"La moto, che passione!": c'est Eduardo Pintado, conseiller municipal de Tenerife, qui nous accueille à la présentation internationale de la dernière-née de Panigale sur son île. Il nous en vante rapidement les mérites avant de nous confier que, motard lui-même, il débuta au guidon d'une Ducati 250 24 horas, un modèle fabriqué en Espagne par Mototrans sous licence Ducati. Cette machine, recherchée aujourd'hui, célébrait la victoire de la marque aux 24 heures de Montjuich. Motard un jour, motard toujours!
Plus sérieusement, le staff Ducati reprend le micro pour nous présenter son nouveau bébé sur lequel ils portent les plus grands espoirs, puisque pas moins de 275.000 Monster ont été produites depuis sa présentation à l'automne 1992 au salon de Cologne.
Target
Le public est clairement ciblé: 40 – 45 ans, marié, des enfants, sportif et cultivé, bien dans ses papiers et sensible à une certaine forme de raffinement. Et Ducati ira le chercher chez les "Monster addicts", mais pas seulement, lorgnant aussi du côté des amateurs de sportives "naked", de roadsters plus modestes ou de machines raisonnablement polyvalentes ne rechignant pas à embarquer Madame et quelques effets!
Bref, ça ratisse large et il est important de s'en souvenir pour mieux évaluer les prestations de la Monster. Ducati mettra donc l'accent sur le style intemporel des Monster, les performances et une polyvalence qui se marquera en termes d'ergonomie et d'aides à la conduite. La Monster est complétée d'une version "S" plus puissante et plus richement équipée. Si la Monster 1200 n'est disponible qu'en rouge, la 1200S est déclinée aussi dans une livrée blanche, cadre bronze.
Ce qui change
Vous expliquer ce qui change sur la Monster 1200 tient en un mot: tout! A la benne, la 1100; hormis le nom, Monster, rien n'est conservé de la génération précédente. Tout commence par le cœur de la bête, l'excellent twin Testastretta 11° DS dérivé des superbikes et déjà exploité sur les Multistrada et Diavel, avec ici un gros travail sur l'admission et l'échappement pour favoriser le couple. Le Testastretta de deuxième génération possède un double allumage (Dual Spark) pour optimiser la combustion du mélange injecté par des corps d'admission redessinés. L'embrayage à bain d'huile est repris, et la perspective de bénéficier du glissement limité réjouira tout qui a déjà pratiqué un gros twin et subi un vigoureux "dribble" de la roue arrière lors d'un rétrogradage enthousiaste.
Comme sur la Panigale, le bloc fait partie intégrante du châssis, puisque le treillis supérieur se boulonne directement sur les culasses, tout comme l'ancrage supérieur de l'amortisseur qui attaque directement le monobras arrière fixé au bas du bloc. On retrouve donc le même principe de suspension "Cantilever" basique de la génération précédente, un recul par rapport au système progressif à biellettes et renvoi des premières Monster. Le treillis arière en acier se boulonne aussi au moteur. Sur les deux éléments du cadre, Ducati gagne du poids, près de 2,5 kg, et de la rigidité.
Et la "S"?
Si la 1200 se contente de deux disques de 320 mm pincés par des étriers monobloc Brembo M4.32 commandés par une pompe radiale, la "S" reprend l'équipement de la Panigale: disques de 330 mm et étriers Brembo M50. Les différences continuent avec les roues, usinées sur la "S", et les suspensions. La 1200 reçoit une Kayaba de 43 mm complètement réglable et un amorto Sachs réglable en précontrainte et en détente, la "S" recevant de l'Öhlins avec une fourche de 48 mm et un amortisseur à bombonne séparée entièrement réglable.
La "S" se différencie encore par des silencieux noirs, un garde-boue avant en carbone mais surtout dix chevaux complémentaires (145 ch) grâce à un ECU recalibré et une cartographie différente; les ingénieurs précisent qu'il ne sera pas possible "d'upgrader" une 1200 aux spécifications d'une 1200S. Pour mieux vendre la plus chère?
Si la nouvelle Monster ne peut renier sa filiation, elle se montre beaucoup plus massive, mais aussi plus logeable avec un empattement rallongé de 60 mm, un guidon plus haut de 40 mm, et plus près du pilote de 40 mm. De 50/50 sur la 1100 Evo, la répartition du poids passe à 47,5% sur l'avant, 52,5% sur l'arrière, grâce principalement au déplacement de la batterie entre le bloc moteur et le bras oscillant, sous l'amortisseur. Le réservoir tôlé y gagne quatre litres au passage (17,5 L). La selle, plus longue et plus large, se règle en hauteur sur deux positions.
