L'illusion est totale. Le cadre semble descendre doucement de la colonne de direction jusqu'à l'axe de roue arrière, donnant à la moto une allure basse et trapue, très caractéristique. Le double amortisseur est caché sous la moto.
Je ne connais plus personne…
Et ça marche ! Lorsqu'on s'assied sur la FLSTNI (le petit nom de la Softail Deluxe, variante apparue cette année), la hauteur de selle, qui culmine à 622 mm, permet de se sentir un peu plus à l'aise avec les 322 Kg (à sec !) du bestiau entre les jambes. Contact - rigolo, pas besoin de la clé, il suffit de basculer le contacteur une fois l'alarme désactivée - une impulsion sur le bouton de démarreur et, miracle de l'injection, le moteur s'ébroue immédiatement pour tourner sur un ralenti stabilisé. Embrayage, que la poignée est loin : pas besoin de grandes jambes, mais de longues mains, oui ! Première, loin en avant, un grand « Clong », démarrage sur un filet de gaz. Magique ! Le poids disparaît instantanément, cette moto lourde et longue comme un jour sans pain se manie avec une aisance déconcertante.
Twin Cam
Le moteur, souple et onctueux, reprend dès 1000 t/min pour culminer à 5500 t/min en développant une puissance de 68 ch. Il s'agit ici du Twin Cam 88B de 1450 cm3. Le « B » indique la présence d'arbres d'équilibrage internes qui éliminent 90 % des vibrations primaires du moteur. Contrairement à la gamme Dyna ou Touring, le moteur est ici monté rigide dans le cadre. Les vibrations sont suffisamment présentes pour préserver le caractère Harley, mais jamais dérangeantes. La position de conduite, perfectible au niveau du dos qui fatigue très vite, n'incite pas à la vitesse. Son truc à elle ? Croiser sur le couple (102 Nm à 3500 tr/min), vers 100 - 110 km/h. Le moteur ronronne alors sur un filet de gaz, la pression du vent reste supportable. La moto se montre confortable malgré les faibles débattements de suspension et enquille les courbes avec un plaisir évident, limité toutefois par une garde au sol réduite. Prudence donc : il ne sera pas toujours possible de prendre plus d'angle pour passer une courbe abordée à trop vive allure ! Elle n'est pas faite pour être rudoyée de la sorte…
Freinage ? Le monde à l'envers !
Au moment de vous arrêter, oubliez tout ce que vous savez sur le freinage d'un deux roues : le frein avant est d'une inefficacité redoutable. Le frein arrière, actionné par une robuste pédale très « automobile », se montre heureusement à la hauteur de la situation. Et oui, sur une Softail, on freine de l'arrière, en accompagnant de l'avant. Une fois le mode d'emploi assimilé, tout ça ne se passe pas mal du tout, et les freinages se montreront plus vigoureux qu'attendu !
Le quotidien du Biker
Moteur sympa, partie cycle plaisante, freinage efficace malgré tout, la Softail bluffe même les plus sceptiques. Tout n'est pas rose cependant. Si l'embrayage remplit bien son office, pour peu que vous ayez les doigts assez longs pour agripper le levier, la boîte rabaissera votre enthousiasme d'un cran. Lente, dure, bruyante, imprécise, avec un point mort difficile à trouver, c'est sans doute l'élément le moins réussi de la moto, malgré le double levier qui se manie indifféremment tant avec le talon que la pointe du pied. Dommage pour la ville, où elle se révèle d'une surprenante agilité dans la circulation. Grâce sans doute à son centre de gravité placé très bas, elle se faufile d'une bande à l'autre avec une vivacité dont on ne l'imaginait pas capable.
Plaisir solitaire
Et quel plaisir que de voir se mirer le paysage dans les trois cuvelages chromés des phares! Du poste de pilotage, le point de vue est de toute beauté, et heureusement, parce que le tableau de bord posé sur le réservoir dénote avec le style luxueux de l'ensemble : il a un petit air d'électroménager américain, mélangeant chrome et stratifié noir d'un effet des plus malheureux sur une moto de ce prix ! et tant qu'on en est aux doléances, le passager en aura quelques-unes ! Le « pouf » qui lui sert de selle n'a de fonction qu'esthétique : autant le virer et assumer votre égoïsme, votre moto n'en sera que plus belle ; et si vous tenez vraiment à partager votre moto avec un passager (ou une passagère !), offrez lui une assise digne de ce nom, ça vous évitera de le (la) perdre en route !
Pur métal... et plastique !
Notre modèle d'essai était équipé en option de fontes de petite contenance, mais flatteuses d'aspect, et bien pratiques pour transporter quelques babioles comme un pantalon de pluie ou un cadenas. Quelques détails bien pensés, comme le blocage intelligent de la béquille, ou la puissance du klaxon, aident à supporter les épouvantables enjoliveurs qui ornent les extrémités des garde-boue. En plastique chromé qui pèle déjà après 1000 km, on le vit assez mal sur une telle moto! C'est d'autant plus dommage qu'à côté de ces horreurs, vous découvrez des jantes avec un profil à se damner, habillées de pneus à flanc blanc du meilleur effet, des phares superbes, efficaces et délicieusement rétros, une finition soignée et flatteuse. N'hésitez surtout pas à investir dans une peinture deux tons qui donnera toute sa mesure à la beauté de l'ensemble : à 21175 € le bout, vous n'êtes plus à 725 € près, vous resterez sous les 22000 € ! (21900, pour être précis !) Vous vous rattraperez sur l'entretien qui est simplifié au maximum grâce à l'injection électronique, au réglage hydraulique des poussoirs et à une transmission par courroie dont la plus belle qualité est de se faire oublier.
Aïe, le dos !
Au final, une machine superbe, complètement indémodable, utilisable au quotidien et qui n'aura pour seule limite que l'endurance de votre dos à supporter une position de conduite plus adaptée à de courts trajets qu'à tailler la route…
© Bruno Wouters