Nous retrouvons des paysages plus bucoliques à partir de Tavistock, où nous bifurquons vers le nord-ouest en direction de Launceston. Nous rejoindrons la côte nord-ouest des Cornouailles à Tintagel, qui se targue de posséder les ruines du château ou serait né le Roi Arthur héro des légendes celtiques. Accrochées à une presqu'île, ces ruines dont les origines semblent remonter au Vème siècle, créent en effet un décor envoûtant et dramatique, propre à faire naître les plus incroyables légendes.

Arthur et Doc Martin!

En longeant la côte vers le sud-ouest, nous arrivons à Port Isaac, un port de pêche tellement charmant qu'il fut retenu pour servir de décor à la série tv "Doc Martin", avec Martin Clunes dans le rôle titre. Nous tombons en plein tournage, au grand bonheur des touristes présents, qui se régalent en mitraillant le héros. "Big success" pour cette série, vendue dans vingt cinq pays et adapté déjà en Allemagne et en Espagne. Cette série est d'ailleurs aussi transposée quasiment telle quelle en France, avec Thierry Lhermitte comme acteur principal et le port breton de Doëlan comme décor. Un peu plus loin sur la côte, mais nécessitant un solide détour pour cause d'embouchure du fleuve Camel, un véritable bras de mer, Padstow est envahi de touristes en ce premier dimanche de la saison.

Padstein!

Beaucoup de charme ici aussi, dans ce petit port autrefois rempli de bateaux de pêche. La Belgique y est remerciée, grâce aux pêcheurs belges venus en aide à l'équipage du vaisseau HMS Warwick, coulé par les allemands début 1944. Un célèbre chef anglais, Rick Stein, fait la renommée actuelle du village, avec ses quatre restos, ses trois magasins, son hôtel et son école de cuisine, au point que Padstow est parfois appelé avec humour "Padstein". Nous ne vous dirons pas si sa cuisine est bonne, tant la file d'amateurs attendant l'ouverture de ses portes dès l'avant midi nous a découragé d'essayer. Nous nous sommes rabattus sur les échoppes du marché aux poissons et sommes repartis avec de magnifiques crabes à cinq £ pièce, un pur délice! La côte déchiquetée recèle de véritables petites perles, certaines discrètes comme Trabarwith Strand, une petite plage encaissée à souhait entre les falaises avec son sympathique pub "The Port Williams", d'autres bien plus connues comme Boscastle qui défraya la chronique en 2004, ravagée par un torrent dû aux fortes pluies de cette année là. Aucune trace du désastre aujourd'hui, hormis une indication de la hauteur de la crue sur certaines façades. Crackington Haven, quelques miles plus au nord, subit le même sort, balayé par le flot de la rivière gonflée par la tempête. Notre BMW K1600 GT se prête avec bonheur au petit jeu des découvertes de la côte, d'autant que l'alimentation du GPS, après une première nuit de repos à Lyme Regis, répond depuis "présent" à la moindre sollicitation de la clé de contact. Nous avons dès le début fait l'impasse sur la radio, n'aimant pas trop faire profiter notre environnement proche des décibels crachés par les hauts parleurs du tableau de bord. Nous perdant un peu dans les différentes commandes, nous n'avons même pas réussi à la régler et mettre en mémoire nos stations favorites. La BMW K1600 GT offre beaucoup, sans doute trop pour une moto. Certes, le réglage du mapping reste un "plus", tout comme le réglage des suspensions qui prend en compte la charge et permet ensuite de choisir entre Confort, Normal et Sport.

