Trente ans qu'elle sillonne les routes, différente, quasiment sans concurrence, hormis quelques Harley et la BMW K1200LT. Leurs utilisateurs forment une caste à part dans le monde de la moto. De fait, pour beaucoup de motards il paraît difficile d'admettre que la Gold Wing est une moto. Nous ne pouvons que leur souhaiter de rencontrer un possesseur de « Gold » assez sympa pour leur prêter la bête. C'est une révélation ! On se doutait bien que la Honda était confortable, qu'elle pouvait bouffer du kilomètre sur l'autoroute, mais on était loin de se douter du plaisir que peut procurer sa conduite !
Livreur de pizzas
La moto sans doute la plus grosse du marché témoigne d'un équilibre et d'une maniabilité remarquable. Une fois en mouvement, les 400 kg, vraiment « flippants » à l'arrêt, s'envolent comme par enchantement. Il reste une moto à l'équilibre parfait, précise et facile à mener. On en viendrait (en fait, on en est venu !) à faire la course avec les livreurs de pizzas dans la circulation ! Les ingénieurs de chez Honda signent là un boulot remarquable. Sorti de la ville, le tableau reste enchanteur. Certes, vous ne donnerez de leçon à personne sur les petites routes des Alpes, ce n'est pas un vélo, et la garde au sol ne vaut pas celle d'un trail, mais vous ne serez jamais ridicule. Sur route, le rythme sera soutenu, sur autoroute vous serez le roi.
Les beaux yeux d'une blonde
Nous avons avalé, pour les beaux yeux bleus d'une charmante jeune femme, un Bruxelles-Brive-la-Gaillarde soit un bon 800 km en moins de 8 heures, tous arrêts compris avec un retour le lendemain. Cruise-control bloqué sur 150 km/h, vitesse de croisière idéale pour Gold Wing, protection au vent et aux intempéries sans équivalent, nous avons roulé une trentaine de kilomètres sous la pluie, en dockside et chemise, sans le moindre désagrément. On en vient à regretter à ne plus bien entendre la radio, qui avoue ses limites aux environs de 120 km/h. Le confort à bord est royal. Le tablier recèle 4 grilles d'aération comme sur un tableau de bord automobile et le pare-brise intègre aussi un clapet de ventilation d'aspect un peu fragile. Le résultat pratique se ressent immédiatement : l'effet de pression qui a tendance à vous pousser dans le dos, parfois de façon très gênante, est ici inexistant et c'est bien agréable. La position de conduite est remarquablement naturelle, le guidon tombe sous les mains. L'ergonomie des commandes est par contre plus discutable. Beaucoup d'interrupteurs sur le (faux) réservoir, principalement pour la radio dont le mode d'emploi tient à lui seul une bonne part de la notice fournie avec la moto. La plupart des commandes sont rétro-éclairées, très chic et très pratique la nuit.
Le pire du meilleur
L'équipement d'origine côtoie le meilleur et le pire. Commençons par le pire, nous en serons vite débarrassés ! Pour 26.500 €, comment Honda ose t'il proposer en option 2 misérables haut-parleurs arrières et ne pas intégrer un lecteur de CD dans l'autoradio ? Certes, on peut prendre en option le chargeur de CD, ce qui grèvera d'autant les capacités de chargement puisqu'il prend place dans une valise latérale. Autre faute de goût impardonnable, le pare-brise réglable manuellement alors que la Paneuropean possède un réglage électrique aussi performant que chez BMW !
Goûts de luxe
Pour le reste, que du plaisir ! Le cruise-control qui n'offrait à nos yeux (et avant de l'essayer !) aucun intérêt est particulièrement attrayant sur longs trajets, évident à utiliser et très précis. Vous vous calez sur une vitesse, vous l'enclenchez et la moto fait le reste. Descente, montée, plat, le 1800 cm³ se cale invariablement sur la vitesse de croisière présélectionnée avec une précision de montre suisse. Une fois la vitesse choisie, il vous est possible de la modifier à la hausse ou à la baisse par incrément de 1,6 km/h. Le reste de l'équipement est à l'avenant : verrouillage central des 3 coffres à télécommande, ouverture du top-case avec la dite télécommande, les 3 coffres s'ouvrent avec des palettes situées sous le top-case. Un peu énervant, les 2 coffres latéraux ne s'ouvraient, sur notre moto d'essai, qu'en manipulant les poignées de commandes d'une main, tout en cédant de l'autre pour les ouvrir. Le top-case accueille sans problèmes 2 casques intégraux. Si l'un des coffres est mal fermé, un témoin du tableau de bord vous indiquera lequel est ouvert ! Tant que nous en sommes au tableau de bord, saluons la présence de 2 vide-poches dont un ferme à clé, l'autre possédant un câble pour brancher un MP3 par exemple. Très automobile : le klaxon ! On rêve d'en avoir un sur toutes les motos. L'éclairage n'est pas mal non plus, avec un réglage de site, sur le tableau de bord, pour compenser la charge éventuelle. Les rétroviseurs donnent une excellente vision de ce qui vous suit et possède l'agréable qualité, pour vous faufiler en ville, d'être situés assez haut par rapport à ceux des voitures que vous remonter, et de pouvoir se rabattre pour prendre moins de place. Autre petit luxe, les clignoteurs à rappel automatique.
Plaisir pas solitaire
L'emplacement réservé au passager est tout simplement somptueux ! Larges marche-pieds, fauteuil avec dossier et accoudoirs, prise intercom pour y connecter les casques pré-équipés, la Gold Wing ne se savoure pas qu'en solitaire, bien au contraire. Complètement insensible à la charge, elle possède un moteur fabuleux, unique dans le paysage motocycliste : 6 cylindres à plat, 1800 cm³, 118 ch à 5500 tr/min et couple de 167 Nm à 4000 tr/min. Son agrément n'a pas de limites. Souple, onctueux, rempli à tous les régimes, il arrache la masse imposante de l'engin (400 kg !) avec un entrain contagieux. On se surprend à donner du gaz, rien que pour écouter le feulement des 6 cylindres et goûter au plaisir de sentir avec quelle vigueur elle propulse une telle masse. Comme le freinage couplé avec ABS est à l'avenant, on se surprend à amener la « bête » à un rythme plus que soutenu. Le châssis en aluminium témoigne d'une grande rigidité. Il n'y a qu'à des vitesses complètement prohibées dans nos contrées qu'un léger flottement dans la tenue de cap pourra se faire sentir.
Que du bonheur
Ne tournons pas autour du pot. La Gold Wing nous a séduit. Par sa démesure, et par l'intelligence de son équilibre et son agrément. Démesurée elle l'est : par son poids, par ses dimensions, par son moteur, par son prix. Intelligente, sans aucun doute, par sa conception aboutie, fruit de 30 ans d'évolution et de progrès successif. Ce monument de démesure s'avère parfaitement capable de s'adapter à (presque) toutes les situations, à (presque) tous les usages. Et c'est en ça qu'elle est réellement bluffante. Que du bonheur, chèrement payé à 26.500 €, plus les options… Ceux qui la possèdent ne semblent pas le regretter…
© Bruno Wouters