En parcourant les allées du salon, et passée l'excitation de la découverte, nous vinrent quelques réflexions. Le petit monde de la moto nous laisse perplexe tant il semble déconnecté de la réalité. Nous nous prenons "prune" sur "prune" lors de nos essais, tant la répression se fait pesante, et tant les motos qui passent entre nos mains induisent un tempo énervé, ou débordent tellement de puissance que le seul fait de passer trois rapports tranquillement vous propulse immédiatement au delà des vitesses permises. Nous utilisons un scooter de 500cc comme navette boulot-dodo, soit quatre cinquièmes d'autoroute et un cinquième de ville, en nous appliquant à respecter les limitations. Nous consommons 5,2 litres aux cent, soit à peu près ce que brûle une Mini Cooper D qui, elle, promène quatre personnes bien au chaud, avec chauffage, musique et tout et tout. Cherchez l'erreur…

Passion, déraison?

Il serait peut-être temps que les constructeurs réfléchissent à proposer des produits aussi passionnels, puisque la moto est avant tout une affaire de passion, mais plus adaptés à la conjoncture actuelle: répression, écologie, encombrements. Passion devrait plus souvent rimer avec raison qu'avec déraison. Il serait peut-être temps que les motards assouvissent différemment leur amour de la moto, et cessent de regarder avec condescendance le "pelo" au guidon de son Aprilia Mana, tout en rêvant de la RSV4. Personne ne parle de la Ténéré, mais la Vmax est sur toutes les lèvres. BMW préfère arriver bon dernier sur le marché hyper-saturé des hyper-sport, plutôt que de précéder tout le monde avec des concepts aussi audacieux et innovants que le défunt C1. Il n'y en a pourtant pas un à trouver sur le marché de l'occasion: tous ceux qui en possèdent se les arrachent et les stockent pour ne pas en être privés lorsque le leur sera mort!

Qui?

On continue? On peut se demander qui est le plus crétin: le constructeur qui affuble sa dernière création d'un échappement repoussant de laideur et à la sonorité émasculée, ou l'acheteur qui le fiche aux orties pour le remplacer par de l'after market qui déchire les tympans de tous les habitants de la ville qu'il traverse en faisant hurler son moteur? Décidément, quelque chose ne tourne pas rond dans le monde de la moto! Pourtant, et c'est rassurant, Yamaha fera un paquet d'heureux en ressortant de ses cartons la Diversion qui n'a jamais été remplacée, et certainement pas par la FZ6, Honda risque le pari audacieux de proposer un ABS sophistiqué sur ses CBR, en espérant que ses clients mordent à l'hameçon, et nous présente en grande pompe une 125, hélas tellement convenue qu'on croit la côtoyer depuis des années.

Inventer, ré-inventer

Partout fleurissent des prototypes de scooters ou de "mopeds" électriques. Faut-il rappeler l'idée géniale de Honda, précurseur en la matière avec ses "Monkey", qui proposait en 82 une petite voiture, la Honda City ("Jazz" sur certains marchés) qui acceptait dans son (petit!) coffre la "Motocompo", une mini moto légère et repliable. Sympa d'arriver sur un parking de délestage à l'entrée de la ville, de sortir sa "Motocompo" et de filer dans les embouteillages, sans suer sur un vélo ou s'entasser dans les transports en commun, non? Svp, Monsieur Honda, refaites-là nous, électrique cette fois!

Qu'importe le flacon…

Sans vouloir passer pour un vieux con des neiges d'antan, il fut une époque, pas si lointaine, dépourvue de limitations de vitesses qui plus est, où une 750 représentait le nirvana motocycliste. Nous en sommes loin aujourd'hui. Néanmoins, et nous parlons d'expérience, une Breva 850 ou une F800GS autorisent de traverser l'Europe à deux avec la totale bagages, sans jamais se sentir brimé! Un Tmax, une Harley, une Guzzi V7 Classic ou une Honda DN-01 permettent de rouler tous les jours avec la "banane" en travers du visage, sans doute plus qu'un roadster excité et sur-vitaminé, ou une 1000 supersport, trop puissante pour pas mal de circuits et d'apprentis pilotes.

Qui doit commencer à se remettre en question? Le constructeur dans son offre de produits, ou l'acheteur dans ses choix? Vaste question, mais il est temps de se la poser! Nous reviendrons ultérieurement sur les quelques nouveautés du salon de Cologne.