C’est à la fin 2016 que Lightyear fut fondée, en tant que spin-off de TU Eindhoven, une université technique située dans le sud des Pays-Bas. Les cinq anciens étudiants à l'origine de l'entreprise faisaient partie de l'équipe qui, à l'époque, a construit la voiture solaire de l'université. C'est ainsi qu'est née l'idée de développer une voiture électrique avec des panneaux solaires sur le toit pour une production de masse. Nous nous sommes entretenus avec l'un des fondateurs, Arjo van der Ham, qui est aujourd'hui Chief Technology Officer de cette ambitieuse entreprise.




VROOM.be : Cher Arjo, aujourd'hui il n’y a toujours pas de voitures solaires sur le marché. Comment vous est venue l’idée de vous lancer sur ce créneau ?

Arjo van der Ham : « Il est très difficile d'imaginer une voiture (électrique) traditionnelle comme une voiture solaire. Les voitures conventionnelles actuelles ont une surface de toit trop limitée et consomment trop. Lors du développement de nos modèles, nous visons la plus grande surface de toit possible et la meilleure efficacité possible. C'est ainsi que nous parvenons à une consommation d'électricité deux fois moindre que celle d'un VE moyen (ndlr : 8,3 kWh/100 km) et que nous pouvons installer jusqu'à 5 mètres carrés de panneaux solaires sur notre voiture (ndlr : pour une puissance maximale de 1.075 Wc) ».

VROOM.be : En parlant d'efficacité, vous avez opté pour des moteurs dans les roues sans boîte de vitesses ni rapport de réduction. Comment optimiser leur rendement ?

AvdH : « Si vous n'avez pas de boîte de vitesses pour augmenter le couple, vous devez construire des moteurs électriques qui peuvent développer beaucoup de couple dès les plus faibles rotations. Cela nécessite beaucoup de cuivre et d'aimants, ce qui augmente le poids. Mais comme notre moteur remplit également la fonction de jante et de fusée, nous gagnons du poids sur ces pièces. Un moteur pèse moins de 40 kilos. Ce n'est même pas plus qu'une jante et une fusée réunies. »

VROOM.be : Cela engendre tout de même une masse non suspendue assez importante, ce qui est généralement un frein au comportement dynamique et au confort de suspension. Comment gérez-vous cela ?

AvdH : « Le rapport entre la masse suspendue et la masse non-suspendue est comparable à celui d'une Ford Focus, donc ce n'est pas si mal. De plus, nos modèles n’auront aucune ambition sportive : nous visons un 0 à 100 km/h en 8 à 10 secondes environ et une vitesse de pointe de 160 km/h. Les premiers VE sur le marché ont dû faire leurs preuves en affichant des performances élevées. Nous ne ressentons plus cette pression et nos (futurs) clients sont plus intéressés par l'aspect durable. Cela signifie que nous pouvons développer notre voiture d'une manière différente. Mais je peux vous promettre que la One (ndlr : le premier modèle de Lightyear) roule vraiment bien' ».


VROOM.be : La puissance de charge promise en charge rapide (60 kW) n'est pas énorme. N'est-ce pas un frein à la commercialisation ?

AvdH : « Comme nous ne visons pas des performances de haut niveau, nous avons pu choisir des cellules de batterie à haute densité énergétique plutôt qu'à haute densité de puissance, contrairement au reste du marché automobile. Notre batterie se charge donc un peu plus lentement, mais comme notre consommation est également deux fois moins élevée, vous récupérez votre autonomie aussi vite qu’avec un véhicule électrique classique capable de charger à 120 kW. La faible consommation présente également des avantages en cas de charge lente : une charge de nuit à la maison à partir d'une prise de courant normale permet de parcourir 400 kilomètres. Ce type de batterie présente un autre avantage, à savoir une certaine légèreté : 350 kg pour un pack de 60 kWh. »

VROOM.be : Les panneaux solaires sur le toit de la One sont la pièce maîtresse de la voiture, mais vous les divisez en plusieurs petites pièces, chacune avec son propre onduleur. Cela ne conduit-il pas à une perte de rendement ?

AvdH : « La perte de rendement est très faible. Si vous deviez travailler avec un seul onduleur (légèrement plus efficace), vous seriez dépendant de la cellule ayant le rendement le plus faible. Mais comme les panneaux sont incurvés, il y a de fortes chances pour qu'une section soit toujours à l'ombre. Les panneaux solaires étant généralement connectés en série, cela ferait plonger la production d'énergie de l'ensemble du panneau. En divisant les panneaux en plusieurs petites pièces, nous pouvons obtenir un rendement maximal des parties qui sont en plein soleil. Et si une pièce venait à être endommagée, l'ensemble de votre production ne serait pas affecté. »

VROOM.be : Cet automne, vous livrerez les premières unités de la One, qui coûte plus de 100.000 euros, mais d'ici 2025, vous voulez lancer la Two pour 30.000 euros. Comment comptez-vous diviser le prix par quatre ?

AvdH : « La One est une série limitée à 964 exemplaires, en référence aux premiers chiffres du nombre de kilomètres d'une année-lumière. Les coûts de développement et les outils doivent donc être récupérés sur un petit nombre de voitures. Les coûts des matériaux et de la production ne représentent qu'un faible pourcentage du prix total de la voiture. Pour la Two, la partie développement devrait être beaucoup, beaucoup plus faible. En outre, la Two sera légèrement plus compacte - bien qu'il ne s'agisse pas d'une petite voiture - et vous pouvez vous attendre à une batterie plus petite pour la version de base, de l’ordre de 45 kWh. »

VROOM.be : Pouvons-nous imaginer une variante encore moins chère et dénuée de panneaux solaires ?

AvdH : « En fait, les panneaux ne représentent pas un facteur important dans le prix total de la voiture. En outre, nous considérons la voiture solaire comme un moyen pour les personnes ne disposant pas d'une allée ou d'un garage, de rouler à l'électricité de manière confortable. Si vous pouvez parcourir 20 à 40 kilomètres par jour en profitant uniquement du soleil, vous n'aurez pas besoin de régulièrement visiter les bornes de recharge : il vous suffira de vous garer devant votre porte. En outre, nous avons calculé que si tout le monde conduisait une voiture solaire, les besoins en bornes de recharge publiques seraient trois fois moins importants que si tout le monde conduisait une voiture électrique traditionnelle. Il s'agit d'une économie importante pour la société, notamment parce que le réseau électrique est moins sollicité. Les chargeurs rapides pour ceux qui parcourent de longues distances (ndlr : l'autonomie de la One est de plus de 700 kilomètres) seront bien sûr toujours nécessaires. »

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