Lancée en 1959, la Sunbeam Alpine est un élégant cabriolet à 2 places. Une voiture bien finie mais peu performante en raison de son petit moteur à 4 cylindres de 1,5 litre. Sunbeam subit donc les railleries de la concurrence qui offre des roadsters nettement plus copieux en puissance ! Pour se redorer le blason et avoir une chance de percer sur quelques marchés importants, Sunbeam pense à Ferrari pour donner le coup de fouet nécessaire à son 4 cylindres. « Powered by Ferrari », voilà qui sonne bien !

Carroll à la rescousse

Les négociations n’aboutiront hélas jamais. Sunbeam ne se décourage pas et c’est alors que le champion du monde de Formule 1 Jack Brabham, glisse à l’oreille d’un haut gradé de la marque qu’un V8 américain pourrait parfaitement faire l’affaire. C’est alors que Carroll Shelby est contacté. Ce dernier n’en est évidemment pas à son coup d’essai, ayant déjà prouvé au monde de quoi il est capable. A la fois fermier, pilote et constructeur, Carroll Shelby a déjà à son actif la fabuleuse AC Cobra, une voiture anglaise qu’il a complètement métamorphosée… Voilà qui s’annonce prometteur…

Au chausse-pied !

C’est alors que l’histoire prend une tournure typique de cette époque : un des techniciens de Sunbeam travaillant pour une concession aux Etats-Unis, mesure le compartiment moteur de la Sunbeam Alpine avec un mètre en bois (sic), puis s’en va faire la tournée des concessions pour mesurer les différents moteurs des marques concurrentes, histoire de voir lequel pourrait rentrer dedans ! Rocambolesque, dites-vous ? Et ça marche !

Ford

Le moteur V8 Ford « 260 », d’une cylindrée de 4,3 litres, semble avoir toutes les bonnes cotes. Il rentre de justesse dans le compartiment moteur, ne laissant pas un centimètre carré vide ! Carroll Shelby, en quelques semaines à peine, transforme alors le gentil petit roadster britannique en une méchante brute !

Oh, il n’en fallait pas beaucoup pour métamorphoser le chat en tigre, car le V8 Ford implanté sous le capot de l’Alpine restait dans une configuration très sage : 164 chevaux ! Pour la cylindrée, c’est dérisoire… Mais c’était largement suffisant pour donner des ailes à la légère Sunbeam Alpine, d’autant que le couple monstrueux garantit des reprises fulgurantes ! A l’époque, la voiture était donnée pour moins de 9 secondes au 0 à 100 km/h, avec une vitesse de pointe de 190 km/h ! Une fusée !

Mk II

En 1967, après trois années de production, Sunbeam révise sa copie et équipe son modèle du célèbre V8 Ford « 289 ». Un moteur de 4,7 litres qui fait, entre autres, la fierté des Ford Mustang et… GT40 ! Il est ici, bien évidemment, très calmé, mais son coffre supérieur lui permet d’annoncer un 0 à 100 km/h en moins de 8 secondes et une vitesse de pointe approchant les 200 km/h ! Contrairement à la version précédente, ce modèle n’était disponible qu’aux Etats-Unis.

Chrysler comme chien fou…

1967, c’est aussi l’année où Chrysler rachète Sunbeam. Et pensez donc : pour le géant américain, il était hors de question de vendre une voiture motorisée par un V8 concurrent ! Hélas, Chrysler ne disposait pas de moteur aux bonnes dimensions pour remplacer le V8 Ford. Le rideau tombe, la Sunbeam Tiger est morte dès cette année 1967. La version à 4 cylindres ne lui survivra que d’une année.

Aujourd’hui

Ne valant pas grand-chose jusqu’il y a une vingtaine d’années environ, les Sunbeam Alpine Tiger ont généralement souffert de préparations sauvages en tous genres. Le V8 Ford est souvent gonflé à l’extrême, chose d’autant plus facile à faire que toutes les pièces existent pour ce genre de transformation ! Cela rend le comportement encore plus instable : avec son empattement court, la « Tiger » ne demande pas grand-chose au pied droit pour partir en toupie !

Quelque 7.128 exemplaires furent produits, dont 633 « MK II » seulement. Trouver un modèle respectueux de l’origine est donc une gageure, d’autant que bon nombre de Sunbeam Alpine ont reçu le V8 par la suite, sans rien demander en échange ! Heureusement, les pièces se trouvent assez facilement (surtout mécaniques) et les V8 sont solides. Evitez les hauts régimes (principalement avec le « 260 »), les moteurs américains détestent ça ! Enfin, sachez qu’une grande majorité de Tiger « MK I » ont été remotorisées avec le V8 « 289 ». Votre assureur ne va pas apprécier, pas plus que le contrôle technique…

Combien ?

Comptez environ 50.000 € pour un modèle honnête et 60.000 € pour une voiture en très bel état. Les modèles entièrement restaurés et/ou parfaitement d’origine peuvent prétendre à 70.000 € environ. Certes, ce n’est pas donné, mais ce n’est vraiment pas cher payé si l’on considère le pedigree, la rareté et… le prix des Cobra authentiques qui, elles, naviguent aux alentours du demi-million d’euros !