Question de philosophie…
Longtemps, trop peut-être, Bentley semblait suffisamment au-dessus de la mêlée que pour ne pas s’abaisser à un amincissement écologique de ses motorisations. Visez plutôt : 12 cylindres en W, surgavés par turbos et une cylindrée avoisinant les 6 litres ! De quoi faire trembler les écolos, mais aussi quelques clients, éventuellement rebutés par les coûts de plus en plus exorbitants engendrés par une telle mécanique ! L’heure est donc venue de compléter la gamme avec ce V8, qui rend les choses plus accessibles !
Pour sa part, Jaguar a toujours tenu la bienséance, poussant régulièrement la sportivité de ses bolides, mais sans jamais se départir d’une philosophie GT. Trop sage, la XKR ? C’était peut-être ce qu’on se disait chez Jaguar, car avec ce « S », la XKR se mue en un fauve sauvage. La puissance grimpe à 550 chevaux, le châssis est affiné et, plus spectaculaire, la présentation verse dans le Rock ‘n Roll !
Lorsque Bentley descend en gamme et Jaguar gravit des échelons, les chemins se croisent ? Non, bien au contraire même, mais cela les rend plus complémentaires que jamais !
Mise en bouche…
En descendant du W12 au V8, Bentley n’allait pas apposer une petite fleur à côté de son blason pour vanter les mérites écologiques de son modèle ! Pourtant, cette V8 se distingue par quelques éléments comme les sorties d’échappement, la grille de calandre, le blason rouge, ainsi que les pare-chocs.
De côté de la Jaguar, le traitement est nettement plus brutal. Au point, sans doute, de sombrer dans une certaine provocation : becquet arrière démesuré, jantes spécifiques, prises d’air agressives et, cerise sur le gâteau, une couleur « French Racing Blue » aussi discrète qu’un politicien en période électorale !
Ambiance…
Dans l’habitacle de la Jaguar, le folklore retombe d’un cran… Seuls les sièges baquets, les surpiqûres bleues ainsi que quelques logos viennent rappeler l’exclusivité de la bête. Pour le reste, on se sent particulièrement bien, dans un univers tendu de noir du sol au plafond, avec des matériaux élégants et une ergonomie efficace. La position de conduite, basse et semi-allongée rappelle toutefois les prétentions de la bête ! En revanche, n’espérez pas faire grimper vos amis à l’arrière, l’espace y est aussi étroit que dans une boîte aux lettres !
Dans la Bentley, l’ambiance change radicalement. Déjà, on est assis nettement plus haut et la position de conduite se fait plus traditionnelle. Mais côté atmosphère… C’est aussi délectable qu’un salon de thé britannique ! Aluminium bouchonné, cuir profond matelassé, commandes chromées, compteurs raffinés : à faire passer la Jaguar pour une vulgaire citadine ! On ne se lasse pas d’admirer ce tableau de bord ! Et surtout, il est ici parfaitement possible d’embarquer deux passagers (adultes) à l’arrière, dans de bonnes conditions d’habitabilité ! Pourtant, on note quelques dérapages : un système de navigation au graphisme suranné et quelques plastiques bas de gamme…
V8 turbo vs V8 compresseur
Pour le choix des armes, nos deux protagonistes du jour s’en remettent à un V8 suralimenté. Mais lorsque Bentley choisit la paire de turbos pour doper son V8, Jaguar fait confiance au noble compresseur. Au final, les chiffres se rapprochent ! Du côté des transmissions, les boîtes automatiques sont de rigueur, à 6 rapports pour la XKR-S et 8 rapports pour la Continental. Mais histoire de maintenir une posture digne de la marque, Bentley répartit le couple sur les 4 roues quand la Jaguar est une stricte propulsion !
La Bentley s’équipe d’un V8 de 4 litres développé par Audi, d’une puissance de 507 chevaux et délivrant quelque 660 Nm de couple. Pour tomber les consommations, le V8 a la bonne idée de couper le sifflet à la moitié de ses cylindres lorsque le conducteur a le pied léger. Une Bentley qui tourne donc, de temps à autres, sur 4 cylindres ! Shocking ?