Trop is te veel

Mais pour ça comme pour la selle ou les poignées chauffantes, il faut se balader sans cesse dans les menus, jouer des boutons et de la molette magique à main gauche, ce qui devient particulièrement "ch…" à la longue. Si l'électronique apporte de réels progrès à la moto, le prochain objectif des constructeurs sera de rendre cette électronique sérieusement plus conviviale! Et là, il reste du chemin à faire, quand on voit ou nous en sommes en automobile… Trop de possibilités tue la possibilité, pour reprendre une des formules favorites de notre "boss"… Et ce sera sans doute le seul défaut que nous pourrons reprocher à notre BMW K1600 GT, hormis son poids à l'arrêt, qui fera certainement regretter l'absence d'une marche arrière lors de certaines manœuvres. Ceci étant, aucune difficulté par contre pour la mettre sur la béquille centrale, même avec valises et top case remplis! Allez, en pinaillant encore un peu, on regrettera l'emplacement des deux minuscules vide-poches à hauteur des tibias. On aurait préféré les voir plus accessibles, sur les flancs du réservoir, histoire de pouvoir y ranger facilement cartes de crédit ou ticket de péage. Nous quittons provisoirement la côte, pour partir à la découverte du Bodminmoor. Paysage désertique, animaux en liberté, nous retrouvons un peu de l'ambiance du Dartmoor en plus dramatique, sans doute à cause d'un ciel particulièrement menaçant. L'endroit servit de terrain de jeu à l'armée, laissant de son passage d'immenses pistes en béton abandonnées. Ambiance garantie! Nous ne résistons pas à l'envie de passer par le "Jamaica Inn" rendu célèbre par le roman éponyme de Daphné du Maurier.

Le chemin le plus court

L'auberge servit autrefois de repère pour les contrebandiers, mais le présent l'a rattrapée et l'environnement le long d'une grand-route déçoit. Nous fiant au GPS programmé pour le chemin le plus court, nous découvrons la campagne profonde, et même très profonde, nous retrouvant à manier notre grosse GT dans des chemins plus adaptés aux Land Rover qu'à celle-ci. La prestigieuse marque de 4x4 fut autrefois la propriété de l'entreprise bavaroise. La programmation du GPS daterait-elle de cette époque?! Après quelques égarements, nous retrouvons enfin ces routes merveilleuses qui sillonnent la campagne anglaise par monts et par vaux, la BMW K1600 GT donne sa pleine mesure, mais notre enthousiasme se brise lorsqu'un voyant d'alarme s'allume au tableau de bord. Perte de pression du pneu arrière. Le verdict se confirme en affichant l'information: au bout de quelques kilomètres, il ne reste que 2,1 kg de pression. Le comportement ne s'en ressent pas encore, mais nous cherchons désespérément une station. Celle ci se présente enfin, et nous remettons 3,3 kg, que nous verrons redescendre au fil des kilomètres. Ce contretemps sonne la fin de la récréation. Il nous reste un jour pour régler le problème, puis un jour pour traverser le sud de l'Angleterre d'ouest en est, et rattraper le Shuttle qui doit nous ramener sur le continent.

Technologie et tradition

Nous contactons donc le service d'assistance BMW, un service offert à tout possesseur d'un véhicule de la marque. Celui-ci nous envoie un patrouilleur AA, qui ne peut réparer sur place, mais regonfle le pneu et nous escorte jusqu'à l'atelier le plus proche, un bouclard à l'ancienne! Notre rutilante six cylindres comble de bonheur le fils du patron, qui s'empresse de la rentrer dans l'atelier, se régalant de la sonorité émise par chacun de ses coups de gaz! Le spectacle offert par notre monument de technologie teutonne dans ce vieil atelier encombré de pièces permettant de reconstituer les grandes heures de la moto britannique nous amuse beaucoup, mais le climax est atteint quand notre bonhomme pose la roue arrière de la K par terre sur une vieille roue de Ford Transit qui lui sert d'établi! Après avoir déboîté le pneu du bord de la jante dans un étau, il attaque le pneu à l'ancienne, aux démonte-pneus, et à la grande joie d'un des trois Jack Russel présents, qui vient mâchouiller le Metzeler! L'affaire est pourtant rondement menée, et notre moto est rapidement prête à entreprendre le retour, en prenant au plus rapide pour plier ça dans la journée.
Ça nous laissera l'occasion de revenir pour découvrir toutes les merveilles qui nous ont échappé lors de cette première escapade en terre anglaise…