François Piette

12 NOV 2009

Renault 8 Gordini : Le mythe aux bandes blanches !

Une boîte à chaussures hurlante, surmontée de deux bandes blanches et constamment en travers dans les virages, ça vous dit quelque chose ? Banco ! Devenue mythique, la R8 Gordini est à nouveau sous les feux des projecteurs, depuis l’annonce faite par Renault de ressusciter la griffe Gordini !

Genèse…

Amédée Gordini fût à la France ce que Carlo Abarth fût à l’Italie. Un magicien ! Un véritable sorcier de la mécanique, capable d’ensorceler les moteurs les plus fainéants et de les rendre hautement athlétiques. Installé à son propre compte au début des années 50, ses voitures résultaient d’un travail parfois un brin empirique. Si le potentiel était important et les exploits, réels, les voitures souffraient d’un manque de suivi et de sérieux troubles financiers au sein de la firme qui les a vu naître. Génie mécanique mais piètre homme d’affaires, Amédée Gordini se joint alors à la Régie Renault et appose sa griffe sur la populaire Dauphine. Cela ne la transforme pas en avion de chasse, mais le meilleur est à venir…

Carré, on a dit !

En 1962, Renault présente la R8, destinée à remplacer la Dauphine. Le style tranche complètement avec cette dernière : de rondouillarde et souriante, la populaire devient carrée et menaçante. Fini les courbes ! Techniquement, si le moteur est toujours tout à l’arrière, les freins à disques et les suspensions évoluées laissent espérer une version hautement sportive… Et elle ne tardera pas !

Deux bandes blanches !

Dès 1963, Amédée Gordini se pencha sur les entrailles de la R8. Un an plus tard, le mythe était né. Pour la reconnaître, rien de plus simple ! Exécutée le plus couramment en bleu France, la R8 Gordini s’ornementait de deux bandes blanches, qui lui faisaient gagner de précieux kilomètres/heure dans les discussions de café ! Une idée géniale, qui fit émule de nombreuses années après. Mais c’étaient surtout les évolutions mécaniques qui valaient le coup : le moteur gagnait 150 cm³ et cubait 1108 cm³. Alimenté par deux carburateurs double-corps, il développait 77,5 chevaux à 6.500 tr/min ! Avec sa boîte à 4 rapports, la R8 Gordini flirtait avec les 170 km/h ! Soit une vitesse presque surréaliste pour une berline de l’époque ! Il faut dire qu’une DS contemporaine, la reine de la route, plafonnait à 160 km/h grand maximum !

Les 4 phares !

En 1966, Renault révise son jouet et Gordini réalèse le moteur à 1255 cm³. Pour les plus sportifs, une évolution à 1296 cm³ était également proposée. Au minimum, le pilote disposait de 88 chevaux à 6.750 tr/min ! Les performances étaient jugées époustouflantes : 175 km/h et moins de 32 secondes au 1000 m départ arrêté ! La boîte gagnait un 5ème rapport et soulageait les oreilles des occupants ! Les suspensions revisitées donnaient un caractère spectaculairement survireur à la voiture ; mais une fois ce côté assimilé, l’auto se révélait d’une remarquable efficacité !

Un incroyable succès !

La R1134, soit la première variante équipée du 1.100 cm³ fût construite en plus de 2.600 exemplaires entre 1964 et 1966. La suivante, commercialisée de 1966 à 1970, trouva près de 9.000 acquéreurs ! Son succès immédiat était dû à un rapport prix/performances absolument remarquable ! De plus, capable de rouler la journée en ville et le dimanche sur circuit, la R8 Gordini affichait une polyvalence capable d’attirer tant le sportif que le père de famille. Et puis il y avait ces bandes blanches… Le long des nationales dénuées de radar et autre piège, les discussions allaient bon train dans les cafés ! Des jantes Gotti pour le look et la tenue de route, un pot Devil pour ameuter les filles du quartier et une queue de renard au rétroviseur, et voilà les R8 Gordini parées pour la frime ! Une preuve supplémentaire de sa polyvalence… Et n’oubliez surtout pas le casque « négligemment » posé sur la plage arrière !

En compétition

A peine présentée, la R8 Gordini fût engagée au tour de Corse et… le remporta ! Même schéma les années suivantes ! Sérieuse cliente en rallye, la R8 Gordini devînt rapidement une référence pour les pilotes amateurs. Voilà qui poussa Renault à lancer la coupe Renault 8 Gordini ! Bon nombres d’amateurs arrivaient par la route avec leur monture, courraient sur le circuit et repartaient… parfois sur une dépanneuse ! Une formidable école, dans tous les cas, qui révéla de nombreuses grosses pointures !

A conduire… ou à piloter !

Si vous êtes un habitué des familiales diesel à traction avant, la R8 Gordini pourrait vous effrayer ! Résolument typée survireuse, elle se place en entrée de virage sur les freins pour enrouler la suite en dosant le volant et l’accélérateur et, pour plagier Jean Ragnotti, « en y faisant par les vitres latérales » ! En clair, l’art de la glisse et des gros travers devient vite une seconde nature ! Le freinage est puissant pour l’époque et est assuré par quatre disques. Le moteur, surtout dans son ultime version, est un pur-sang bien libéré ! Encore dénué de filtres électroniques, de catalyseur et autre bride, il s’ébroue dans un grondement rauque, respire au travers de ses gros carbus Weber et adore s’envoler à 7.000 tr/min dans un hurlement grave et typique ! Revers de la médaille, à bas régimes, ça cafouille un poil… Il suffit de mettre les gaz ! La boîte, elle, est à oublier ! Imprécise et dotée de débattements incroyablement longs, elle pénalise l’agrément de conduite !

Surcotée !

Si après la lecture de ce qui précède, vous êtes décidé à vous offrir un exemplaire, attention ! Très nombreuses sont les copies sur base R8 Major, et mieux vaut demander conseil à un fin connaisseur pour reconnaître le vrai du faux ! Sinon, une fois restaurée, la R8 Gordini est plutôt une bonne fille, pas spécialement capricieuse. Certes, bien des exemplaires furent explosés lors de sorties de route et vaguement réparés par la suite, mais beaucoup ont aujourd’hui été refaits dans les règles de l’art. On prendra toutefois soin à examiner les éventuels points de rouille et la concordance des numéros de châssis/moteur. Quant à la cote… Elle a littéralement explosé ces dernières années et l’annonce du retour de Gordini risque d’amplifier le phénomène ! Ainsi, il faut compter environ 30.000 € pour un bel exemplaire !
 

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