Un petit reportage sur les ING Ardennes Road aura largement suffi à m’emballer plus que très largement sur les rallyes de régularité. Un concept qui m’est complètement étranger, mais qui m’attirait en même temps ! D’autant que j’avoue avoir toujours eu un – très – gros faible pour les véhicules anciens. En clair, tous les ingrédients étaient réunis pour m’envoûter littéralement ! Alors, imaginez mon enthousiasme lorsque la proposition tomba de participer en tant que concurrent aux 12 heures de Huy, un revival de la célèbre épreuve de rallye ! Une expérience unique, riche en émotions et qui ne se déroula pas sans péripétie !

Le rallye

Les 12 heures de Huy, c’est un véritable mythe dans l’histoire de la course automobile belge, qui eurent lieu de 1954 à 1969 ! Cette année, c’est sous la forme d’un rallye de régularité que le rallye reprît forme. La caravane du rallye érigea son Q.G. sur l’avenue Delchambre, en bord de Meuse. Le tracé comprend trois boucles de 150 km chacune, dont deux sur route fermées. L’une sillonnera la Poudrière de Clermont, tandis que l’autre traversera une partie de la spéciale de Modave. Ce ne sont pas moins de 60 voitures qui furent attendues sur place, uniquement des modèles ayant été lancés sur le marché avant 1969, date de la dernière épreuve du rallye originel. On note de nombreuses pièces de choix, comme les Porsche 911, Mercedes 190 SL, Alpine A110, Ford Anglia et Cortina GT, Fiat 850 Coupé,…

Les pilotes

À leurs commandes, des pilotes amateurs bien entendu, mais aussi plusieurs légendes, comme Willy Braillard, Jean-Pierre Mondron ou Marc Duez… Des participants qui ont été séduits par l’esprit historique de l’épreuve, mais également par son côté insolite… En effet, plusieurs engagés affronteront le parcours seuls, sans copilote, comme à l’époque ! Sans oublier votre serviteur (en qualité de copilote), accompagné pour l’occasion d’un immanquable ami, Etienne Ficht.

Le choix de la monture

Matra Djet ou Citroën DS ? La première semblait tout indiquée pour ce type de rallye mais ses problèmes de freins n’engageaient pas une totale confiance… C’est donc finalement vers une Citroën DS21 de 1971 que nous nous sommes tournés. C’est sûr, le côté « racing » allait en prendre un coup… Mais comme on le verra plus tard, la soucoupe volante de la marque française était loin d’être un mauvais choix !

La préparation !

En tant que parfait béotien en la matière, je me suis vite procuré un cours complet sur le rallye de régularité ! Après quoi, les CH, RT et autres tables de moyennes n’avaient plus aucun secret pour moi ! Quant à la voiture, des enjoliveurs en moins (ce qui fait tout de suite plus « racing ») et une bonne révision plus tard ont suffit ! Pas de tripmaster au programme, mais un chronomètre acheté en dernière minute chez un détaillant d’articles de sport. Bref, vous l’aurez compris, notre but n’était pas tant de figurer en haut du classement que de savourer l’ambiance si particulière d’un rallye ! Et tant pis pour le professionnalisme !

Ça commence bien !

Voiture affûtée, pilote échauffé (Etienne), copilote préparé (c’est moi), nous voilà fin prêts dès le vendredi pour passer la première épreuve : celle du contrôle technique et administratif ! Mais avant toute chose, et histoire de se donner bonne conscience, nous allons d’abord rendre visite à un gourou local, qui a pour spécialité d’absoudre les péchés de nos vieilleries automobiles et de leur donner sa bénédiction. Bien nous en prend car le compteur de vitesse et son acolyte le compteur kilométrique (éléments primordiaux dans un rallye de régularité pour tenir la moyenne) décident de rendre leur tablier et ce, sans préavis ! Bref, nous voilà déjà bien parés... Quelques réparations de fortune n’aideront pas vraiment et c’est un peu dépits que nous arrivons au contrôle de sécurité. Les contrôleurs, hilares, restent éberlués devant les deux zigotos que nous sommes, qui se présentent à un rallye de régularité sans tripmaster et sans… tableau de bord, ce dernier ayant été démonté pour une ultime réparation !

Alea Jacta Est

Samedi 7h30. Nous voilà de retour à Huy, avec deux (!) tableaux de bord sous le bras, croisant les doigts pour que l’un des deux fonctionne. Verdict ? Rien. Pas le moindre signe de vie. Une idée saugrenue nous vient alors à la tête : fixer le flexible du compteur avec de la superglue ! Mais allez trouver pareille colle un samedi matin avant 8h… Un libraire aussi équipé qu’une cuisine dernier cri nous viendra pourtant en aide. Mais impossible de tester l’affaire avant le départ… Bref, c’est donc armés d’un certain fatalisme que nous nous élançons courageusement vers le départ. Un petit discours encourageant, une main tendue, 5, 4, 3, 2, 1 et c’est parti ! Et ce compteur ? Miracle ! Il marche ! Ah, ben quoique non en fait, uniquement au-dessus de 30 km/h, quand la pédale des gaz est enfoncée, et le chiffre indiqué est incroyablement pessimiste. Bon, tant pis, faudra faire sans ! Ça commence fort ! Heureusement, le road-book superbement ficelé nous permettra de trouver sans mal (à très peu de choses près) notre chemin !

