Deux mythes !

Au début des années 50, Triumph entend conquérir le cœur (et le portefeuille) des Américains. Il faut des devises yankee pour remettre l’économie britannique dans le droit chemin ! C’est ainsi que la Triumph TR2 naît en 1953. La recette est archi-simple et bricolée autour d’éléments existants : un robuste châssis taillé comme des rails de chemin de fer, une carrosserie aussi minimaliste qu’un string, un équipement tout simplement inexistant et un moteur de tracteur. Spartiate au possible, mais ça marche ! Ce best-seller évoluera par la suite en TR3, puis TR3A, une variante exportée à 95% aux Etats-Unis ! L’histoire se termine en 1962, après largement plus de 80.000 exemplaires produits.

L’histoire de la MX-5 est certes plus récente, mais cela n’a pas empêché le petit roadster nippon d’entrer lui aussi dans la légende. En s’inspirant des roadsters anglais des années 60 (Lotus Elan en tête), Mazda accouche d’un modèle compact, décapotable et tout en courbe. La recette prend immédiatement et la MX-5 fait un véritable tabac, notamment aux Etats-Unis ! Depuis 1989, trois générations se sont écoulées et Mazda en a produit plus d’un million !

Les fiches techniques

Avant d’embarquer à bord de nos deux protagonistes, passons les fiches techniques sous la loupe. La MX-5 commence à accuser le poids des années, avec un moteur qui ne s’embarrasse ni de la suralimentation, ni même de l’injection directe. D’une cylindrée de 1,8 l, il délivre 126 chevaux et un couple de 167 Nm à 4.500 tr/min. Des valeurs franchement moyennes qui transitent aux roues arrière via une boîte manuelle à 5 rapports. Heureusement, avec une masse de 1.150 kg (toit souple), les performances sont décentes : 194 km/h et moins de dix secondes au 0 à 100 km/h.

Pourtant, cette relative désuétude technique ressemble à un festival technologique quand on regarde la fiche de la Triumph : le moteur, dérivé d’un tracteur Ferguson, est un robuste 4 cylindres tout fonte avec arbre à cames latéral. Du solide, alimenté pour faire sport par une paire de très britanniques carburateurs SU. La TR3A (notre exemplaire) réussit le pari de tirer une centaine de chevaux des 2 litres de cylindrée. La boîte à 4 rapports peut éventuellement être rallongée par un overdrive et ici aussi, ce sont les roues arrière qui poussent ! Mais ledit essieu est rigide et le châssis est encore séparé ! Côté chiffre, cela donne 170 km/h en pointe, mais un beau 10,8 secondes au 0 à 100 km/h !

Une porte ridicule

Le format timbre-poste de la porte de la TR3A incite plus à l’enjamber qu’à l’ouvrir. Bon, histoire de ne pas jouer les fanfarons de quartier, on se plie quand même en quatre pour actionner la poignée, pour ensuite se laisser tomber au volant ! Dieu que c’est bas ! Les fesses au ras du sol, posées sur un siège vaguement rembourré (qui a dit « tabouret » ?), on assiste à une planche de bord sommaire, mais agrémentée d’une ribambelle de cadrans en tout genre.

L’inventaire de l’équipement est vite expédié car il n’y a… rien, mais alors, absolument rien ! Pas même une poignée intérieure d’ouverture de porte, remplacée par une simple corde ! Le pare-brise n’est jamais qu’une vitre plate cerclée de chrome, mais qui a l’insigne honneur de vous faire admirer les phares rebondis et les ailes galbées. Quant à la capote, oubliez-la : un cauchemar d’armatures, d’agrafes et autres éléments destinés à vous meurtrir les doigts et à faire perdre son flegme à un sujet britannique pur souche ! En cas d’averse, deux solutions : attendez sous un pont ou… continuez à rouler !

« Faire corps avec la voiture »

Dans la MX-5, on change de décor, mais pas vraiment d’altitude ! Ici, on ressent le souci du détail typiquement japonais. Histoire de faire « Vintage », Mazda a inséré une pression d’huile entre le compte-tours et le compteur. Mignon, mais inutile : que le premier à avoir connu un ennui quelconque avec le 1.8 Mazda lève le bras ! Pour le reste, ce n’est que du bonheur : tout tombe parfaitement sous la main, y compris ce formidable joystick qu’est le levier de vitesse !

