Retour au salon de Turin, en 1965, Lamborghini expose un châssis équipé d’un V12 central et transversal ! Révolutionnaire, l’architecture mécanique faisait clairement penser à une voiture de course. Mais en 1966, le doute n’est plus permis, il s’agira bel et bien d’une voiture de route ! La carrosserie est tout simplement un chef d’œuvre, magistralement dessinée par Marcello Gandini. La Miura est sculpturale, dessinée avec une folle audace et démode instantanément toutes les autres GT alors disponibles sur le marché. Ferrari en est alors à la 275 GTB et en dépit d’une plastique très avantageuse, celle-ci a des airs de camion aux côtés de sa rivale au taureau.
Un V12 légendaire
Et puis il y avait ce moteur. Dessiné par Giotto Bizzarini, il comportait douze cylindres en V, deux doubles arbres à cames en tête et était alimenté par une impressionnante batterie de quatre carburateurs triple corps. Cubant 3.929 cm³, il fournissait 350 chevaux à 7.000 tr/min sur les premières versions. La puissance passa ensuite à 370 puis carrément 385 chevaux, tout près des 8.000 tr/min.
La P400, la plus pure
La plus pure, la plus légère, celle qui résume le mieux la philosophie. Présentée en 1966 et dénuée de tout luxe opulent, elle se veut destinée à la performance ultime. Signe d’un autre temps, sa masse de 980 kg permettait des performances exceptionnelles, car catapultée par un pétard à douze cylindres de 350 chevaux ! Près de 300 km/h et environ 24 secondes pour le kilomètre départ arrêté. Nous sommes en 1966, soit il y a 42 ans. Un mythe est né. 475 exemplaires seront produits…
La P400 S, le modèle intermédiaire
Deux ans plus tard, au salon de Turin en 1968, Lamborghini présente une évolution de cette première ébauche. En plus du « S » sur la malle arrière, elle se veut plus facile, plus efficace et plus performante. Des évolutions apportées au moteur portent la puissance à 370 chevaux. La qualité est en hausse et quelques accessoires de confort pointent le bout de leur nez, comme les vitres électriques et la climatisation. La rigidité, point faible des premières versions, progresse également, mais au détriment de la masse. Seulement 140 exemplaires verront le jour.
La P400 SV, l’ultime évolution
En 1971 apparaît l’ultime évolution de la Miura, la SV. La puissance grimpe encore, pour culminer à 385 chevaux à 7.850 tr/min, mais surtout, l’ensemble se veut plus fiable grâce à l’emploi d’un carter de boîte différencié du carter moteur. Pour plus d’efficacité sur la route, un différentiel autobloquant fait son apparition. Quant à l’habitacle, il est nettement plus luxueux, avec des sièges entièrement recouverts de cuir. De l’extérieur, on reconnaît la SV à son absence de cils au-dessus des phares et à ses jantes différentes. La production n’a cependant pas dépassé les 150 voitures.
La Jota, le rêve anéanti
Si la Miura, de par son architecture, aurait pu prétendre à une brillante carrière en compétition, Ferruccio Lamborghini s’y était toujours opposé. Pourtant, une version destinée à la compétition vit le jour. Appelée Jota, elle développa 440 chevaux pour une masse d’une tonne environ ! Vitres en plexiglas, phares fixes, intérieur dépouillé,… cette Miura-là avait tout pour réussir une brillante carrière. Hélas, la voiture fut détruite dans un accident… Depuis, une petite dizaine de répliques de cette Jota furent construites sur base de Miura standards.
Aujourd’hui
Fragile, capricieuse, violente et ayant une très nette tendance à s’enflammer, ce mythe automobile est sans doute l’œuvre la plus représentative de la marque. Révolutionnaire, elle reflète la fraîcheur des ingénieurs qui voulaient tout simplement réaliser un engin sublime, hors du temps et hors concurrence. Combinez ces paramètres avec un nombre d’exemplaires inférieur à 800 et vous comprendrez sa cote actuelle, établie entre 250.000 et 500.000 €, selon l’état et le modèle.
A vivre, la Miura est l’une des voitures les plus exigeantes qui soient. Sprinteuse dans l’esprit, elle n’a rien d’une Ferrari Daytona, plutôt adepte de l’endurance. Au bout de 30.000 km, il faudra déjà penser à ouvrir le moteur ! Pièces et main d’œuvre sont naturellement hors de prix. Pensez aussi à regarder les pointeaux des carburateurs qui ont tendance à se bloquer après une période d’immobilisation. De quoi garantir un joyeux feu d’artifice au redémarrage !
A conduire
Irréelle, passionnante, obsédante ! Incroyablement basse (105 cm de haut !), la Miura est définitivement à déconseiller aux conducteurs de plus d’1m85 ! Et puis, on ose tourner la clé dans le barillet et c’est à ce moment précis que tout bascule ! Le long grognement sourd du démarreur fait soudain place à un déchaînement sauvage de décibels ! Pas spécialement mélodieux au ralenti, le V12 cliquette, bourdonne, toussote, fait clairement savoir qu’il ne se situe qu’à une vingtaine de centimètres derrière vos oreilles ! Enfoncer l’embrayage demande une musculature peu commune et engager le premier rapport, des bras de déménageur ! Quant au dosage de l’accélérateur, il est rendu très périlleux par la commande d’une dureté proverbiale ! C’est sûr, les adeptes des GT modernes risquent d’être surpris ! Une fois en mouvement et les liquides à bonne température, il ne vous reste plus qu’à expérimenter l’une des automobiles les plus sensationnelles qui soient ! S’il renâcle encore un peu benoîtement sous les 3.000 tr/min, le V12 se déchaîne ensuite dans un hurlement violent, vocifère en attaquant la zone rouge avec une rage démentielle ! Les explosions sourdes à l’échappement font alors place à un sifflement aigu qui va en s’amplifiant au fur et à mesure de la montée en régime. C’est sûr, la tonne ne pèse pas bien lourd face à un tel déferlement de sauvagerie ! L’ambiance à bord est incroyable : avec ces boutons parsemés au petit bonheur la chance un peu partout dans l’habitacle (l’ergonomie devait être absente du vocabulaire du constructeur), ce sifflement de transmission qui à lui seul justifie les boules Quiès, cette poussée magistrale vers un horizon de plus en plus proche et cette sonorité affolante, on se croit catapulté droit vers une autre dimension ! La direction, légère mais trop démultipliée, permet de placer avec une précision encore actuelle un train avant assez tranchant. Attention à remettre les gaz en douceur ou c’est le tête-à-queue assuré !
Autant oublier également les aspects pratiques, le minuscule coffre situé à l’arrière, juste au-dessus du moteur, est un excellent grill pour toutes vos denrées alimentaires ! La place à l’intérieur est franchement comptée et ne parlons même pas d’espace de rangement !
Conclusion
La Miura est définitivement une brute sanguine, une voiture non pas faite pour accumuler les kilomètres sur autoroutes, mais pour offrir quelques instants de pur bonheur sur routes bien dégagées. Extrêmement capricieuse à l’entretien et brutale à la conduite, elle s’adresse à un public réduit d’amateurs avertis… et fortunés ! Mais sa pureté, son ambiance inimitable et son style indémodable la rendent toujours aussi désirable… Le mythe n’est pas près d’être brisé…