Il est hélas déjà temps déjà pour nous de remonter vers le nord. Mais en mettant le cap plein ouest à travers le Basilicate, de Tarente à Salerne, en suivant la vallée du Basento. Cette route superbe sera hélas parcourue sous la pluie, une centaine de kilomètres sur les 2800 que comptera notre périple, nous ne nous plaignons pas trop! La California se montre très à l'aise ici encore. Son excellente protection se confirme, les pieds et les mollets ne subiront que les assauts de la pluie, le garde-boue avant très enveloppant limitant un maximum les projections d'eau. Curieusement, la poupe de la moto se salit assez vite. Aucun problème d'étanchéité au niveau des valises: nos bagages resteront au sec. Si leurs serrures irritent avec leur clé différente du contact, leur ouverture par le haut permet de les "farcir" avec facilité, et leur capacité nous ravit.

Le bémol

Par contre, corvée vidage à chaque étape: solidement boulonnées à la moto et intelligemment cerclées de chrome pour leur protection, elles sont bel et bien solidaires de la moto, ce qui n'est pas sans conséquence. En effet, les classiques amortisseurs arrières sont complètement masqués par les valises, il est donc rigoureusement impossible d'intervenir sur le réglage de précontrainte, le seul disponible, d'ailleurs, contrairement à la California Custom, qui dispose d'une paire d'amortisseurs autrement sophistiquée, et directement accessible.

Ici réside sans doute le principal défaut de cette machine. La précontrainte de notre Guzzi, réglée un poil trop souple pour deux occupants et leurs bagages, provoquait parfois quelques pompages sans grande incidence, mais sans attrait! Monsieur Guzzi, on se passerait volontiers d'un choix de mappings ou d'antipatinage (il est resté réglé sur "2" toute la durée du voyage), on ferait même l'impasse sur le cruise-control, peu pratique, pour hériter de la suspension active de la nouvelle Aprilia Caponord, ne fût-ce que pour le réglage de la précontrainte! Pour le reste, ces amortisseurs "basiques" ont procuré tout au long du voyage un confort exceptionnel.

Le soleil a reconquis le ciel depuis un moment déjà quand nous abordons la côte amalfitaine, un but de voyage en soi. Les Apennins se jettent dans la mer tyrrhénienne avec sans doute encore plus de beauté que les Alpes dans la Méditerranée à la côte d'azur, d'autant que les villages, préservés du béton, ont gardé toute leur fraîcheur!

La dolce vita, ici et maintenant!

Chacun de ces villages donne envie de s'y poser pour ne plus le quitter. La moto, comme moyen de transport, donne ici le meilleur d'elle-même, permettant de s'arrêter à tout instant pour détailler le paysage. La California paie toutefois ici son embonpoint et nous nous mettons à envier les charmantes "ragazze" qui nous tournent autour avec leurs Vespa 50! Nous nous consolons en nous remplissant les yeux des panoramas merveilleux que dévoile à chaque virage la route haut perchée, avant de venir nous poser au bord de l'eau et profiter pour un soir de la doce vita dans une petite crique à l'entrée de Praiano.

Le temps nous manque pour rejoindre l'île de Capri, y monter les marches de la villa Malaparte pour y croiser l'ombre de Brigitte Bardot dans "Le mépris" de Jean-Luc Godard (1963). Cette maison superbe, accrochée à trente mètres de la mer sur un éperon rocheux, fait face à la côte amalfitaine. Chacune de ses fenêtres constitue un véritable tableau. Un moment d'architecture exceptionnel pour un homme brillant mais sulfureux, puisqu'il adhéra aux thèses fascistes de Mussolini avant de s'en éloigner radicalement. Son œuvre majeure, le roman "La peau", raconte la libération de l'Italie depuis le débarquement de Salernes en 1943. Cette œuvre baroque, violente et désespérée, a été portée en 1981 au cinéma dans un film homonyme. On y retrouve Marcello Mastroianni (dans le rôle de Malaparte), Burt Lancaster, Claudia Cardinale et la villa Malaparte. Une rareté, à découvrir!

Gomorra

Le lendemain nous abordons la baie de Naples, profitant de nos derniers instants sur la péninsule sorrentine. Le Vésuve se perd dans la brume, Naples et sa banlieue tentaculaire aussi. La lecture du livre "Gomorra" de Roberto Saviano est encore frais dans notre esprit et ne nous donne guère envie d'aller nous perdre dans la cité. Nous décidons de remonter sur Tivoli, découvrant au passage le Monte Cassino, reconstruit après avoir été rasé en 1944. Le Monte Cassino bloquait en effet l'accès vers Rome aux alliés, qui n'auront d'autre choix que de l'écraser sous les bombes, pour faire sauter le 18 mai 1944 le verrou qui bloquait leur avance, entamée le 10 juillet 1943 par le débarquement en Sicile!

Les étapes se succèdent vers le nord: Tivoli, Rieti, Terni, Spoleto, Assise, Perugia et enfin Arezzo. Intérêt poli pour Assise, mais coup de cœur pour Perugia et Arezzo, moins touristiques, mais tellement attachantes. Cap ensuite sur Florence, cité exceptionnelle mais décidément surpeuplée de touristes, petite halte à Modène (non, nous n'avons pas fait le pèlerinage à Maranello!) et retour à Mandello del Lario, terme de notre voyage.

Huit jours en compagnie d'une diva

Au bilan, huit journées passées en compagnie de la Moto Guzzi California Touring, huit journées de découvertes sensationnelles et de routes aussi diversifiées qu'il soit possible d'imaginer! La California s'y est montrée sous son meilleur jour quasiment partout, hormis sans doutes dans les ruelles minuscules de certains centres historiques, où l'on comprend mieux l'engouement des Italiens pour la Vespa. La California a su préserver son authenticité avec son moteur à l'architecture caractéristique, un moteur qui n'a pas cédé aux sirènes du refroidissement liquide, pour notre plus grand bonheur.

Privilégiant le couple à la puissance pure, il a montré toutefois un sacré tempérament. Tractant "velu" dès 2.000-2.500 trs/min, il peut pousser la chansonnette avec vigueur jusqu'au rupteur, de quoi rendre la route particulièrement attractive, même si à l'usage on se cantonne dans le gras du couple, entre deux et quatre mille tours. Le V-twin face à la route est monté souple dans le cadre et vibre juste comme il faut. La boîte se commande avec un levier double. Le "clong" est de rigueur à l'enclenchement de la première, mais les vitesses passent dans du beurre, sans le moindre faux point mort.

On l'a vu plus haut, confort et rigueur de comportement sont au rendez-vous, et notre voyage aurait aussi bien pu compter le double de kilomètres que nous n'aurions pas cédé notre part au chat! Cerise sur le gâteau, la consommation totale s'est calée sur un très raisonnable 6,4 litres aux cent kilomètres, un chiffre tout à fait honorable pour une machine de 337 kg à vide, chargée de ses deux occupants et de leurs bagages! Et puis, vous savez quoi? Nous, on la trouve belle à tomber! Difficile, la séparation d'avec notre diva…