Comparaison n’est pas raison…

Non, il n’est bien sûr pas dans notre objectif de comparer froidement la charismatique MK2 à la technologique XFR, mais plutôt de saisir les liens de filiation entre ces deux icônes. D’ailleurs, il suffit de les regarder pour mesurer l’évolution !

La MK2 appartient à une autre époque. Une ère révolue où le dessin n’était pas le fruit d’un froid équilibre entre aérodynamisme, normes de sécurité et contraintes de style. Non, l’extraordinaire dessin de la MK2 provient du génie d’un homme, William Lyons, accessoirement directeur de la marque. Le dessin racé évoque subtilité, puissance et une grâce qui semble immortelle. La MK2 n’est pas seulement une voiture élégante, il s’agit d’un bel objet, point final ! Je la verrais d’ailleurs volontiers dans mon salon !

La XFR, quant à elle, interprète tous les gimmicks d’une voiture sportive de l’ère moderne. Comprenez par là, des phares étirés suggérant l’agressivité, une ligne de pavillon fuyante, des voies ultra élargies et des sorties d’échappement explicites. Face à la subtilité de la MK2, la XFR peut paraître trapue et manquer de finesse. Mais placez-là dans le contexte actuel et le constat est tout autre : il s’agit de l’une des plus belles berlines du moment. C’est subjectif, mais j’assume !

Ambiance décalée

Pénétrer dans la XFR, c’est évoluer dans un magasin à la mode, truffé de gadgets tous plus étonnants les uns que les autres. Au démarrage, les ouïes de ventilation pivotent et le levier de vitesse émerge de la console centrale. Mouais, pas sûr que toute cette chorégraphie fasse beaucoup pour la noblesse de l’engin ! Efficace et relativement sobre, l’ambiance de cette XFR se distingue uniquement de celle des autres XF par les quelques « R » présents. Ce qui n’est pas un tort, car le cocon feutré (par ailleurs, suffisamment habitable) est particulièrement agréable ! A la condition d’éviter la teinte noire uniforme de notre exemplaire ! Pour le reste, il s’agit d’une sportive moderne, bardée de toutes les connexions possibles et imaginables ainsi que d’un GPS précis et intuitif.

Dans la MK2, on quitte le magasin high-tech, pour un cottage anglais ! Bois massif à profusion, petits interrupteurs craquants, lampes de lecture superbes, touches de chrome ravissantes et petits compteurs ronds, tout est fait pour vous faire fondre immédiatement ! Rarement un habitacle, toute époque confondue, n’aura été si chaleureux ! Mais question ergonomie, on repassera : l’emplacement des instruments semble avoir été dicté par le style !

Mise à feu !

Sur la XFR, le bouton de démarrage palpite tel un cœur qui bat : une pression dessus et le V8 s’ébroue spectaculairement pour ensuite se caler sur un ralenti impeccable. Levier tourné sur « D » et nous voilà en route ! Attention au dosage de l’accélérateur : le V8 de 5 litres est gavé par compresseur et développe la bagatelle de… 510 chevaux ! Autant dire qu’il faut y aller tout doux pour ne pas martyriser les pneumatiques arrière ! Cette petite donnée acquise, le fauve se fait aseptisé et remarquablement silencieux. Pressez plus fort et une rage démentielle vous projette droit en avant, maltraite vos cervicale et s’accompagne d’une clameur de V8 enragé ! La boîte automatique comporte 6 rapports mais on n’a pas le temps de les compter tant ces derniers s’enchaînent rapidement ! Et en mode manuel, avec palettes derrière le volant, l’efficacité atteint des sommets !

Noblesse oblige…

Retour en 1959. Jaguar installe son prestigieux moteur XK de 3.8 l sous le capot de sa berline. Un moteur qui a fait ses preuves en remportant, à de nombreuses reprises, les 24 heures du Mans ! Imaginez une Audi A6 avec le moteur du proto R15 et vous avez une idée de la bête… Revenons à la Jaguar : ce 6 cylindres en ligne de 3.8 l est coiffé d’une culasse à double arbre à cames en tête et carbure via les deux très britanniques carburateurs SU. S’il en manque un troisième, c’est par manque de place ! N’empêche, 220 chevaux à la clé, plus de 200 km/h en pointe et un 0 à 100 km/h en 8,5 secondes ! Du jamais vu sur une berline, à l’époque !