Du côté de la Jaguar, on grimpe à 5 litres de cylindrée. Le tout délivre la bagatelle de 550 chevaux et 680 Nm de couple. L’avantage ne semble donc pas transcendant, sauf lorsque l’on considère les masses : 1,8 tonne pour la Jaguar et… 2,3 tonnes pour la Bentley !
Yacht vs Offshore !
La Bentley, c’est le yacht automobile. Un silence d’or, une ambiance délicieuse, une stéréo symphonique et un confort absolument édifiant. Le plus banal des trajets prend des allures de croisière, avec une suspension berçant doucement les passagers… La boîte automatique lisse les accélérations, qui se font en sourdine. Impossible de deviner quand le moteur tourne sur quatre pattes !
Aux allures sénatoriales, la Jaguar est moins à son affaire : la suspension percute plus sèchement et la souplesse des sièges baquets laisse à désirer face aux fauteuils de la concurrente. Pourtant, elle aussi est capable de « cruiser » gentiment, bénéficiant d’équipements de confort et laissant en fond sonore, le V8 dans ses borborygmes rauques…
Elton John ou Lady Gaga ?
Mais à forcer l’allure et, c’était prévisible, les préférences s’inversent. Le V8 Bentley gronde sourdement, d’une sonorité profonde, inspirant une noblesse toute britannique : royal ! La poussée est franche, vigoureuse, mais pas impressionnante pour autant. La masse élevée et la boîte automatique calment les ardeurs ! En virage, c’est encore plus flagrant : si l’équilibre est réel, l’inertie l’est également, ce qui se ressent en virage, mais également au freinage ! La noble Lady accepte la balade rapide, mais pas d’être bousculée ! Question de standing…
La Jaguar, elle, s’exprime enfin sur un rythme enlevé : le V8 vocifère d’une clameur métallique, les accélérations sont viriles, la boîte claque les rapports rapidement et donne le coup de gaz qui ravit aux rétrogradages ! Le spectacle est assuré, également en courbe où l’équilibre joueur impose au conducteur de modérer son pied droit ! Vive et tranchante, elle raffole des transferts de masse où elle se comporte comme une ballerine ! Attention toutefois à ne pas trop en faire sous la pluie : la chose est vive du popotin !
Une autre sphère…
Une Jaguar exclusive, cela donne un prix de 132.900 € ! Un tarif coquet qui ne comprend cependant pas tout : caméra de recul, pare-brise chauffant, phares directionnels, surveillance de la pression des pneus… Voilà encore autant d’options qui se payent en sus ! Du côté de la consommation, le V8 est plutôt du genre gourmand : environ 14 l/100 km en conduite « normale » et jusqu’à 20 l/100 km sur un rythme plus enlevé avec un peu de ville et des bouchons, histoire d’en remettre une louche !
Descendre en gamme signifie également descendre en prix, mais pas forcément devenir accessible ! La Bentley Continental GT V8 est affichée à… 167.851 €, un tarif qui peut aisément s’envoler à près de 200.000 € en craquant pour l’une ou l’autre option de personnalisation. Du côté de la consommation, si le nouveau V8 affiche un appétit digne de son rang en conduite rapide (16 l/100 km), il se contente d’environ 12 l/100 km en conduite souple.
Conclusion
Difficile de comparer froidement deux caractères aussi opposés : la Bentley est le vaisseau intercontinental par excellence. Le V8 n’enlève rien à la superbe de l’engin, conservant des prestations dignes du blason mais en offrant une autonomie enfin confortable.
La Jaguar, elle, se veut nettement plus provocante et ludique : ce « S » confère un caractère bien trempé à l’ensemble, pas forcément facile à vivre au quotidien, mais avec un moteur plus explosif et un châssis plus tranchant que jamais !
Si vous avez les moyens, n’hésitez pas : une Continental pour la semaine et la XKR-S pour les week-ends de beau temps ! Le choix du Roi ! Ou de la Reine, en l’occurrence…