le tir.

La Mitsubishi

La Lancer Evolution VIII a une accélération plus linéaire avec un turbo moins agressif. Elle est donc plus docile à l’accélération et à diriger aussi. Ça n’empêche qu’elle pousse très bien quand même. L’accélération permet de passer de 0 à 100 km/h en 6 secondes. Sous le capot un 1997 cm³ de 265 ch (195 kW) et 1470 kg à traîner. Ici la boîte est à 5 vitesses. Mais ce qui nous a le plus surpris c’est sa tenue de route. Elle doit rouler sur des rails, c’est pas possible autrement. Il faut vraiment y aller franchement et tourner le volant comme un malade pour la chasser. La transmission intégrale par l’intermédiaire des 3 différentiels fait donc des prouesses. À l’avant on a un système Torsen classique et passif. Par contre, le différentiel central et celui à l’arrière sont actifs et contrôlés en fonction de la conduite. L’EVO 8 utilise aussi l’AYC (Active yow control) qui peut faire accélérer une des deux roues arrière en virage. Tout bénéfice pour l’agilité. Elle est plus civilisée aussi avec un intérieur plus cosy, cinq vraies places et des sièges moins enrobants… et un autoradio ;-) Le confort est toutefois pénalisé par une suspension très dure, très ferme, très virile. N’empêche que le grondement du moteur annonce la couleur (des fois que le rouge ne suffise pas). On l’entend et on la voit venir. C’est sûr. Alors on se fait aussi plaisir. D’autant qu’on n’a pas eu fini de s’étonner de son comportement. Dommage que les freins soient un peu justes. De plus, son caractère de kangourou sur route bosselée rend la tenue de cap plus délicate dans ces conditions extrêmes. On découvre alors des sensations de pilotage. Mais dès que la route redevient régulière, alors elle retrouve son extraordinaire tenue de route. Disons que c’est plus une voiture pour des spéciales sur bitume, alors que la Subaru se délecte des ornières et de la boue. Ceci dit, l’efficacité routière de la Mitsubishi �et une consommation un poil moins tankiste permet de débouler sur autoroute et sur les grandes nationales presque comme une berline « normale ». Sauf qu’ici aussi les bruits aérodynamiques risquent d’agacer les passagers. Reste aussi le prix plus élevé surtout en version Élégance avec intérieur cuir.

En conclusion

La Mitsubishi est plus policée tout en restant très agressive. La Subaru, par contre, est un véritable engin de guerre. Même si, par rapport à un véhicule de compétition, on a des standards permettant une utilisation quotidienne, ça reste déraisonnable pour qui veut les utiliser tous les jours. Déjà la consommation, l’assurance, les taxes… feront tout pour décourager les amateurs. Restent alors les mordus et ceux qui ont choisi la voie du plaisir avant tout. D’autant que leur autonomie est celle d’une Spéciale. On a battu notre record : moins de 200 km avec 50 litres !

© Lionel Hermans, Eric Spitzer & Olivier Duquesne

P.-S. : pas de check-list pour les comparatifs