La guerre à la vitesse lancée par plusieurs gouvernements européens, dont ceux de Belgique et de France, a pour objectif la réduction des victimes de la route. Notez bien que nous ne disons pas « diminution des accidents » mais « diminution des victimes de la route » ce qui est bien différent. Cette lutte est-elle légitime ? A fortiori « oui » si c’est pour diminuer le nombre de victimes, mais on peut nuancer cette affirmation en se demandant si cette focalisation est bien la seule solution.
70 km/h
Aux abords des chantiers autoroutiers, on trouve souvent une limitation de vitesse à 70 km/h. Peu de gens semblent s’en soucier. Pourtant, ici, il ne faut pas oublier que l’on peut rencontrer des ouvriers sur la voie ou des obstacles. Dans ce cas, la limitation de vitesse est vraiment justifiée et, même si elle apparaît parfois sévère, il vaut mieux la respecter par civisme et pour éviter une mauvaise surprise à cause d’un objet perdu sur la voie. D’autant que bien souvent, ce n’est l’affaire que de quelques minutes de patience. Il est d’ailleurs râlant de voir des véhicules bloqués à 120 km/h en toutes circonstances, chantier ou pas, pluie ou pas. Alors que d’autres pensent à réduire leur vitesse en respectant au mieux la limitation sur les zones à risque avant de reprendre un rythme de 140 km/h. Et malheureusement, le radar sera souvent placé après la zone de travaux… Ineptie ! Remarquez, qu’en principe, l’Arrêté ministériel du 7 mai 1999 (Art. 1.5.2) indique que : « En dehors des heures de travail, notamment le soir ainsi que pendant les week-ends et chaque fois que les travaux sont interrompus pour une période déterminée, les signaux qui ne sont plus nécessaires sont masqués efficacement ou enlevés. » Mais que ceci ne vous autorise pas à en faire une règle générale et à juger par vous-même de l’arrêt des travaux car, même en Wallonie, il arrive que des ouvriers soient occupés le week-end et la nuit sur les chantiers routiers. Si, si, je vous assure !
Toujours à 70 km/h
Les habitués du Ring Est connaissent certainement le « tunnel » de Groenendael. Ce dernier est limité à 70 km/h. Mais avez-vous déjà essayé d’y rouler à cette vitesse ? Impossible, les camions vous pousseront dans le dos, les voitures vous feront des appels de phares avec en prime le risque de se prendre un distrait dans le pare-chocs arrière. Mais pourquoi cette vitesse d’escargot à cet endroit ? Cette limitation draconienne a été placée suite à plusieurs accidents mortels impliquant des poids lourds qui ont traversé le parapet central et percuté des voitures venant en sens inverse. Auparavant, cette zone était limitée à 90 km/h. Mais au lieu de faire respecter cette vitesse-là et d’installer un séparateur de bandes plus solide et plus efficace qu’une simple bordure, les autorités ont préféré l’utopie du 70 km/h pour tous. À la rigueur, cette limitation pourrait être destinée uniquement aux poids lourds. Comble du sadisme, durant les vacances scolaires, il y a déjà eu des radars mobiles installés juste après la signalisation… Et vu que la vitesse moyenne à cet endroit est de 100 km/h, on imagine le pactole récolté.
Quelle justification ?
L’article 9 de l’Arrêté ministériel du 11 octobre 1976 précise qu’une limitation de vitesse n’est valable que si « la disposition particulière des lieux impose manifestement une réduction de la vitesse. » Or, il semble que les gestionnaires de la voirie oublient parfois cet article. Un exemple ? Hors agglomération, près de Tubize on longe les installations de feu les forges de Clabecq. À cet endroit, une limitation de vitesse : 40 km/h. Notez que cette limitation n’est pas annoncée en amont comme l’impose l’A.M. évoqué ci-dessus. Cette vitesse s’imposait du temps des activités industrielles sidérurgiques florissantes de l’entreprise désormais moribonde. En effet, à l’époque, il n’était pas rare de voir un convoi exceptionnel manœuvrer dans les parages ou un train de marchandises traverser la route à vitesse réduite. Bref, il valait mieux rouler à 40 km/h. Mais maintenant, cela vaut-il encore la peine face à cette usine quasi abandonnée ?
La vache à lait
Étant donné ces limitations de vitesse incompréhensibles, l’automobiliste finit par croire qu’il est une « vache à lait » et que le but des contrôles de vitesse inopinés, majoritairement sur autoroute dégagée, est avant tout destiné à le taxer. Cette idée va sûrement être renforcée par les amendes progressives pour les excès de vitesse qui seront bientôt d’application en Belgique. Ainsi, pour les premiers 10 km/h de dépassement de la limitation, un forfait de 50 euros est d’application. Au-delà de ce plancher, l’amende s’élève à 5 euros par kilomètre/heure supplémentaire de dépassement de la limitation de vitesse. Mais attention, dans des zones comme les agglomérations, les zones résidentielles (pour rappel, vitesse limitée à 20 km/h – art. 22bis A.R. 01/12/1975) et la zone 30, il s’agit de 10 euros par kilomètre/heure supplémentaire. Au-delà d’un excès de 40 km/h, direction le Palais de justice et la grosse tatouille avec déchéance du permis de conduire. Si, d’un côté, cette façon de faire est plus juste pour celui qui roule à 131 km/h face à celui qui roule à 149 km/h, de l’autre, on sent bien qu’aux yeux du législateur, la principale cible reste la vitesse, tellement plus facile à quantifier. Rien sur les distances de sécurité, rien sur l’entretien du véhicule, rien sur les capacités physiques et psychologiques du conducteur et rien sur le comportement parfois abusivement nonchalant de certains usagers faibles.
Sauver les enfants
Loin de nous l’idée de crier « allez-y foncez » ou bien « je n’aime pas les vélos ». Bien sûr que non, c’est criminel de ne pas se préoccuper des piétons et des cyclistes, c’est criminel de ne pas ralentir à l’approche d’une école ou d’une plaine de jeux (quitte à rouler encore moins vite que ce qui est autorisé), c’est criminel de prendre les bosses des zones 30 pour des tremplins, enfin, c’est criminel de rouler à la vitesse maximale autorisée sur une route détrempée. Par contre, est-ce vraiment criminel de rouler à 150 km/h sur autoroute sèche ? Pas si sûr. Le législateur allemand l’a d’ailleurs bien compris, ne limitant que les portions autoroutières posant problème (forte densité de circulation, échangeurs, voirie dégradée) ou via des bornes interactives adaptant la vitesse maximale en fonction des conditions de roulage. Pareil à l’abord des écoles où l’on voit une zone 30 limitée dans le temps, du lundi au vendredi, avec radar automatique à l’affût. Rien à dire puisqu’il s’agit ici d’une situation imposant une grande prudence avec le risque de voir débouler des enfants souvent fort naïfs et inconscients de certains dangers. On n’a pas cette impression d’être bridé artificiellement et on sait que, plus loin, une autoroute se montrera plus docile.
© Olivier Duquesne