Certes, les goûts et les couleurs ne se discutent pas, mais il faut bien admettre que ces derniers évoluent avec le temps ! La boîte taillée à la hache que vous avez actuellement sous les yeux constituait le fin du fin au milieu des années 70 ! Petit mot d’explication sur une berline méconnue, mais qui a pourtant frappé les esprits en son temps… Et aujourd’hui encore !
En faillite, comme d’habitude…
Il fût une époque où Aston Martin faisait la une des journaux économiques, avec ses faillites à répétition. Dans les années 70, c’en était même devenu rocambolesque ! Voilà qui explique le développement chaotique d’un projet de berline ! Au début, la firme s’était limitée à rajouter deux portes à son modèle V8. Mais le projet fût bien vite jeté aux oubliettes, la crise pétrolière et financière n’étant guère propice à ce genre de fantaisie sur roues. En 1975, la firme est reprise par un consortium qui se décide à investir dans une nouvelle berline. Cette fois, pas question de rajouter deux portes au coupé existant, il faut une voiture entièrement nouvelle !
Coup de théâtre !
Aux côtés de l’Aston Martin V8 dont la silhouette légèrement arrondie rappelle les « muscle cars » américains, la berline Lagonda a choqué la clientèle traditionnelle ! Dessinée par William Towns, elle affiche une ligne en coins, taillée à la hache ! Mais ce festival pour lignes droites n’était rien face à l’habitacle… Les Anglais ont massivement investi dans l’habitacle, notamment au niveau électronique. Résultat, les clients avaient franchement l’impression de se retrouver aux commandes d’un vaisseau spatial, tout droit sorti d’un film de sciences-fiction ! Surprenant, étonnant, déroutant, mais malheureusement, complètement foireux ! La fiabilité était principalement testée par les clients, ceux-ci se retrouvant souvent dépités devant la fantaisie complète généreusement octroyée par l’instrumentation. Bref, une « fausse-bonne » idée, comme on dit dans le jargon.
Sous le capot…
La Lagonda se voulait l’équivalente des Bentley et Rolls. Son prix était d’ailleurs aligné sur ces dernières ! Mais avec une philosophie plus sportive, toutefois. Et de fait, sous le capot, les ingénieurs ont placé un V8 repris des coupés Aston Martin, rien de moins ! Certes, le moteur a été un peu calmé, mais avec une cylindrée de 5.3 l, quatre arbres à cames en tête et une batterie de quatre carburateurs Weber, il reste suffisamment de quoi faire ! A savoir, plus de 300 chevaux ! La boîte automatique était considérée comme douce, mais peu réactive. Seuls trois rapports étaient au programme. La force colossale du V8 s’occupe du reste !
Les évolutions
Amorcée en 1975, la Lagonda resta au catalogue pendant… 15 ans, jusqu’en 1990 ! Une jolie carrière, qui connaîtra une production de 645 exemplaires. Voilà qui peut sembler ridicule, mais pour un véhicule de ce genre, c’est une belle performance ! Surtout lorsque l’on connaît les mésaventures des débuts ! Les évolutions stylistiques resteront assez mineures, la carrosserie connaissant quelques arrondis dans les années 80. Quant à l’habitacle, le folklore des débuts sera calmé par la suite avec une présentation plus classique. Enfin, la mécanique passera des gloutons carburateurs à une injection… malheureusement tout aussi gloutonne !
Aujourd’hui
Avec son électronique s’adressant uniquement aux génies loufoques, la Lagonda n’est pas à proprement parler une fille facile. Sa mécanique demande des doigts d’experts et les pièces sont tarifiées à des montants astronomiques ! Quant à la carrosserie, il n’existe évidemment aucune pièce de rechange, donc en cas d’accros ou de corrosion galopante, il faut passer par la case banque, puis par la case « tôlier formeur ». A vos chèques ! Vous l’aurez compris, aujourd’hui encore, la Lagonda s’adresse à une certaine élite, amatrice de luxe décalé, de sportivité et voulant se démarquer du tout-venant automobile. Pourtant, la cote reste assez abordable pour un engin de ce genre : il faut compter environ 40.000 € pour un exemplaire correct. Ou beaucoup (mais alors beaucoup !) plus pour un exemplaire en état irréprochable !