Les chiffres bruts sont là pour le confirmer: le marché global est en recul de 3,5% par rapport à 2009, une année déjà peu extraordinaire. Si certains constructeurs tirent relativement bien leur épingle du jeu comme Piaggio, premier avec une augmentation de 17%, ou Sym, 5ème, +5%, Harley, 8ème, +6%, Kymco, 9ème, +27%, que dire face aux chiffres des quatre japonais (Yamaha: 2ème, -20%, Honda: 3ème, -29%, Suzuki: 6ème, -13%, Kawasaki: 7ème, -13%)? Les européens limitent les dégâts (BMW: 4ème, +1%, Ducati: 10ème, +1%) ou trébuchent (Triumph:11ème, -10%, KTM: 12ème, -13%), tandis que d'autres, comme Aprilia ou Moto Guzzi, deviennent insignifiants, avec respectivement 276 et 61(!) motos vendues depuis le début de l'année. Le moral des importateurs en prend un coup…
Un réseau morose
Et même ces chiffres ne reflètent pas toujours la réalité du terrain: nombreux sont par exemple les exploitants officiels Piaggio souffrant de la concurrence d'un marché gris, des importations parallèles apparaissant dans les statistiques d'immatriculation, mais échappant au réseau officiel. De fait, un rapide sondage opéré auprès de quelques concessionnaires nous confirme leur mal-être. Des marges peu élevées, des exigences souvent déraisonnables des constructeurs, une clientèle en complète mutation, une météo décidément peu propice avec un été qui n'aura duré que le temps d'un mois de juillet, pas de quoi envisager l'avenir avec un réel optimisme, d'autant que les vraies nouveautés sont rares et souvent en décalage avec les réalités du marché.
Du Joe Bar aux embouteillages
Le marché n'est pas très clair non plus, d'ailleurs. La faute à l'offre ou à la demande? Il y a quelques années, la situation était claire. Dans les années 70, il suffisait de regarder le parking d'une école pour sentir le dynamisme du marché: quasi chaque ado arborait son "brom", en général un 50cc à vitesses copieusement débridé, de quoi se faire la main avant d'acheter, enfin! une vraie moto à dix-huit ans accomplis. C'était en plein l'époque bénie du Joe Bar Team, de la moto-passion! Maintenant, devant les écoles, on ne trouve plus guère que quelques scooters, pour ceux qui ont la chance d'avoir des parents qui le leur autorisent. Et dans les bouclards, on trouve plus d'automobilistes excédés par les embouteillages, à la recherche d'un moyen de locomotion alternatif, que de passionnés prêts à toutes les folies, hormis, parmi ceux-ci, ceux qui ont encore les moyens de se faire plaisir.
Quelles offres? Quelles demandes?
Résultat, un marché 125cc et scooters qui sauve les statistiques, des motos raisonnables qui sauvent les meubles, et quelques haut de gamme qui ne souffrent guère de la crise, le tout dans un contexte où les constructeurs semblent tétanisés par des chiffres de vente médiocres, incapables d'innover ou d'adapter leur offre à une demande en pleine mutation. Peut-on d'ailleurs leur donner vraiment tort? A (presque!) chaque tentative d'innover, ils se prennent une claque, par la faute d'un public qui ne suit pas, comme BMW avec son inventif C1, ou Honda avec sa Pacific Coast, une moto hyper pratique à l'usage. Yamaha se réjouit du succès de sa basique XJ6, une moto-budget sachant tout faire. Pensez-vous qu'elle se vendrait aussi facilement avec des garde-boue ne volant pas leur nom et, pourquoi pas, un garde-chaîne étanche? Pratique, certes, mais guère vendeur!
SOS boule de cristal…
Les défis ne manquent pas, les inconnues non plus, et il semble aujourd'hui difficile de cerner l'avenir, sans même évoquer les contraintes écologiques, qui vont elles aussi sérieusement changer la donne…