F6B… Pour F6, on voit bien qu'il s'agit de faire référence au flat six qui équipe la moto (oui, un six cylindres à plat comme sur les Porsche 911!), mais le "B"? Il renvoie aux "baggers", ces grosses GT dépouillées mais conservant leurs valises latérales.
Cette mode venue d'outre atlantique a pris son envol avec la Harley-Davidson Street glide, une "Electra" dépouillée de ses chromes et de son grand pare-brise remplacé par une lame de plexi de quelques centimètres de hauteur, qui prend son inspiration dans les réalisations "custom" de nombreuses officines américaines. Honda a décidé d'appliquer la recette à l'opulente Goldwing, un choix qui peut paraître surprenant au premier abord, puisqu'il prive la Goldwing de plusieurs arguments qui font son succès.
Ginette
Exit donc le top case et son "fauteuil" pour le passager, la selle épaisse, le grand pare-brise, mais aussi le GPS intégré, l'airbag, le régulateur de vitesse, la selle chauffante et la marche arrière. Exit encore les plateformes accueillant les pieds du passager, remplacés par de classiques repose-pieds. Mais tout comme la Ginette du groupe canadien Beau Dommage qui s'est "déshabillée, mais a gardé ses beaux souliers, c'est ben assez pour s'faire aimer", la F6B s'est déshabillée, mais a gardé sa belle radio! Est-ce bien assez pour se faire aimer? Voyons voir!
Parlons-en, de cette radio qui arbore des boutons qu'un récepteur Telefunken datant de l'Expo 58 ne renierait pas! Mais à quoi ça sert, ce truc? A jouer les kékés? D'après Honda, une Goldwing ne se conçoit pas sans ce machin qui compte pas moins de seize boutons sur le tablier, sans compter les six accrochés au guidon comme des moules sur un brise-lames! Au secours!! A basse vitesse, ce bazar reste en effet audible pour le conducteur, mais encore plus pour tous ceux qui l'entourent, et dès que le rythme augmente, il ne l'est plus que pour les voisins! S'il y en a qui aiment, nous pas!!
Ca m'agace
L'inutilité de cette radio est évidemment accentuée par le pare-brise retaillé au plus près du carénage, un des "gimmicks" incontournables du mode "bagger". Ce moignon de pare-brise se montre efficace: la pression du vent ne provoque aucune fatigue au niveau du cou, et à fortiori du buste, permettant d'enquiller de belles étapes à rythme soutenu. Il n'évite pas par contre des remous bruyants au niveau des oreilles, rendant dès facto complètement inutile la sono, installée de série.
Restons au chapitre des critiques avec les valises, certes logeables, mais incapables d'accueillir un casque intégral, ou le tableau de bord, daté tant dans son style que son ergonomie et avare en informations, hormis pour cette stupide radio. Celle-ci autorise malgré tout l'utilisation de lecteurs MP3 ou d'iPod, qui se connectent via le port USB perdu dans une des valises, alors qu'un vide-poche verrouillable est situé dans le tablier. Allez comprendre…
Flat six
Pour le reste, la F6B reprend tout de la Goldwing, et tout d'abord son incroyable moteur! Ce bloc six cylindres à plat cube 1832 cc et développe 118 ch à 5.500 trs/min, avec un couple de 167 Nm à 4.000 trs/min. L'onctuosité de ce bloc et la force tranquille qu'il exprime à la moindre rotation de la poignée de gaz sont tout simplement stupéfiantes et ne peuvent sans doute être comparées à aucune motorisation existante sur le marché de la moto.
Le moteur reprend depuis le régime de ralenti, même sur le dernier rapport, sans le moindre à-coup, sans la moindre vibration, et arrache la masse de la moto avec vigueur sur les intermédiaires si nécessaire. Un régal, justifiant à lui seul l'existence de la Goldwing!
Less for more
Le châssis ne se différencie que par sa suspension arrière, qui perd son réglage électronique et dont le tarage tient compte des 29 kg économisés sur la balance (37 face à une Goldwing avec airbag). Ces kg économisés pour la plupart en hauteur rabaissent d'autant le centre de gravité, rendant la F6B encore plus maniable à basse vitesse et réactive à rythme plus soutenu.
Avec une position de conduite irréprochable, qui ne tombe pas dans le travers de nombreux customs avec des pieds exagérément rejetés en avant, et une selle culminant à 725 mm, soit quinze millimètres plus bas que la Goldwing, cette F6B se montre aussi docile qu'efficace, procurant à son pilote un plaisir intense, quel que soit le tempo adopté.
Plus qu'une Goldwing dépouillée
En réalité peu différente d'une Goldwing, la F6B s'en éloigne pourtant par son style dépouillé très réussi et un comportement plus joueur et encore plus efficace, au prix d'aspects pratiques parfois sacrifiés. La bulle basse ne nous a guère dérangé, mais nous troquerions volontiers le "Telefunken" pour le retour de la marche arrière, dont l'absence plombe sérieusement les manœuvres à l'arrêt, du genre rentrer ou sortir la machine du garage… Difficile de dire si les possesseurs de Goldwing seront séduits par la F6B privée de nombreux équipements, mais les amateurs de cruisers et autres baggers seraient bien inspirés de découvrir les charmes de cette sensationnelle machine, affichée nettement moins cher (24.490 €)!