Un moteur d’avion sous le capot d’une voiture ! Une idée qui peut paraître révolutionnaire, mais qui a connu une certaine forme d’aboutissement, il y a cinquante ans ! Elle s’appelait Chrysler Turbine et annonçait le futur de l’automobile…

Une turbine à gaz !

Nous sommes dans les années 50. Tout le monde pense que l’avenir est aux turbines. Depuis les avions jusqu’aux voitures des records, la turbine symbolise la motorisation d’avenir. Rover s’est embarqué dans l’aventure avec sa « Jet-1 », un prototype vaguement bricolé. En 1963, Chrysler, le géant américain, voit un débouché commercial potentiel. La décision est prise de construire une cinquantaine de prototypes qui seront par la suite, laissés entre les mains de clients triés sur le volet. Ceux-ci avaient pour tâche de répercuter toutes les remarques possibles.

Un entretien simplifié et de la Tequila comme carburant !

Avec cinq fois moins de pièces mobiles qu’un moteur classique, la turbine à gaz requiert un entretien minimum ! Pas de radiateur, une seule bougie et, selon le constructeur, pas de vidange ! L’air comprimé arrive dans une chambre de combustion où le carburant est pulvérisé, puis enflammé. La dilatation de l’air entraine alors les turbines. Un fonctionnement simple, dénué de toute vibration et surtout, capable d’avaler n’importe quel carburant ! La légende veut que le constructeur soit parvenu à faire fonctionner son moteur avec de la… Tequila !

Du couple à revendre !

Capable de tourner à près de 45.000 tr/min (sic), le moteur développe la puissance somme toute modeste de 130 chevaux, mais surtout, un couple colossal de 576 Nm disponible dès le ralenti ! La Turbine n’est toutefois pas à considérer comme une voiture de sport, mais plutôt comme une berline familiale. De manière assez originale, les performances dépendaient de la température extérieure : plus il faisait frais, mieux c’était !

Un dessin italien

Encore auréolée du prestige de ses nombreux carrossiers, l’Italie semblait incontournable en matière de style. Chrysler confie donc le dessin et la production de la carrosserie à Ghia. Ce dernier s’exécute avec un dessin assez flamboyant, aux nombreux gimmicks rappelant l’étonnante motorisation. Too much, dites vous ? Peut-être, avec le regard actuel… L’assemblage final était néanmoins réalisé à Détroit, dans une petite usine.

Des avantages indéniables…

A l’usage, les prototypes furent étonnement avares en anomalies. Voilà qui prouve l’excellente conception et la fiabilité du moteur à turbine. A l’usage, l’absence de vibration, l’entretien réduit et les excellentes performances furent louées par les clients. Certaines rumeurs ont fait état d’une température d’échappement excessive, capable de faire fondre le macadam… De simples rumeurs, car Chrysler avait développé un système d’échange thermique entre les gaz d’échappement et d’admission, de manière à ce que la température des gaz expulsés soit plus basse que sur un véhicule conventionnel !

Des défauts rédhibitoires…

Face à de telles qualités, comment expliquer que nous ne roulions pas tous aujourd’hui, avec pareille motorisation ? Le plus gros défaut concernait la consommation, capable de s’envoler à près de 50 l/100 km. Certains clients se plaignaient également de la sonorité d’aspirateur géant !

Si la turbine faisait fantasmer sur papier, dans la réalité, ses avantages ne réussissaient pas vraiment à surclasser les moteurs classiques. Il en fallait indubitablement plus pour convaincre le client lambda d’abandonner son V8 et le doux froufrou qui allait avec. A une époque où l’essence ne valait rien, quelle importance pouvait avoir un moteur capable d’engloutir tout et n’importe quoi ? Relevons également les coûts de fabrication, pas exactement démentiels, mais tout de même plus élevés que pour les solutions classiques…

9 rescapées

Comme il était de coutume avec les prototypes, une fois les essais finis, Chrysler les envoya tous à la presse. Toutefois, on relève neuf rescapées, dont sept furent léguées à divers musées. Parmi celles-ci, une seule possède encore son moteur. Les deux Turbine restantes sont fonctionnelles et appartiennent à des privés. L’un d’eux est le célèbre animateur et collectionneur américain Jay Leno.