Certaines marques l'ont pratiqué volontairement, comme un art de vivre, tel Harley-Davidson, d'autres par manque de moyens. Certains s'y sont risqué avec talent, à défaut de réelle légitimité (quoique!...) comme Kawasaki avec la charmante W650. Triumph a attendu de se reconstruire une image forte avant de revisiter son glorieux passé avec une véritable gamme de classiques, ratissant large, du scrambler au caféracer. D'autres y viennent encore, comme Guzzi avec sa plaisante V7 Classic. Il eut été dommage de ne pas voir Ducati s'y frotter. Un premier coup d'essai avec l'étonnante mais combien désirable (et déjà Collector) Mhe900, hommage du controversé Pierre Terblanche à Mike Hailwood, puis une gamme, ici aussi avec un autre hommage pour débuter: la Paul Smart Limited Edition, produite à 2.000 exemplaires, qui laissera place à la Sport 1000 et la Sport 1000S, des Paul Smart moins équipées, avec ou sans tête de fourche, complétée par la GT, moins radicale et plus logeable.

Un peu de soleil dans la grisaille

L'importateur nous a confié pour l'essai une Sport 1000 dont le jaune vif égaya nos tristes journées d'essai qui se sont déroulées avec un ciel si bas qu'un canal s'est pendu… La Sport 1000 fait partie de ces motos qui attirent non seulement le regard, mais aussi la sympathie, et pas que des motards. Son style néo-classique fait même parfois illusion, puisque certains se hasardent à demander son âge, preuve qu'elle renvoie à des images du passé. De fait, sa ligne rétro plutôt sympa fait mouche, en tout cas auprès de ceux qui n'ont pas côtoyé dans les années 70 les (magnifiques!) ancêtres auxquelles elle se réfère. Il vaut mieux pour elle ne pas les comparer trop directement. Si les frêles roues et les freins ridicules ne plaident pas en faveur des anciennes, si le moteur de l'actuelle vaut bien les carters polis de l'ancienne, il en va tout autrement de l'habillage, par trop massif.

Querelle des anciens et des Nouveaux

La selle, presque aussi large que sur une Harley, supporte difficilement la comparaison avec les élégants "tape-cul" de l'époque. D'accord, ceux-ci ne volaient pas leur nom, mais nous avons pesté tout le long de l'essai contre sa contemporaine de sœur qui, chaque fois qu'on s'y asseyait, nous trempait le fond du pantalon avec toute l'eau qui s'y était engorgée par les coutures, nous mouillant copieusement, même les rares kilomètres parcourus sans pluie. Grrrr !!! Finissons nos griefs esthétiques en restant dubitatifs devant les deux klaxons chromés "plastique" sous le phare et les deux pots noirs mat, complètement étouffés. Un passage d'urgence chez Zard s'impose et tant pis pour les voisins! Ne boudons pas notre plaisir, la Ducati a quand même une gueule bien sympa, et un caractère qui vous sort du sempiternel roadster japonais. Les guidons-bracelets (pouvait-on imaginer autre chose?) donnent immédiatement le ton, encadrant le tableau de bord composé de deux cadrans ronds à fond blanc, où l'on déplore presque d'y découvrir deux pavés digitaux! Nostalgie, quand tu nous tiens…

Bande son

Contact, démarreur, et déception. Comment ont-ils fait chez Ducati pour bâcler à ce point la bande son? Ces pots sont à jeter immédiatement, tellement ils effacent la musicalité que peut développer ce twin Ducati au demeurant excellent, puisqu'il s'agit du 1000DS deux soupapes par cylindre et double allumage, refroidi par air, qu'on  retrouvait par exemple sur la Multistrada. Bénéficiant d'un embrayage à bain d'huile, il ne ferraille presque plus, heureusement parce qu'on n'entendait que ça au ralenti! Ame de la moto, ce twin cumule les qualités. Abordable d'entretien, léger puisqu'il ne s'encombre pas d'un refroidissement liquide, largement assez puissant pour l'esprit même de ce genre de machine, agréablement coupleux, presque souple à bas régime, il permet d'enrouler vers 2 ou 3.000 tr/min pour donner sa pleine mesure dès les mi-régimes.

Un moulbif comme on les aime

Pas besoin de garder l'œil sur le compte-tours, l'oreille et les sensations suffisent pour en tirer le meilleur. Très vivant sur toute la plage de régime, il garde assez de puissance à haut régime pour se faire plaisir. La position de conduite, beaucoup moins fatigante qu'il n'y paraît dès qu'on adapte le rythme un tant soit peu dynamique (dès qu'on arsouille, quoi!), donne envie de rejoindre l'Ace café pour quelques bonnes bourres entre potes, blouson de cuir et Cromwell de rigueur! La Sport 1000 se balance avec gaieté d'un virage à l'autre, y montrant tout la rigueur nécessaire. Les grandes courbes sont avalées avec la même facilité, mais on reste surpris par nervosité du train avant à vive allure en ligne droite. En fonction du revêtement, la moto commence à flotter parfois dès 160-170, parfois plus tard, vers 200, et tout d'un coup, on ne se sent plus trop l'envie d'enquiller au taquet les longues lignes droites du TT… L'amortisseur de direction présent sur les premières Paul Smart Replica ne serait peut-être pas inutile, d'autant que dès que la Ducati est mise en appui, sa stabilité se fait irréprochable: les grandes courbes s'avalent alors à 200 en toute quiétude, sans le moindre flottement. Le freinage n'appelle pas de commentaire particulier, remplissant correctement son office, mais sans éclat particulier: on attendait un peu plus de mordant et de feeling.

Coup de cœur pour cette Sport 1000, proposée à 11.100€, attachante à l'usage, malgré des conditions climatiques plus propices à la pratique de la barque, et agréable façon de rouler autrement: les néo-classiques ont du bon!