Sans remonter à Mathusalem et aux exceptionnelles machines de compétition engagées en grand-prix dans les années '60, saluons à tout le moins la CB750, celle par qui la moto est rentrée dans une nouvelle ère et les adorables (et contemporaines!) Monkey et Dax, toujours prisés en copies chinoises. Citons encore en vrac les Hondamatic (oui, oui, avec une transmission automatique, dès 1976!), la Goldwing, à quatre puis six cylindres à plat, la CBX six cylindres en ligne, les CX Turbo (non, pas la Citroën!), la Pacific Coast, une motomobile à laquelle Philippe Starck vouait un véritable culte, les VFR avec leur quatre cylindres en V, ou encore le délire technologique absolu avec la NR 750 et ses pistons ovales transformant un huit cylindres en quatre cylindres pour déjouer les réglementations en Grands Prix.

Plus proche de nous, la DN-01 tenant autant du scooter que du custom, avec en prime des petits airs de squale, en a laissé plus d'un perplexe, et ce n'est pas sa transmission automatique HFT (Human Friendly Transmission – Transmission amicale pour l’être humain) qui l'a aidé à se faire accepter.

Obstination

Honda s'est obstiné avec l'Integra, ici encore mi-scooter, mi-moto (ni scooter ni moto affirment les persifleurs qui ne l'ont pas essayé!), déclinée aussi en roadster, en trail, et même maintenant en improbable custom, la CTX 700, inspirée elle même de l'étonnante CTX 1300 au V4 de Pan European. Est-ce que vous suivez? Bref, Honda n'a jamais eu peur des audaces, et la Vultus peut assurément compter parmi celles-ci!

Véritable pavé dans la mare, la Vultus ne s'encombre pas de préoccupations délicates sur les canons de la beauté communément admis dans le microcosme motard, et c'est peu de le dire! Je vous brosse le tableau. Dans les bureaux de design du plus grand constructeur de motocycles mondial, une joyeuse bande de designers, biberonnée aux mangas et autres séries télévisées japonaises, imagine une moto qui ne déparerait pas dans un tel contexte. Déjà sympa non? Mais le plus beau, c'est l'accord de la direction pour la produire, comme ça, juste pour le plaisir!

Avec une petite idée derrière la tête, quand même. Cette moto ne se destine en effet pas en priorité aux motards purs et durs, trop souvent très conservateurs et perclus d'idées reçues. Devant ceux-là, inutile de parader au guidon de la Vultus en attendant des exclamations admiratives. Au mieux, ils vous nient, au pire, ils y mettent le feu! Du calme, les tatoués, cette brêle ne vous est pas destinée!

Seulement pour le plaisir?

Pas complètement idiots, les gars de chez Honda se disent en effet que s'ils veulent continuer à vendre du deux-roues, va falloir penser à rajeunir la clientèle: l'actuelle commence doucement à prendre le chemin de la maison de retraite. Et la nouvelle clientèle, elle a peut-être envie d'autre chose, de machines sans prise de tête, faciles à utiliser. Le responsable du design de Piaggio (Miguel Galluzzi), rencontré en Californie récemment, ne tenait pas un autre discours!

Audacieux, chez Honda, mais aussi les pieds sur terre! La Vultus doit beaucoup aux CTX 700 dont elle reprend le châssis, et aux NC 750 dont elle récupère la mécanique. La Vultus se dote de roues spécifiques, avec une jante de 18 pouces à l'avant et un pneu de 200/50 à l'arrière. L'angle de chasse passe à un généreux 33°, l'empattement s'étire à 1.645 mm et la fourche s'épaissit, à 43 mm.

Installez-vous confortablement

La Vultus s'étire de tout son long, des proportions encore accentuées par une selle qui culmine (façon de parler!) à 650 mm. Ca nous change des trails taillés pour les vikings! La selle passager se redresse verticalement pour former un dosseret, un dossier même, vu sa hauteur. Et c'est ce qui donne tout son sel à la Vultus: une incroyable position de conduite, basse, le dos entièrement soutenu, les pieds gentiment en avant mais sans les excès de certains customs. Cette position étonnamment relaxante ne connaît pas d'équivalent et s'avère géniale à l'usage. Les grincheux vont hurler, les nouveaux venus et ceux qui sont assez ouverts d'esprit pour goûter d'autres plaisirs motocyclistes vont adorer. A lire certains forums, c'est pas gagné, hein, les gars!?

En prime, la Vultus roule, et même plutôt bien! Le bloc NC 750 et son DCT (Dual Clutch Transmission) de dernière génération se montrent particulièrement convaincants ici encore, se pliant avec bonheur à tous les rythmes. La géométrie typée custom n'empêche pas une relative vivacité, mais la Vultus incite à une conduite apaisée, sans susciter une once de frustration, et ce n'est pas la moindre de ses qualités.

Oser la différence

A contrario, la stabilité est royale. Les suspensions génèrent un confort acceptable, le freinage convainc, mais nous regrettons ici encore la nouvelle politique de Honda qui semble abandonner le freinage couplé, pas repris ici non plus. On s'amuse en ville, on peut jouer avec la vingtaine de coloris possibles pour le tableau de bord, on se flatte de l'éclairage full LED, mais on en arrive vite à regretter l'encombrement conséquent des rétroviseurs, à la hauteur de ceux des voitures.

Au final, une plastique futuriste, déroutante pour d'aucuns, mais sous cette robe polémique, de solides prestations, qui permettent d'envisager pas mal d'usages pour cette machine hors normes. Une version "bagger", disponible sur certains marchés, donne encore plus de sens à cet OVNI, pour peu que vous soyez un solitaire. Le passager n'est en effet guère à la fête sur son strapontin, un strapontin qui, une fois redressé, change pourtant la donne pour le conducteur, superbement installé. Ce n'était pas le cas pour la DN-01, qui devenait vite une torture pour son pilote! Reste qu'à 11.490 €, la Vultus fait payer un certain prix son style pour le moins décalé…