Au démarrage, le moteur répond par une voix noble, profonde et qui laisse suggérer un potentiel peu commun. Sur la route, le fauve sait se faire civilisé, en profitant de son couple considérable. Mais la pédale de droite ne sert pas qu’à garnir le plancher… Pressez-là et des frissons de bonheur parcourront votre échine ! Le 6 cylindres vrombit, rugit de sa voix caverneuse pour entonner une partition métallique à vous faire dresser les cheveux sur la tête ! Unique et inoubliable ! Les vibrations ressenties dans le volant et dans les fesses traduisent l’effort mécanique. Et pendant ce temps, ça pousse. Fort. Certes, face à la XFR, les performances de la MK2 appartiennent à une autre époque. Mais promis, des sensations, elle en délivre par brouettes entières ! Et ses performances, même aujourd’hui, n’ont rien, mais alors absolument rien, de ridicule !

Et dans les virages ?

Quatre freins à disques, c’est écrit sur le pare-chocs arrière de la MK2 ! Il s’agit là, de la première voiture de série à être équipée de la sorte ! Dans les faits, on n’est pas déçu : ça freine droit et suffisamment… A la condition d’avoir le jarret décidé ! C’est qu’une MK2, ça ne se dirige pas du bout des doigts… Freins, embrayage, accélérateur, toutes ces commandes demandent une action virile ! Et le volant ? Remuez vos biceps ! C’est du lourd ! Lourd et peu précis, il faut hélas le concéder. Dommage, car le châssis semble présenter un bel équilibre et la puissance est encaissée sans broncher !

La XFR, avec 300 chevaux supplémentaires, demande une certaine retenue sur la pédale des gaz, afin d’éviter tout débordement excessif du train arrière ! Mais l’ESP veille au grain et s’il n’empêchera pas l’une ou l’autre légère dérive, évitera tout pivotement ! En résumé, c’est fun, efficace et bien calibré ! Question équilibre, la XFR est bien la digne héritière de la MK2. Facile à appréhender, saine de réaction, mais toujours amusante, la XFR est un régal à conduire ou à piloter !

Les cordons de la bourse !

Pour la XFR, c’est simple : rendez-vous dans une concession Jaguar, avec 94.300 € en poche, signez le bon de commande, l’affaire est jouée ! Une somme rondelette, mais largement inférieure à celle demandée par une Mercedes E 63 AMG ! Charisme, prestige et performances à prix cassé, l’esprit de la MK2 est sauf ! La consommation ? 16 l/100 km, avec un pied moyennement enthousiaste !

Pour la MK2, ce n’est pas plus compliqué : scrutez les petites annonces, armez-vous d’un minimum de 30.000 € pour un exemplaire en bon état, et le tour est joué ! Si vos moyens le permettent, n’hésitez surtout pas à dépenser nettement plus pour un exemplaire en parfait état ! Question appétit, on tourne entre 15 et 20 l/100 km, pour un modèle bien réglé et conduit avec précaution.

Conclusion…

La XFR est un formidable outil moderne : sa polyvalence lui permet de se sentir avec un bonheur égal en ville congestionnée, sur routes sinueuses, voire sur un circuit ! Sa facilité d’usage se double d’un équipement à la pointe qui permet de s’en servir comme jouet quotidien. En tant qu’arrière petite-fille de la MK2, elle n’oublie pas cette petite dose de charme qui lui donne son caractère…

Mais question caractère, l’ancêtre domine largement les débats ! Son charisme envoûte, ses petits détails font craquer n’importe quel être humain dans la seconde et sa noble mécanique arrache des larmes de joie aux simples mortels. Toutefois, n’oubliez pas : la belle dépasse les 50 ans… En clair, sa conduite se révélera éprouvante en centre urbain et franchement éreintante sur parcours très tourmenté. La XFR, sa descendante, affiche une humeur égale à laquelle ne peut prétendre l’aïeule… Mais amenez la MK2 sur une belle nationale boisée et le nirvana automobile n’est dès lors, plus très loin. Ce moment de pur bonheur vous fera oublier tout le reste !

L’éternel combat du charme vintage contre l’efficacité moderne…