« Seul un 12 cylindres peut motoriser une Ferrari », c’est en ces termes qu’Enzo Ferrari expliquait pourquoi la Dino 246 GT, pourtant développée à Maranello, n’arborait pas le petit cheval cabré. L’histoire finit par lui donner tort, mais le « Commendatore » était fermement attaché à cette architecture mécanique. Et il faut bien reconnaître que les plus belles créations du constructeur transalpin sont dotées d’un V12. Et à l’avant. Récit d’une histoire pas comme les autres…
Historique
Les premières berlinettes à sortir des ateliers de Maranello furent effectivement des bi-places à moteur V12 avant. S’en suivit alors une série de formidables sportives, toutes plus recherchées les unes que les autres aujourd’hui. En 1968, il y a tout juste 40 ans, sortait la 365 GTB 4, bien vite surnommée « Daytona ». Le chiffre 365 valait pour la cylindrée unitaire en cm³, un rituel chez Ferrari : multipliez le par 12 (le nombre de cylindres) et vous obtiendrez la cylindrée totale, à savoir 4,4 l environ. GTB, pour Gran Turismo Berlinetta, la vocation du modèle et 4, pour le nombre d’arbres à cames en tête. Enfin, le surnom de Daytona rappelait la victoire des bolides italiens aux 24 heures de Daytona en 1967.
Cette 365 GTB4 succéda donc à la sculpturale 275 GTB qui, elle-même, descendait en droite ligne de la fabuleuse série des 250 GT. Si la ligne, exécutée de main de maître par PininFarina, ne suscita que des éloges, elle n’en faisait pas moins vieillotte face à la Lamborghini Miura. Cette dernière, avec son moteur central arrière, allait véritablement bouleverser le monde des supercars en montrant le chemin à suivre. Il n’en reste pas moins que les Aston Martin DB6 et Maserati Ghibli, les autres rivales de l’époque, n’étaient pas beaucoup mieux loties que la Ferrari face à la supercar au taureau. La comparaison les faisait même passer pour des camions, splendides certes, mais brusquement démodés !
Spécifications
Revenons-en à la Daytona qui nous occupe : sous le capot, on retrouve donc un V12, forcément, avec 4 arbres à cames en tête et surmonté d’une superbe batterie de 6 carburateurs Weber double corps. La puissance était donnée pour 352 chevaux au régime de 7.500 tr/min. Une puissance qui peut paraître comme faiblarde aujourd’hui, mais qui n’en était pas moins suffisante pour catapulter la Ferrari à près de 280 km/h en pointe ! Il faut dire que la masse à vide de 1.200 kilos était bien éloignée des valeurs atteintes par les sportives actuelles ! La boîte manuelle comportait 5 vitesses à manipuler dans la traditionnelle grille métallique.
Sur la route
La Daytona impressionna les essayeurs de l’époque par sa stabilité remarquable. Certes, elle n’était pas aussi vive que la Miura, mais était infiniment plus facile à appréhender. De même, si sa conduite révélait une certaine lourdeur (surtout la direction !), son V12 à l’allonge extraordinaire et à la sonorité envoûtante en faisait une parfaite GT pour les voyages au long court, ce à quoi la Miura, trop brutale, exigeante et fatigante, ne pouvait prétendre. En outre, sa fiabilité exceptionnelle lui permettait, si elle était bien entretenue et conduite, de parcourir près de 150.000 kilomètres avant réfection du moteur ! Pour la rivale de Sant Agatha, il n’en fallait généralement pas plus de 30.000 !
Evolutions
Au cours de sa carrière, la Daytona ne connût que de modestes modifications, comme l’apparition des phares rétractables sur les modèles européens en 1971 et l’introduction d’une variante cabriolet en 1969, appelée 365 GTS/4. En compétition, la 365 GTB/4 connût un certain succès, en remportant de nombreuses courses sous les couleurs d’écuries privées, telles que NART (USA), Charles Pozzi (France) ou Francorchamps (Belgique). La Daytona finit à deux reprises cinquième des 24 heures du Mans, en 1971 et en 1972.
Sa carrière se termina à la fin de l’année 1973, après une production de 1.350 exemplaires, dont 125 cabriolets. Cela signa également la fin des berlinettes à V12 avant pour une trentaine d’années. En effet, la remplaçante de la Daytona, la 365 GT4 BB, se convertissait au moteur central arrière et abandonna le V12 pour un 12 cylindres à plat.
Aujourd’hui
La descendance s’appelle 599 GTB ! Et tout comme son ancêtre, elle aussi se dote d’une architecture à V12 avant ! Un retour aux sources en quelque sorte. Introduite en 2006, la berlinette actuelle fait parler la poudre ! Son V12 de 6 litres, dérivé de celui de l’Enzo, développe 620 chevaux à 7.600 tr/min ! Soit près de 270 chevaux d’écart face à la Daytona ! Mais la masse a elle aussi augmenté : 1.690 kg à vide. Les performances n’en restent pas moins exceptionnelles, avec 3,7 secondes pour atteindre les 100 km/h et 11 secondes pour franchir la barre des 200 km/h ! Quant à la vitesse de pointe, Ferrari annonce plus de 330 km/h ! La boîte, elle, comporte 6 rapports et peut être manuelle ou robotisée.
Aujourd’hui comme hier, la rivale de Sant Agatha, la Murcielago LP640, affiche une architecture à moteur central, avec des performances encore plus éblouissantes, mais une vocation moins typée grand tourisme que la berlinette au cheval cabré. L’histoire bégaie…
N.B. : veuillez noter que les photos (prises au salon de Genève) présentent une Daytona premier modèle (phares sous plexiglas et non rétractables) ainsi qu'une 612 Scaglietti et non une 599 GTB.