François Piette

11 DÉC 2007

Grand Tourisme, de plus en plus rapide!

Le créneau commence à bouger, le grand tourisme n’est plus tout à fait ce qu’il était. Longtemps chasse gardée de BMW avec ses RT, il s’est élargi avec les Kawa 1000 GTR, les Honda Paneuropean, ou autres Yamaha FJR. Plus récemment, BMW a remis les pendules à l’heure avec la K1200GT.

La Paneuropean souffre d’un lancement un peu raté et d’une carrière en demi-teinte depuis, la FJR commence à dater malgré de beaux restes, et Kawasaki a mis pas mal de temps à assurer une descendance à sa 1000. La présentation de la ZZR 1400 a fourni une base plutôt ébouriffante et nous attendions avec impatience sa déclinaison GT présentée l’an dernier. Visiblement Kawasaki s’est donné les moyens de briller dans ce créneau haut de gamme. L’âme de la bête est connue: le quatre cylindres de 1352cc revient ici dans une définition assagie, 155 ch à 8.800 tr/min, 136 Nm à 6.200 tr/min, délivrés grâce à une distribution variable. Le châssis monocoque en aluminium pressé est aussi hérité de la ZZR. L’angle de chasse évolue et passe de 23° à 26°, le bras oscillant s’allonge de 30mm. Tous les attributs d'une GT Le principe de l’air forcé est repris, la grosse nouveauté se situe à la roue arrière, dorénavant entraînée par un cardan baptisé Tetra Lever. Sophistiqué, avec quatre points d’ancrage destinés à éliminer toute réaction parasite, il brille par sa discrétion: c’est une totale réussite, sa présence se fait complètement oublier. Plus conforme à l’esprit sportif de Kawasaki, une fourche inversée de 43mm supporte des étriers de freins radiaux à quatre pistons qui pincent des disques pétale de 310mm. Les maîtres-cylindres de frein et d’embrayage reprennent eux aussi un montage radial. L’ABS s'impose, bien entendu, ainsi qu’un capteur de pression des pneus qui signale immédiatement une baisse de pression impromptue. Pour faire bonne figure et s’aligner sur les standards de la catégorie, la GTR se voit montée de deux rétroviseurs intégrés et rabattables. Larges et placés fort bas, ils limitent un peu l’agilité en ville: difficile de remonter les files dans les embouteillages! La poupe, à peine moins large, se voit nantie de deux valises, remarquablement pratiques tant elles s’ouvrent ou se déposent aisément. Une réussite, hormis peut-être un léger manque de hauteur, même si elles acceptent aisément un intégral. Entre les valises, un robuste porte-paquets n’attend plus qu’un top-case (disponible en option). Voire plus… Petit gadget, très plaisant dès qu’on y a goûté: le "Kipass" (Kawasaki Intelligent Proximity Activation Start System): une sorte de clé électronique, simplement portée dans votre poche, permet d’actionner le gros bouton qui prend place dans le barillet de contact. Plus besoin de mettre ou d’enlever une clé! Très sympa, mais il faut toutefois retirer ce gros bouton (qui n’est rien d’autre qu’une clé!) pour ouvrir les valises ou faire le plein, l’autre possibilité étant de dégager la clé classique insérée dans la clé électronique. Petite question à laquelle nous n’avons pas encore eu la réponse: que se passe-t-il quand la pile de la clé électronique est plate ? Plus moyen d’actionner la "clé-gros-bouton" désespérément bloquée dans le barillet. Nous supposons que Kawasaki y a pensé, mais nous n’avons pas encore obtenu la réponse à ce sujet… En détaillant le tableau de bord, nous y découvrons une prise 12v, deux molettes de réglage de la hauteur du site des phares, l’ordinateur de bord qui propose deux trips, l’indication de la pression des pneus, les consommations moyennes et instantanées, l’autonomie restante, ou le rapport engagé. Très bien, mais on s’étonne (le mot est faible!) de ne pas y trouver la température extérieure, mais surtout de voir que toutes les infos ne sont accessibles que par deux malheureux petits boutons poussoirs plantés entre les deux compteurs. Bonjour la sécurité! Surprenant aussi de ne pas pouvoir disposer de poignées chauffantes ou de cruise-control, même en option! Sur le sommet du réservoir, un petit compartiment, très accessible mais aux formes biscornues ne fait pas oublier l’absence de tout rangement sous la selle amovible. En voyage Du très bon et de l’un peu moins bon donc en statistique. Une fois en mouvement, on se rend compte que les Nippons ont effectué du bon travail. Malgré un poids d’environ 300 kg, la GTR fait preuve d’une belle vivacité et d’une belle maniabilité, difficile de croire que nous sommes au guidon d’une GT de 1400cc!! Seule la largeur de selle à l’arrêt mettra les plus petits sur la défensive. Pour le reste, la position de conduite conviviale et intuitive se déforce au niveau de la protection. Si le carénage abrite bien le bas du corps, pieds compris, il n’en est pas de même pour les mains, très exposées. La bulle ne convainc pas tout à fait non plus. Réglable électriquement, elle ne sert pas à grand-chose en position basse et provoque de désagréables remous dans le casque en position haute. Ce n’est pas grave pour l’instant, il ne pleut pas, et nous en profitons pour pousser la GTR dans ses derniers retranchements. 240 km/h chrono, mais un peu de stress pourtant: la tenue de cap n’atteint pas l’excellence de la K 1200 GT. Ne soyons pas alarmistes, la situation est moins gênante que sur une Paneuropean, et ne se produit qu’à des vitesses inutilisables (et interdites, sauf en Allemagne), en usage normal. Mais la ZZR nous avait habitué à bien mieux… Héritage Tant qu’à évoquer la ZZR, notons que le moteur, limité (!!) à 155 ch, s’il possède une robuste allonge, n’impressionne pas comme celui de la ZZR, qui nous avait complètement bluffé! La puissance vient doucement jusque vers 4.000 ou 4.500 tr/min. Ça surprend un peu, mais devient très appréciable dès que le temps se gâte et que l’adhérence fait défaut. Il est possible d’enrouler gentiment sans se faire déborder par une débauche de chevaux. Au-dessus des 4.500 tr/min, la puissance se développe avec une belle vigueur, mais sans cette sensation d’infini qui fait tout le charme de la ZZR. Tant mieux, la GTR revendique tout de même son appartenance à la catégorie des GT! En usage rapide, les suspensions font merveille, assurant un confort de haut niveau. Paradoxe Quand le rythme baisse et que le revêtement se dégrade, les réactions se font plus sèches. Le freinage n’appelle guère de remarques, tant il répond aux exigences que nous sommes en droit d’attendre d’une telle machine: excellente décélération, bon feeling sur le mouillé, peut être un frein arrière qui enclenche facilement l’ABS, c’est tout… Paradoxalement, c’est sur route variée que nous tirons le plus de plaisir de notre GTR. Légère, facile à placer, précise, intuitive, équilibrée, elle cumule les qualités et offre plus d’agrément qu’une ZZR sur le même terrain, alors que nous préférons celle-ci sur autoroute! La Kawasaki apporte de très bonnes choses dans la catégorie mais ne la révolutionne pas. Elle fait mieux que d’autres dans certains domaines, mais ne les supplante pas avec l’insolence que nous attendions. Une K1200 GT fait aussi bien, voire mieux dans tous les domaines pour un prix largement supérieur, il est vrai (18.150 €) alors que la Kawasaki se donne pour 15.890 €. Même dans ce créneau, 2.260 €, ça compte! © Bruno Wouters
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