Parfois, une fille aussi veut s’acheter une voiture. Elle a plusieurs options : demander de l’aide à l’Homme (pathétique mais vrai), faire le tour des concessionnaires (à côté de ça, un samedi au shopping de Woluwe, c’est du tourisme) ou consulter internet.
Oui, sur internet, on trouve quelques « voitures pour femmes », mais, à y regarder de plus près, ce ne sont au final que des « voitures pour Maman », on parle d’espace pour les enfants, d’astuces pratico-pratiques et, je vous le donne en mille, de volume du coffre pour transporter plein de gros cartables et les sacs de courses du supermarché. Je rêve!? Et pourquoi pas un compartiment à langes sales ou un tire-lait à brancher sur l’allume cigare, non plus !?
Zéro glamour, donc ? Me voilà dans les allées du Salon pour vérifier cela. Et, naïvement, je demande à tous ceux que je croise où sont les voitures pour femmes. Conclusion : à part le fait que deux mecs de chez Honda sont encore morts de rire, je dois bien me résoudre à ce triste constat : la voiture pour femme n’existe pas. C’est sûr ?
« Vous n’y pensez pas ?! », m’explique Philip Eeckels, chez BMW. « Si nous concevons un véhicule que nous présentons comme une voiture exclusivement pour les femmes, plus aucun homme n’en voudra !» C’est pas idiot comme concept, note : les hommes, c’est sûr, c’est pas du genre à nous emprunter nos crèmes de jour et nos blouses en soie. « Or, dans le cas de la Mini, même si elle est souvent présentée comme une voiture de femme, il y a encore près de 45% des acheteurs qui sont des hommes. Commercialement, on ne peut pas se permettre de prendre un tel risque».
Mais alors, on fait comment ? « Eh bien, on crée des voitures pour hommes, mais attention pas pour un gros macho : on pense à des hommes cultivés, sensibles au design, à un certain style de vie et on les vend aussi aux femmes, avec des arguments ‘mixtes’. » Dois-je en conclure que l’homosexuel serait, en quelque sorte, le public cible idéal de ces voitures qualifiées de féminines? « On veille juste à mettre en avant les qualités de la voiture qui sont de nature à séduire les femmes. Mais vous savez, plus les femmes ont des revenus, des responsabilités, une forme de pouvoir, plus elles se tournent vers des voitures masculines ». Et paf ! Le cliché sur la voiture comme symbole phallique, CQFD.
Je ne désespère pas. Tout le monde ici semble s’accorder sur le fait que la Lancia Ypsilon serait la plus manifeste des voitures ‘pour femmes’. L’hôtesse qui m’accueille sur le stand me le confirme et me souffle même avec un clin d’œil que les sièges sont piqués de strass.
Excitée comme un pou, j’arrive devant une jolie citadine blanc nacré, sensuelle, je trépigne, à la limite de la pamoison. Puis j’ouvre la porte et je me retiens de fondre en larmes. Ni strass, ni paillettes, l’intérieur est gris, triste, en plastique et simili cuir, pas la moindre touche féminine. On m’assure que je peux le commander en rose, en beige, en alcantara ou en cuir véritable ; mais quand je demande si on a prévu un emplacement pour glisser une trousse de maquillage, un miroir plus grand pour rectifier son mascara ou même (ce qui ne me semble pas d’une extravagance excessive) un emplacement pour le sac à main, je reçois ici, comme partout d’ailleurs, le même bafouillage mi-gêné, mi-étonné. « Ah… Euh… Non… ».
Même déception du côté de la Fiat 500 Gucci. Elle n’affiche rien d’autre que des logos tape-à-l’œil, des bandes colorées et un cuir matelassé sur les sièges pour se féminiser. De l’habillage, point barre. Dites, on n’est pas des grues, ce n’est pas comme ça qu’on convainc les femmes, bon sang !
Et justement, j’en croise une (de femme) sur un stand. Vu qu’on doit être trois à tout casser dans ce palais, je suis ravie de trouver un interlocuteur à mon niveau. Elle, c’est Isabelle Michiels de chez Land Rover. Elle démonte un peu mon concept de ‘voiture pour femme’ : « Imaginez-vous : même si on créait une voiture exclusivement pour les femmes, je ne suis pas persuadée que les femmes y verraient un réel progrès. Cela pourrait aussi être perçu comme une discrimination. »
OK, mais … Je proteste, rapport à mon emplacement pour le sac et ma trousse à maquillage et là, je gagne un point : « Vous avez raison, il reste des progrès à faire de ce côté, mais l’explication est simple : il n’y a pas assez de femmes qui travaillent à la conception des voitures ». On ne m’enlèvera pas de la tête que ces mâles australopithèques (qui n’ont jamais remarqué que les femmes portent des sacs à main) ont des cahiers de charge et que, pour moi, c’est carrément à tous les niveaux que cela manque singulièrement d’une touche féminine (autre chose que des filles en bikini sur les calendriers, entendons-nous).
Bref, il faut se rendre à l’évidence, cette pub de 2001, où on voyait un homme ramper au sol pour supplier à sa femme de lui prêter sa Peugeot 106 n’était qu’une tentative de séduction marketing, pas une réelle révolution. Les femmes devront encore un bon moment se contenter des ‘voitures pour hommes’.
Mais je file quand même quelques bons points : à Citroën qui propose d’habiller aussi bien l’intérieur que l’extérieur de sa DS3 de véritables couleurs glam, comme le fuchsia ; à Mini qui permet d’apposer des rétroviseurs rose Barbie sur sa Countryman et à Lancia, car il faut bien avouer que l’Ypsilon permet également un aménagement intérieur assez girly. Et la gommette du jour, je la colle à Toyota car, à moins que quelqu’un me prouve le contraire, l’IQ est la seule, oui la SEULE voiture qui offre un vrai emplacement pour le sac d’une femme. En effet, juste entre les deux sièges avant, il y a un renfoncement assez grand pour y glisser son sac afin qu’il soit plus bas que le siège (et donc peut visible pour les éventuels car-jackers), mais encore à portée de main histoire de dégainer son rouge à lèvres au feu rouge. Et tout ça, dans une voiture où l’espace est une denrée rare, je dis chapeau !