Le marché de la moto s'oriente vers deux segments à priori complètement opposés: celui de la passion pure et de l'image (voir les succès de Ducati, Harley Davidson, Triumph, …) ou le commuting, où règnent en maîtres scooters et motos basiques. L'offre Honda dans cette catégorie (Integra, NC700) mérite bien plus qu'un intérêt poli, et le constructeur japonais s'obstine avec sa transmission DCT (double embrayage) apparue d'abord sur la VFR 1200 et qui revient, améliorée et peaufinés sur la Crosstourer. Le marché des gros trails, où règne en maître l'inamovible BMW 1200 GS depuis 2005, ne connaît pas la crise, et se montre au fil des ans de plus en plus disputé. Hormis la vieillissante KTM Adventure ou l'exotique Guzzi Stelvio, la GS doit aussi batailler avec la Ducati Multistrada, la Yamaha Super Ténéré et depuis cet hiver avec la Kawasaki Versys, la Triumph Tiger Explorer et la Crosstourer qui nous occupe.

L'héritage de la VFR

La Crosstourer n'est pas née d'une page blanche, mais puise un maximum d'éléments dans la VFR. Nous retrouvons donc le bloc V4 de 1237cc, le cadre en aluminium moulé, la boîte à double embrayage et la transmission par cardan, le système de freinage combiné C-ABS. La Crosstourer (et la VFR 2012) profitent de l'expérience acquise par la VFR depuis sa sortie. C'est ainsi que la transmission DCT voit sa programmation remaniée pour une meilleure réactivité, avec une gestion plus intelligente et la possibilité, tout en étant dans les modes automatiques "D" ou "S" de pouvoir intervenir et de rentrer (ou monter) un rapport d'un doigt, avec les commandes du mode manuel, à la main gauche, sans quitter le monde automatique. Le mode D favorise une conduite tranquille et coulée, avec à la clé une consommation optimisée.

DCT

Pas d'inquiétude, en essorant la poignée avec plus de vigueur, les régimes de passage des rapports montent plus haut dans le compte-tours (peu lisible, à propos…). Le mode sport privilégie une gestion plus dynamique, on s'en serait douté, avec des régimes plus élevés et des rétrogradages plus fréquents. Un mode proche en fait d'un usage manuel de la boîte. Le mode manuel se commande ou commodo gauche par deux boutons, un peu comme le dérailleur d'un vélo. Un mode qui laisse au pilote la maîtrise de ses choix mais qui se commande bien plus facilement que sur une moto classique. Plus de mouvements du pied qui a peine à se glisser sous le sélecteur en plein virage, des passages à la volée sans coupure de charge, comme on pourrait l'obtenir avec un shifter. Une fois assimilés les nouveaux automatismes de mouvements, on se régale de la modernité de cette boîte bien secondée par un V4 au caractère plus affirmé qu'auparavant.

Comportement efficace

Si la puissance ne dépasse pas 130ch (plus de 170 sur la VFR!) le couple se montre plus généreux et plus rempli dans les mi régimes. La Crosstourer envoie du lourd, et on se surprend à tenir un rythme que la morale routière réprouve… Le rythme enlevé se maintient d'autant plus facilement que le châssis offre de belles qualités, lui aussi. La Crosstourer ne se met jamais en défaut. Tout au plus pourra-t-on lui reprocher des suspensions trop souples, gage d'un excellent confort. La plongée du train avant et le transfert de masse qui l'accompagne lors d'un freinage trop appuyé, ou des effets de pompage de l'amortisseur arrière qui incitent à baisser le rythme, en sont le prix à payer. Ceci n'empêche pas la Crosstourer de se montrer aussi stable à grande vitesse que vive sur les petites routes, où son poids haut perché peut la rendre plus physique à mener qu'une certaine GS au poids contenu et au centre de gravité particulièrement bas.

Mettez-là où vous voulez (votre virilité!)

Nous touchons sans doute là au défaut principal du trail Honda: un certain embonpoint et une hauteur de selle qui peuvent handicaper certains lors de manœuvres. Un bon point par contre pour l'antipatinage, utile pour calmer les ardeurs du puissant V4 lorsque l'adhérence fait défaut. Honda réclame 1.000€ pour sa transmission DCT, qui s'ajoutent aux 13.990€ de la Crosstourer. Nous n'hésitons pas une seconde: nous sommes pour! Il faudrait être une quiche pour s'en passer: les attributs de la virilité ne passent pas "automatiquement" par un levier de vitesses ou d'embrayage, Madame pourra vous le confirmer!