François Piette

27 OKT 2005

Bloody Yankees!

L'histoire se répète : comme au meilleur des golden sixties, les américains aiment Triumph et le constructeur britannique le leur rend bien ! Quarante ans après, Triumph écoute toujours les motards US et construit des motos répondant spécifiquement à leurs attentes.

Des chiffres La Rocket III affiche clairement le goût US pour la démesure et le cruising - 2300cc, 142cv, 200Nm, 350kg, 240/50/R16, ce ne sont pas les chiffres du Lotto, mais respectivement la cylindrée, la puissance, le couple, le poids et la dimension du pneu arrière de la Rocket III. Vous en voulez encore ? Le bloc moteur pèse à lui tout seul plus qu'une sportive 1.000cc : 185kg, les pistons ont un diamètre de 101,6mm (oui, vous avez bien lu : plus de 10cm !) le tempo 100 est abattu en moins de 3 secondes, les 160km/h départ arrêté accroché en à peine plus de 7 secondes ! Pas de doute, ça cause, et pas qu'un peu… Les origines Présentée en septembre 2003 à Milan, la Rocket débarquait dans un segment déjà bien fourni avec des arguments mécaniques originaux. Les 3 cylindres ne sont pas fréquents et le moteur de la Rocket est unique dans cette catégorie où fleurissent les V-twin, qu'ils soient de Milwaukee ou du soleil levant. Pour le reste, les boys de Triumph ont dû lorgner vers la Walkyrie de Honda avec son 6 cylindres de Goldwing et vers la Boss Hoss produit exotique animé par un V8 Chevy. La masse de la Rocket III en impose, et le plumage exprime clairement le ramage de la bête. Le moteur placé longitudinalement étale ostensiblement ses échappements et ses carters, et l'énorme réservoir peine à couvrir la culasse chromée. Le radiateur est à l'image de l'ensemble : impressionnant. Plus en détail La fourche inversée de 43mm abrite un massif boudin de 150/80R17 sur jante à 5 branches. Les disques de 320mm et les étriers Nissin à 5 pistons proviennent de la Daytona, tandis que les doubles optiques nichés entre les tés sont hérités de la Speed Triple. Pour bien marquer l'originalité du groupe propulseur, l'hénaurme pneu de 240 est encadré par 3 sorties d'échappement. Le large garde-boue accueille un « strapontin » amovible pour le passager, astucieusement fixé sous la selle du pilote. Si vous vous la jouez monoplace, le garde-boue reste vierge de toute trace disgracieuse de fixation. Bien vu ! « Je ne reconnais plus personne… en Rocket ! » Comme tout bon cruiser qui se respecte, la selle est basse, le guidon large et les repose-pieds projetés en avant. Position rêvée du biker qui se voit tracer la « Road 66 » position sans doute adaptée au kilomètres de lignes droites avalées sur un rythme pépère, mais assez peu attrayante sur notre vieux continent, surtout avec un moteur aussi expressif. En route La masse conséquente de la moto ne se fait pas trop sentir pour qui a l'habitude de ce genre de poids lourd. Plus déconcertant sont les effets de ce monstrueux pneu arrière qui enlève beaucoup de maniabilité à la partie cycle pourtant équilibrée. Certes le poids, l'empattement long et l'angle de chasse de 32° n'en font pas un vélo, mais la lubrification par carter sec a permis d'abaisser le centre de gravité en logeant le bloc moteur au plus bas dans le cadre. L'ensemble est pourtant plus lourd à balancer que d'autres motos aussi imposantes. De plus, le pneu de 240 est parfois très sensible aux déformations du revêtement routier. Les suspensions apportent un confort plutôt correct pour ce type de machine, tout au plus trouvera-t-on la fourche légèrement trop souple et les combinés arrières parfois un peu secs, mais les prestations d'ensemble rendent la moto étonnamment exploitable, d'autant que les freins ne manquent pas de puissance. A propos de puissance. Et à propos de puissance justement, les qualités dynamiques de la Rocket sont soulignées par la facilité et l'aisance avec laquelle les 142cv peuvent être exploités. On veut une Rocket européenne ! L'âme de la Rocket est sans conteste son moteur, complètement déraisonnable sur papier mais tellement jouissif dans les faits. Bloody Yankees qui dictent leurs goûts à la planète entière ! On rêve d'une Rocket Européenne dont l'inspiratrice serait sans conteste la Munch Mammouth des années soixante, Rocket avant l'heure dans la production de l'époque. Un gros roadster de 2300cc, complètement politiquement incorrect, certes, mais tellement plus « bandant » à piloter qu'un cruiser…Yamaha est le seul constructeur pour le moment à avoir réuni le meilleur des 2 mondes avec un réel succès, mariant un gros moteur plein de caractère à un châssis exploitable dans la MT-01. Comptez 17990 € pour impressionner les foules. Ça ne fait jamais qu'un peu plus de 7,80 € du centimètre cube. Chez Harley, vous risquez de le payer entre 12 et 15 €… et, franchement, ça pousse moins ! © Bruno Wouters
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