Pour être précis, n'omettons pas de citer les V4 deux temps qui permirent à Honda de gagner dix championnats du monde entre 1985 (Freddie Spencer) et 2001 (Valentino Rossi). Les premières V4 de série apparurent en 1982 avec les VF qui se déclinèrent rapidement en plusieurs cylindrées, allant de 400 à 1.000 cc.

La première VFR 750 est présentée en 1986. Magnifique dans sa livrée blanche, elle marquera durablement les esprits. Née RC24, elle subit une première évolution en 88 avec un nouveau carénage, des roues de 17" qui remplacent les 16" et quelques autres détails. Refonte plus profonde en 1990 avec la RC36 (nouveau cadre, monobras arrière) suivie d'un relifting en 94, avant de laisser place à la VFR 800 en 1998. Cette RC46 hérite de l'injection et reçoit en 2000 un pot catalytique.

La sixième génération tranche singulièrement des précédentes avec son design aux traits tendus et ses doubles échappements sous la selle. Elle hérite surtout de l'ABS combiné et de la distribution variable, déjà éprouvée sur les voitures de la marque. Pour faire simple, seules deux soupapes par cylindre sur les quatre s'ouvrent à bas régime. Avec dans les faits un effet "on-off" qui ne plut pas à tous, ce qui poussa Honda à revoir sa copie en 2006 pour atténuer ce ressenti.

Les ventes s'érodaient doucement, le concept sportivo-GT peinant à convaincre le plus grand nombre, entre sportives affûtées, grand tourisme impressionnantes de confort et d'efficacité, et trails de plus en plus rageurs et ambitieux. C'est simple, avec l'apparition de la VFR 1200, la VFR 800 disparut du catalogue sur de nombreux marchés! Honda surprit dès lors tout le monde en 2014 avec sa nouvelle génération de VFR.

Repartir sur de bonnes bases

Sans repartir d'une feuille blanche, nos amis japonais ont repensé leur machine sur pas mal de points. Le châssis, reconduit, hérite d'une nouvelle fourche, d'un nouveau bras oscillant et de nouvelles jantes. Les étriers de frein avant à quatre pistons héritent d'une fixation radiale, mais le système combiné passe à la trappe, comme sur de nombreux autres modèles de la marque. Le retour à une ligne d'échappement plus classique, avec un silencieux latéral, fait gagner 7 kg, permettant de monter une nouvelle boucle arrière: encore 3 kg de récupérés!

Le moteur n'évolue guère, mais les ingénieurs ont veillé à encore lisser le passage de deux à quatre soupapes. La phase de transition, plus progressive, est associée à l'augmentation du couple à bas régime. Malgré l'absence de ride-by-wire, la VFR hérite d'un contrôle de traction. Mais l'évolution la plus visible, hormis l'échappement, saute immédiatement aux yeux: si la nouvelle robe ne trahit pas "l'esprit" VFR, elle envoie aux oubliettes l'ancienne ligne très typée pour une silhouette plus consensuelle mais non dénuée de charme.

Est-ce sa teinte rouge? La VFR se donne des petits airs italiens, jusque dans le regard en X, sophistiqué avec ses ampoules LED. Parmi les équipements, notons encore des poignées chauffantes à cinq positions, un rappel automatique des clignotants, une béquille centrale, des supports de valises très faciles et discrets.

Le nouveau tableau de bord se compose d'un grand compte-tours analogique central, encadré de deux pavés numériques. L'un affiche la vitesse et la jauge à essence tandis que l'autre, plus fourni, informe du kilométrage (avec deux trips partiels), du rapport engagé, de l'heure, de la température extérieure, des consommations, de la vitesse moyenne. Hélas, bonne chance pour faire défiler les infos en roulant, via les deux petits boutons mal foutus sur le combiné. Impardonnable sur une moto comme celle-ci.

Autre source d'étonnement: une selle réglable en hauteur, mais sortez les outils: huit vis à manipuler pour y arriver. Le réglage, ce sera une fois pour toutes! Bon, ça va, on arrête de râler en voyant la clé de contact, autrement plus robuste et compacte qu'auparavant, et qui ouvre aussi l'éventuelle bagagerie.

Verdict

Au guidon, le côté "GT" de la VFR s'efface: les jambes, fort repliées, crieront grâce lors de longues étapes, et les poignets ne se sentiront soulagés qu'aux environs de 150 km/h… Le moteur par contre nous ravit toujours autant. Sage mais sans placidité en bas du compte-tours (enfin, pas trop bas quand même: n'espérez rien sous 3.000 trs/min, le V4 s'y refuse), il n'aime rien tant que monter dans les tours, avec un rugissement de plus en plus rageur et enthousiaste. Un vrai régal!

Le VTEC se déclenche avec discrétion au seuil des 7.000 trs/min, hormis un petit à-coup à vitesse stabilisée, et délivre une belle accélération sur toute la plage exploitable. Ce moteur, décidément très plaisant prouve à suffisance que 800 cc (782 pour être précis) et 106 ch permettent largement de s'amuser, malgré le poids en ordre de marche de 239kg.

Si la VFR s'est en effet allégée de 10 kg avec ce millésime, sa masse se laisse malgré tout sentir dans les petits enchaînements, d'autant que les petits demi-guidons n'offrent pas un bien grand bras de levier. Physique donc dans ce cas de figure, mais toujours précise, et très saine et rigoureuse en tous temps. La tenue de cap n'est pas impactée par les valises à haute vitesse. Et si les genoux et les poignets dégustent à la longue avec la position de conduite, les suspensions fournissent un confort vraiment remarquable. Rien à dire pour le freinage, puissant et facile à doser.

Intrigante VFR! Sa position de conduite exigeante, l'empressement de son V4 à monter dans les tours amplifié par la résonnance de sa boîte à air tiennent assurément de la sportive. Son confort, sa facilité de prise en mains, ses équipements, sa bagagerie éventuelle relèvent assurément du grand tourisme. Trop lourde pour affronter une vraie sportive, sa position de conduite et quelques lacunes d'équipement ne lui permettront pas de se mesurer à une vraie GT. En contrepartie, aucune sportive ne se montrera aussi facile à vivre, aucune GT ne montrera autant d'enthousiasme et de tempérament. Faites votre choix, en sachant que la VFR n'aime rien tant que rouler vite…