Go!
L'électronique, omniprésente, comprend la centrale ABS Bosch 9MP calibrée sur trois modes et déconnectable, l'antipatinage Ducati Traction Control (DTC) paramétrable sur huit (!) niveaux et trois mappings moteur. A chacun de ceux-ci correspondant des réglages ABS et DTC spécifiques. Cerise sur le gâteau, le nouveau tableau de bord TFT affichant trois écrans différents, spécifiques à chaque mode.
Mais il est temps de prendre le guidon! La Monster en impose! Beaucoup plus massive qu'auparavant, elle semble très longue, la faute sans doute à une selle dégageant complètement la roue arrière, elle même prolongée par un massif support de plaque, dans le style Diavel. Les designers semblent conscients du déséquilibre la ligne, puisqu'ils prévoient dans le catalogue des accessoires un support de plaque sous la selle qui rééquilibre le profil de l'italienne.
Une fois au guidon, l'ergonomie paraît beaucoup plus naturelle qu'auparavant, avec malgré tout un léger appui sur les poignets. L'espace pour les pieds semble toutefois compté, avec un échappement et des supports de repose-pieds arrières envahissants. Ces platines supportent les repose-pieds pilote et passagers brillent d'ailleurs par un aspect particulièrement massif et maladroit: du travail en perspective pour Rizoma et consorts!
Les premiers tours de roues nous ramènent en territoire connu: le mode "Urban" ne rend pas pour autant la Monster très urbaine! Une première trop courte et une seconde trop longue n'aident guère la progression à basse vitesse, pas plus que le rayon de braquage, camionesque. Continuons les doléances en nous étonnant, quel que soit le mode affiché par l'écran TFT, de ne pas y trouver une jauge à essence ou l'indication du rapport engagé. Vous avez dit polyvalence?
Testastretta
Plaisir total par contre de retrouver cet extraordinaire moteur, coupleux et rempli à l'envi. Impossible de descendre sous les 2.500 – 3.000 trs/min, bien sûr, mais quel bonheur au delà! Très plaisant dès 4.000 trs, il pousse sans faiblir en montant en régime. Le mode "Urban" ne nous fût guère d'une grande utilité: beau temps et pas beaucoup de ville, pas de quoi goûter aux vertus de la puissance limitée à 100 ch, à l'ABS intrusif et au DTC réglé sur 5.
Le mode "Touring" remplit bien son office avec une "full power" délivrée avec une relative sobriété et des aides à la conduite plus permissives. Un mode à sans doute privilégier pour ne pas se prendre la tête. Les routes se font plus joueuses et nous privilégions rapidement le mode sport, plus expressif sur la réactivité du ride-by-wire et plus limité en assistances.
Nos premières impressions se confirment, la Monster est plus lourde et plus massive à mener qu'auparavant, d'une bonne vingtaine de kilos face à la 1100 Evo! Et de fait, avec la plante des pieds en appui, le talon bute sur l'échappement et les platines. Enervant à la longue, tout comme les vibrations, excitantes au début, envahissantes au bout de la journée: vous serez contents de vous reposer les mains! Rien à dire sur le freinage, puissant et progressif, sans excès de mordant. Lors de la présentation, les ingénieurs nous ont d'ailleurs vendu la 1200S comme la meilleure freineuse de la marque!
Mode d'emploi
Plutôt agile à rythme raisonnable, la Ducati avoue ses limites à l'attaque, perdant alors de sa superbe. Poids et encombrement se paient cash, et n'empêchent pas quelques réactions nerveuses dans le guidon quand le revêtement se dégrade. En fait, le core business de la Monster, serait plutôt à chercher du côté de la balade à un rythme raisonnablement soutenu, où elle fait merveille. Pas besoin d'attaquer comme un malade, ou de caler l'aiguille du compte tours en fond de zone rouge. Faites vous plutôt plaisir en exploitant le couple en mode sport, avec la réactivité immédiate du twin qui gronde et vous catapulte. Et réfléchissez bien avant de céder aux sirènes de la "S". Dix chevaux d'écart ne feront guère de différence, et si vous exploitez la Monster en phase avec l'esprit voulu par ses concepteurs (voir plus haut), vous pourrez faire l'impasse sur les suspensions Öhlins et les freins de la Panigale. Il vous restera un peu de sous pour puiser dans le catalogue des accessoires et offrir un beau cadeau à votre chérie, qui ne vous posera plus de questions désagréables sur votre façon de dépenser votre argent!