Après le trike essayé au début de l’été, c’est un autre engin à trois roues que nous nous proposons de découvrir. Mais cette fois, les deux roues sont à l’avant. Rien à voir, cependant, avec les scooters MP3 de Piaggio. On vous parle ici d’un véhicule qui pèse plus de 300 kilos et dont le moteur 1.000cc développe plus d’une centaine de chevaux. Qui plus est, l’architecture en Y de cet « objet roulant non identifié » n’a rien à voir avec celle d’une moto ou d’un quad.
Sur tous les terrains
C’est à Bombardier Recreational Products (BRP) que l’on doit ce drôle d’engin. La société a son siège à Valcourt, au Québec. Et Bombardier, au Canada, c’est une institution depuis qu’Armand Bombardier a inventé l’« autoneige » à chenilles, à la fin des années 50. Depuis, la famille Bombardier est toujours restée actionnaire (à 35%), mais la société a fortement évolué. Aujourd’hui, BRP emploie 6.000 personnes et distribue ses produits dans le monde entier. Sur la neige, les BRP Ski-Doo et Lynx sont leaders mondiaux. Sur la mer, les jet-ski Sea-Doo se positionnent comme référence à l’instar des moteurs hors-bords Evinrude et Johnson, eux aussi produits par BRP. Ces dernières années, le constructeur s’est attaqué à la route. D’abord avec des quads, et plus récemment avec le Can-Am.
Coincé dans les files
En me retrouvant coincé dans les embouteillages à regarder les motos me dépasser, je me demandais bien à quoi à quoi pouvait bien servir ce Can-Am, trop large pour se faufiler entre les files avec ses deux roues avant. Et en plus, il pleuvait des cordes. C’est donc avec une certaine résignation que je suivais le flot des voitures, répondant aux nombreux signes des automobilistes intrigués par cet engin qu’on ne croise pas souvent sur la route. Quasiment exempte de carénage, la version RS-S mise à ma disposition par l’importateur n’est pas vraiment faite pour l’autoroute. Pour les « avaleurs de kilomètres », Can-Am propose un Spyder RT avec une bulle haute, des valises etc. Bref, je n’étais pas vraiment mécontent d’arriver au bercail.
Semi-automatique
Changement total de climat le lendemain. Adieu la combinaison pluie et les gouttes sur la visière. Au programme : les petites routes de la Hesbaye et du Condroz. Un terrain de jeu qui devrait lui convenir davantage. On s’assoit sur le Can Am comme on le ferait sur un quad. Pour freiner : une seule pédale, au pied droit. La poignée de gaz est comparable à celle d’une moto, mais mon exemplaire d’essai disposait d’une boîte de vitesse semi-automatique. Du coup, pas d’embrayage ni de sélecteur au pied gauche. Juste un bouton poussoir sur le guidon. Contact : le moteur bicylindre en V de 998cc s’ébroue. C’est un Rotax, marque qui appartient à BRP et qui équipe les motoneiges, mais que l’on retrouve aussi sur des kartings et des motos. Ses 106 chevaux ne sont pas de trop pour propulser les 320 kilos de l’engin, mais le but recherché n’est pas la performance ultime.
Oublier ses réflexes
Comme la veille, les premiers virages sont plutôt déroutants. Ce Can-Am ne se conduit ni comme une moto, ni comme un quad, ni comme un trike. Il faut donc du temps pour mettre tous les réflexes issus de l’un ou l’autre de ces univers de côté pour essayer d’apprivoiser l’engin. Mais en refaisait plusieurs fois le même virage, je finis par me rendre compte que ça passe beaucoup plus vite que ce que je croyais. Le train avant triangulé, comme sur une voiture, s’accroche à la route, et il ne faut pas hésiter à forcer le cap au guidon avec un peu d’huile de bras. Surtout, ne pas contrebraquer, car l’énorme roue arrière motrice ne part jamais en dérive. Le contrôle de traction intervient avant. C’est d’ailleurs un peu dommage, car un réglage un peu moins intrusif de cet antipatinage permettrait de mieux exploiter le châssis. Le constat est le même pour le train avant, équipé d’un ESP plutôt castrateur. Cela dit, on comprend parfaitement la démarche de BRP, tant le Can-Am est un engin hors normes. Mieux vaut assurer la sécurité !
Mode d’emploi
Pour aller vite en Can-Am, il faut donc être le plus coulé possible, ne pas hésiter à utiliser son corps pour répartir les masses et soigner ses vitesses d’entrées et de sortie de virages. Si vous entrez trop vite, vous sous-virez et l’ESP vous freine, si vous remettez plein gaz trop tôt, le Control Traction vous bride. Une fois ce mode d’emploi compris, les vitesses de passage en courbe sont correctes, sans être comparables à celles d’une voiture ou d’une moto, mais bien plus élevées que celles d’un quad ou d’un trike. Quant aux sensations, elles sont omniprésentes, et c’est bien là l’essentiel. Il faut juste être attentif au freinage (intégral au pied droit) qui manque parfois un peu de mordant. Attention aussi à l’autonomie, car ce moteur Rotax est extrêmement gourmand… Comptez environ 18.000 euros pour vous l’offrir : le prix de l’exclusivité !