La « S » qui nous occupe ici est la déclinaison plus «sportive» de ce nouveau bicylindre cubant 800cc ainsi que son patronyme le laissait présager. Comme pour les R ou les K, les F partagent une conception et nombre d’éléments communs. A tout seigneur tout honneur : le moteur reprend une architecture qui n’est plus si fréquente : le vertical twin, qui fit pourtant les beaux jours de la moto jusque dans les années septante. On le retrouve encore sur les Yamaha TDM, les Triumph Bonneville ou la Kawa ER6. Plusieurs avantages à cette architecture : la simplicité, la compacité et le caractère n’en sont pas les moindres.
Vertical twin
Pourtant ce twin issu d’une coopération avec Bombardier-Rotax présente pas mal de sophistications. Le vilebrequin est calé à 360° et les forces d’inertie sont compensées par un système inédit: une bielle d’équilibrage articulée sur un balancier monté en position sensiblement horizontale, avec pour avantage une élimination quasi complète des forces d’inertie. La culasse s’inspire des moteurs K. Deux ACT entraînés par chaînes commandent les quatre soupapes par cylindre à l’aide de basculeurs. Le jeu se règle tous les 20.000 km. L’alimentation fait appel à une injection sophistiquée gérant le débit par la durée et par la pression, gage d’une consommation mesurée. Pot catalytique, bien sûr, et ligne complète en inox achèvent la combustion. La transmission secondaire à courroie crantée a été reprise du défunt Scarver. La courroie plus large est protégée par un cache et sa durée de vie peut excéder 40.000 km sans entretien particulier. Le cadre alu, composé de profilés extrudés soudés et de pièces coulées en coquille, assure une liaison quasi rectiligne entre le sommet de la fourche et l’axe de rotation du monobras oscillant.
Poids plume
Pour optimiser le poids et l’encombrement, le moteur constitue un élément porteur de la partie cycle. Une classique fourche télescopique de 43mm guide la roue avant. L’équilibre des masses est soigneusement étudié: réservoir sous la selle, batterie derrière le tête de fourche… Le poids à sec de la S se limite à 182 kg. Citons encore en vrac le freinage par trois disques avec ABS en option, ou le système électrique à bus CAN et clé codée, tout comme sur les K et R de la dernière génération. Sur le papier, une moto alléchante. Mais dans les faits?
Une fois la moto enfourchée, on se dit que les dames privilégieront l’option selle basse. La F800 est légère, mais relativement haute. La position de conduite de la S, plaisante et dynamique, devient toutefois un peu fatigante en ville ou au rythme de la balade. Il faut bien laisser une place à la ST… L’ergonomie est soignée, les commandes aussi. Nous apprécions vraiment les commodos BMW à l’usage. Une fois qu’on s’est habitué, difficile de revenir aux commandes classiques. L’embrayage surprend un peu par la fermeté de son levier et le bruit qu’il émet au point mort. Le moteur témoigne d’un excellent caractère, plaisant au quotidien.
Domptable
Vif et suffisamment puissant, il prouve qu’il n’est nul besoin d’une cavalerie indomptable pour se faire plaisir. Les 85 cv répondent présents, sans jamais vous déborder. Impossible de descendre sous 2000 tr, le moteur commence à s’exprimer vers 3 ou 4000 tours et déploie toute sa hargne entre 5500 et 8500 tr/min. Petit bémol pour la perception du bruit, décevante. Les vibrations sont bien filtrées par la bielle d’équilibrage, en laissant assez de sensations pour sentir vivre le moteur. Notre passagère les a toutefois ressenties comme gênantes au niveau de ses repose-pieds. La boîte de vitesses est un peu ferme, au diapason de la commande d’embrayage. La courroie apporte une tranquillité d’esprit incontestable, mais, malgré l’amortisseur de couple, la moto «secoue» pas mal à basse vitesse. Les freins nous laissent un peu perplexes. Nous bénissons la présence de l’ABS sur notre modèle d’essai, tant il intervient rapidement sur le frein arrière. La commande des disques avant nous a déplu: une course morte importante puis une attaque un peu agressive; tout ça manquait de feeling. A vérifier lors de l’essai de la ST, dans quelques semaines. La fourche de facture très classique remplit bien son office. Cette moto compacte fait preuve d’évidentes qualités. D’une stabilité exemplaire à haute vitesse, elle avale les courbes à bon train, au prix peut être d’une agilité un peu réduite. La faute à l’amortisseur de direction? on la sent ici un peu moins intuitive mais toujours très saine. La F800S avec son petit carénage tête de fourche apporte une protection limitée à son pilote.
Equipement intelligent
Certes le buste est un peu protégé, mais le cou aura fort à faire lorsque le rythme s’accélère. Il vous faudra sans doute un peu plus vous pencher sur les bracelets, vous pourrez alors admirer de près un tableau de bord complet et lisible. Citons les consommations moyennes et instantanées, la vitesse moyenne, la température extérieure, le kilométrage restant avant la panne sèche… Dommage que les multiples infos fournies par l’ordinateur (en option) soit commandées par un minuscule poussoir sur le tableau de bord: pas très ergonomique, ni très sûr. La vie quotidienne avec la F800S apporte son lot de satisfactions: réglage aisé de la suspension arrière, remplissage d’essence sur le côté droit de la selle (ceux qui utilisent un sac de réservoir apprécieront!), basculeur pour redescendre le faisceau des phares, clé codée avec alarme en option, valves intelligemment disposées sur les jantes… Elle apporte aussi quelques déceptions comme l’absence d’un compartiment sous la selle ou d’une béquille centrale en dotation standard. Une moto attachante, qui devrait plaire au plus grand monde, une famille qui devrait rapidement s’enrichir de nouveaux membres tels qu’une F800GS et une F800R, offrant ainsi à l’amateur toute une gamme dans laquelle il trouvera forcément son bonheur, sachant que le bonheur a un prix. Avec l’ABS et l’ordinateur de bord, nous en sommes à 10 068 €. Le prix de base démarre à 9 100 €…
© Bruno Wouters