Cathédrale mécanique
Gueule d’amour, la RoadKing Classic ! Enorme phare chromé, pare-brise amovible en un tournemain, pneus à flancs blancs montés sur les somptueuses jantes qui équipent aussi la Softail Deluxe, vastes sacoches en cuir, deux échappements qui soulignent d’un bout à l’autre les flancs de la bête, large guidon, tous ces éléments mettent en valeur une véritable cathédrale mécanique. Le V2 Harley cubant 1449 cm³ trône, royal, bardé de chrome, dans cette masse de métal pesant 332 kg à sec.
Good vibrations
Le moteur Twin Cam 88 qui équipe notre RoadKing est plus authentique pour le puriste que le 88B monté sur les Softail : il ne possède pas d’arbre d’équilibrage et vibre donc comme une « vraie » Harley doit vibrer. Sachant sa clientèle de moins en moins masochiste, Harley a trouvé la parade en montant souple ce monument ! Et le résultat est tout à fait convaincant. Une fois lancé d’un négligent coup de démarreur, il s’ébroue immédiatement grâce à l’injection électronique. C’est un plaisir de voir osciller le V2 dans le cadre et transmettre ses vibrations à l’ensemble de la machine. La prise en mains confirme le subtil travail des silent-blocs. Les vibrations sont assez présentes pour confirmez que vous chevauchez le mythe, mais ne deviennent absolument jamais dérangeantes. Du beau travail, qui rend le moteur plus présent, moins aseptisé que sur les Softail.
On the road again
Son caractère placide est trompeur : en quelques coups de gaz et autant de changements de vitesse, vous baissez les yeux pour apercevoir le compteur posé sur le réservoir et, surprise, vous croisez déjà entre 120 et 140 ! Vous mesurez alors le bienfait d’un châssis pensé pour avaler des kilomètres, aidé en cela par des suspensions confortables (amortisseurs pneumatiques), un pare-brise efficace et une position de conduite presque correcte. Les pieds sont décidément trop en avant à notre goût pour vraiment reposer le dos, mais l’assise est réellement mieux pensée que sur les Softail.
Voyage, voyage
À 120 avec elle, on irait au bout du monde, mais on évitera toutefois la route des Grandes Alpes ! Difficile de renier ses origines, elle est plus taillée pour les grands espaces que les petits virolos ! Impressionnante à l’arrêt, difficile à appréhender lors des manœuvres à petite vitesse, ce serait dommage de la f… par terre ! Les débuts sont un peu stressants. Mais une fois en mouvement, miracle d’un centre de gravité placé bas et d’un bon équilibre des masses, elle roule avec aisance et se balance d’une courbe à l’autre sans rechigner, vous rappelant simplement ses limites en raclant ses généreux repose-pieds au sol si vous lui en demandez un peu trop.
Espèce de voyou !
Nous avons beau savoir qu’elle n’est pas faite pour ça, mais lors de notre essai nous nous sommes permis de la rudoyer un peu. Résultat, panne sèche après 205 km (le réservoir contient 18,9 litres), heureusement terminée en roue libre devant une pompe à essence. Ouf ! Bilan ? Hé bien on s’amuse pas mal, et ça avance ! Le moteur rechigne à monter haut dans les tours, mais son couple de 109 Nm à 3400 t/min remplit bien son office, les suspensions souples ne travaillent pas mal. Certes l’ensemble se tortille un peu mais l’empattement long et le généreux angle de chasse stabilisent pas mal l’ensemble.
Arrêt d’urgence
Le freinage reste très « Harley », avec une prépondérance sur l’arrière malgré la présence de deux disques à l’avant. Ceux-ci sont efficaces, à condition de tirer sérieusement sur la poignée. Le couple et le frein arrière commandé par une robuste pédale très « automobile » vous permettront par contre d’atteindre assez vite les limites d’adhérence du pneu arrière. Facile de bloquer la roue au freinage, même sur le sec. Et en vous arrachant sur route mouillée, gare au patinage. Heureusement qu’il y a toujours cet empattement long pour maintenir l’ensemble en ligne !
Bon d’accord, ce n’est pas sa tasse de thé, mais elle est capable de vous surprendre, de même qu’en ville d’ailleurs, où, avec un peu d’habitude, vous vous faufilerez dans la circulation à un rythme plutôt soutenu. Surprenant pour une moto de ce gabarit !
Coup de cœur
À chaque essai d’une grosse Harley-Davidson nous vient la même réflexion. On pense d’abord moto « frime », complètement inexploitable. Et puis on roule, on s’habitue et on la ramène avec regret, tellement le style de conduite décalé qu’elle suscite s’avère agréable au quotidien. Ces motos font rêver, et elles le font bien !
Prix : 21.750 €
© Bruno Wouters