Confort royal !

Un dos d’âne ? Quel dos d’âne ? Certes, la DS n’est en aucun cas sportive par ses performances, mais la suspension et les sièges ont le mérite d’être aussi mous que le moteur ! Une véritable péniche, un tapis volant même, qui survole les routes défoncées et autres dos d’âne, quand les roadsters anglais ne sont pas loin de laisser des boulons sur les mêmes portions ! Bercés par ce confort ondulant, nous arrivons à la première spéciale, celle de la Poudrière. La moyenne à tenir est élevée et il nous faudra donc avancer sur les chapeaux de roues ! Les accélérations n’ont absolument rien de foudroyant (mais alors, vraiment pas !), mais la tenue de route est des plus sidérantes : ça chaloupe, ça tangue, ça ondule, ça ne ressemble à rien de connu, mais ça s’accroche obstinément à la route ! Impressionnant ! Pour ma part, je n’ai d’autre choix que de me cramponner fermement à la portière pour ne pas balayer l’habitacle dans le sens de la largeur ! Les épingles sont un petit morceau de bravoure : la voiture prend un roulis des plus spectaculaires, les spectateurs, par réflexe de survie, exécutent un bond en arrière, mais la DS reste véritablement scotchée sur sa trajectoire ! Stupéfiant ! Quant au freinage, il a encore de quoi impressionner le conducteur de voitures modernes, d’autant que la course de la pédale est quasi nulle ! Plus de cinquante ans après sa présentation, la DS épate toujours… Toutefois, nous avons beaucoup de mal à arriver dans les temps à ces « RT »…

La confiance nous gagne

Pour la deuxième boucle, cette fois, on connaît les ficelles et le parcours ! Et de fait, nous arrivons chaque fois dans les temps aux contrôles horaires et les tronçons de régularité ne sont qu’une formalité… Du moins au début… Car un ralenti chancelant, puis complètement inexistant nous compliqua sévèrement la tâche ! Sans indication de vitesse, ni de distance, nous évoluons au chronomètre et au feeling ! Ce qui ne donne pas trop mal, les résultats nous classant dans le bas-fond du classement, mais tout près des autres concurrents !

Désillusion…

Armés d’une invincible confiance, nous prenons le départ de la troisième boucle. Cette fois, pas de doute, on va leur montrer ce qu’on sait faire ! Au début, tout se passe comme dans un rêve : non seulement on continue de pointer à temps mais on se paye même le luxe d’arriver dans la bonne seconde sur la spéciale de la Poudrière ! Un rêve ! Peut-on rêver du Top 50 (sur 60 inscrits…) ? Tous les espoirs semblent permis d’autant que le ralenti est revenu et que la mécanique tourne de manière très régulière, en dépit d’un échappement manifestement aussi étanche qu’une vieille passoire. Voilà qui ne rend pas la mécanique plus musicale pour autant : le meuglement poussif n’a rien de sportif… C’est alors que tout bascule : la nuit tombe, et l’efficacité des phares fait de même, tout comme le ralenti. Il fait de plus en plus sombre, et les phares directionnels de la DS ne le sont plus que dans un sens vertical, au gré des ondulations, plutôt fréquentes. Bientôt, ils n’éclaireront plus que le bout du pare-chocs ! Voilà qui n’est guère rassurant lorsque la dernière spéciale chronométrée se présente à nous ! Dernière fantaisie : mon chronomètre déclare forfait lui aussi ! Bref, nous voilà lancés sur une spéciale de régularité nocturne, où le temps est mesuré à la seconde près, et le tout, sans compteur de vitesse, ni kilométrique, sans tripmaster, quasiment sans phare, sans ralenti (ce qui faisait caler la voiture après chaque épingle) et sans chronomètre… Autant dire que la fuite à l’échappement passe complètement au second plan et nous prenons la sage décision de rester sur la route plutôt que d’essayer de sauver les meubles ! Bref, c’est à un train de sénateur que nous évoluons et avec cela, toutes les chances de figurer honorablement s’évanouissent !

Le classement

Question handicap, notre DS, c’était un jackpot complet : voiture comptant parmi les plus jeunes, avec un moteur de plus deux litres et avec deux personnes à bord… Autant dire que question pénalité, on faisait carton plein ! Alors avec notre dernière spéciale où nous avons accumulé pas moins de 4 minutes de retard (soit un véritable record), inutile de dire que toutes les chances de figurer autre part que dans le fin fond du classement se sont littéralement envolées ! Et de fait, nous finissons 52èmes sur 58 classés, soit, parmi les personnes ayant terminé le rallye, les derniers classés ! C’est un début… Des phares et un chronomètre en ordre dans la dernière spéciale nous auraient probablement permis de grappiller 3-4 places, mais cela est encore une autre histoire ! De l’autre c