Le volant, les commandes, tout est parfaitement à sa place et les sièges assurent un maintien optimal. On se sent vraiment en harmonie avec la voiture ! Quoique les – très - grands gabarits dans mon genre pesteront contre l’absence de réglage en profondeur du volant (qui tombe de plus, toujours trop bas) et une garde à la capote qui oblige à conduire tête inclinée. Qu’à cela ne tienne : faites tomber le couvre-chef et roulez cheveux au vent ! Pour ce faire, rien de plus simple : déverrouillez depuis le pare-brise, appuyez sur le bouton, patientez quelques secondes et c’est prêt !

Les sensations côté MX-5…

La MX-5, c’est le diamant poli. Le moteur 1.8 l est servi par une boîte d’une précision diabolique et rapide comme l’éclair à manipuler. Côté agrément, on ne connaît pas mieux ! Le moulin, lui, manque de ressources pour exploiter toutes les qualités du châssis. Sa sonorité quelconque est toutefois bien présente et il se plaît à grimper dans les tours ! Mais côté reprises, avec ce 1.8i, on reste sur sa faim.

Le châssis, largement au-dessus des possibilités du moteur, fait preuve d’un redoutable équilibre et semble directement connecté au cerveau : c’est vif et incisif ! Quoiqu’un peu souplement amorti avec les suspensions « normales ». Les freins, eux, répondent toujours présent, y compris en conduite « dynamique » !

Et côté Triumph !

La TR3A, c’est le diamant brut ! Notre exemplaire bénéficie d’une crémaillère de direction qui améliore considérablement la précision de conduite, face au boîtier d’origine flanqué d’un flou pas toujours artistique. Sur les bosses, ça fait crac-boum-hue, les roues arrière sautillent, la caisse vibre comme une feuille de papier sous un marteau-piqueur, le barouf de l’échappement résonne sourdement dans vos tympans, mais qu’est-ce que c’est bon !

Sur routes lisses, on lui trouve pourtant un équilibre assez étonnant. Le moteur, lui, a de la ressource ! Formidablement vigoureux, il laisse la MX-5 sur place dans l’exercice des reprises à bas régimes ! Mais évitez de grimper trop haut : ce n’est vraiment pas sa tasse de thé ! Côté freins, les disques avant (une première, à l’époque) assurent un bon boulot, mais vous développerez un jarret de cycliste ! Quant à la boîte, les débattements courts sont un régal si… vous maîtrisez le double-débrayage !

Côté prix…

La MX-5 est à vous à partir de 24.000 € (capote souple) ou de 26.500 € (toit en dur). Notre choix ? La 2.0i Sport à 28.000 € : l’agrément est transformé ! Côté consommation, la chose pâtit d’une boîte courte et d’un moteur qui s’agite dans les tours : comptez entre 8,5 et 9 l/100 km. Question fiabilité, la « Miata », c’est une horloge suisse !

Des Triumph TR3 et TR3A, on en trouve plein dans les petites annonces spécialisées ! Comptez 25.000 € pour un exemplaire sain et 35.000 € pour un modèle irréprochable. Côté pièces et entretien, pas de soucis à se faire : on retrouve tout, à prix cassé et c’est simple comme tout à réparer/entretenir. Si vous avez l’âme d’un bricoleur… Bonne nouvelle quant à la fiabilité : c’est du solide ! Mais jetez tout de même un œil à tous vos cadrans (température en tête) : ils ne sont pas là que pour faire joli ! Et n’oubliez pas que la rouille est l’ennemi numéro 1 !

Conclusion

Ce qui est formidable avec la MX-5, c’est que son interprétation du roadster classique ne la fait toutefois pas remplacer ce dernier. Comprenez que les deux cohabitent pour le meilleur, avec une MX-5 savoureuse, efficace et qui se déguste partout, tout le temps. La TR3, elle, remonte le temps et délivre des sensations à la pelle : un vrai tour de manège qui sera forcément bref, mais lorsque l’on en sort, généralement sourd, ébouriffé et un peu vacillant, on ne demande qu’une seule chose : se remettre au plus vite derrière son volant !

Nos remerciements au Classic Club pour le prêt de cette Triumph TR3A !