Bruno Wouters

6 FÉV 2008

Scandaleusement belle!

Coup de cœur immédiat en détaillant la Griso. Certes nous l’avons vue dans différents salons, mais on ne la croise guère au hasard d’une rue: quel dommage!

Notre moto d’essai arbore une robe orange satinée terriblement séduisante. Déjà que sa plastique la démarque complètement de la concurrence, alors dans cette couleur, n’imaginez pas passer inaperçu. La Griso est directement issue du prototype Techno-Custom apparu fin 2002. Guzzi nous a déjà présenté pas mal de prototypes, parfois très aboutis, et proches de la série. Hélas, l’essoufflement financier de la marque menait rapidement ces tentatives aux oubliettes (une pensée émue pour l'Ippogrifo qui n’eut que l’honneur des catalogues…). Dieu merci, le groupe Piaggio rachète la marque fin 2004. Au vu du succès du groupe, on ne peut que se réjouir de voir cette marque née en 1921 sortir d’une longue agonie avec des produits toujours aussi typés, mais combien plus aboutis qu’auparavant. Les nostalgiques ont le plaisir de retrouver dans la gamme les mythiques California, les autres se voient proposer d’excellents modèles bâtis sur l’architecture de la très réussie Breva, déclinée en plusieurs cylindrées, tant en roadsters qu’en GT en passant par une surprenante 1200 Sport.

Renaissance

Et ceux qui veulent se démarquer et rouler différemment ne pourront faire l’impasse sur la Griso, sans doute la plus surprenante des Guzzi. Les ingénieurs et les designers ont donné naissance à un croisement curieux. Celui-ci tient de la Guzzi "historique" pour son inamovible V-Twin face à la route apparu en 67 (plus de 40 ans déjà!) et sa transmission à cardan, du roadster crapuleux par son dépouillement et du custom sportif pour ses proportions.

La Griso ne fait guère mentir l'adage qui veut que les bâtards soient plus réussis que les pures races L’esthétique de la Guzzi est bluffante, d’une roue à l’autre. Le train avant ne déparerait pas sur une sportive, avec une fourche inversée nantie de 2 disques flottants pincés par des étriers 4 pistons. Il est surmonté d’un très large guidon, monté sur de jolis pontets évidés. L’éclairage est dévolu à un classique gros phare rond et chromé au verre lisse. Il est surmonté par une première faute de goût: un tableau de bord fonctionnel et bien pensé, qui serait vraiment joli s’il n’était habillé d’un plastique chromé d’un vulgaire consommé.

V-Twin

Pièce maîtresse de la Griso, le monumental V-Twin, icône de la marque, déborde de toutes parts, tant il est mis en valeur par un cadre minimaliste, mais capital pour la ligne de la moto. Avec ses 2 magnifiques tubes d’acier descendant en pente douce de la colonne de direction jusqu’aux platines de repose-pieds, il donne cet aspect bas et élancé qui lui sied si bien. Le moteur exhibe sans pudeur ses généreux cylindres, qui respirent au travers d’énormes coudes d’échappement meublant habilement l’espace laissé libre derrière la roue avant. Les tubes du cadre fendent dans la longueur la carrosserie qui descend doucement vers la selle, belle et confortable à la fois. Les petits logos Guzzi soulignant les grilles d’aération allègent la ligne et se répètent derrière la selle. Le monobras CARC granité supporte une roue montée en 180/55 par 17. Un énorme pot, conique comme un tromblon, vient habiller le flanc gauche. On ne voit que lui, il participe à l’esthétique globale de la machine, mais nous serions tenté de l’expédier vite fait sur une étagère du garage pour lui substituer le magnifique pot Termignoni en inox figurant au catalogue des accessoires. Nul doute que le twin s’exprimera d’une voix plus claire et plus authentique qu’à l’origine.

De la gueule

Les proportions élancées mêlées à un réel dépouillement donnent à cette moto un aspect racé et très viril qui se confirme dès qu’on l’enfourche. Loin des canons habituels, la prise en mains surprend un peu. Moto large, guidon encore plus large et situé un peu en avant, la position de conduite se veut dynamique. Le moteur s’ébroue, incline la moto sur son axe par la force de son couple de renversement, qu’on retrouve aussi sur les flats BMW. Les commandes tombent bien sous la main, la position offerte paraît finalement assez naturelle et l’on prend plaisir à mener cette Guzzi, qui se montre à l’aise en toutes circonstances et sur tous les terrains.

De l'efficacité

Ne lui demandez pas la maniabilité d’un roadster 600 et vous ne serez pas déçu. Son centre de gravité bas compense sa géométrie "power-cruiser", ses qualités de châssis lui permettent de mener un train rapide même sur petites routes, une fois assimilé son mode d’emploi. Le grand guidon permet de la balancer facilement, son empattement long lui donne une stabilité exceptionnelle dans les grandes courbes. Les suspensions, relativement fermes, préservent malgré tout une certaine forme de confort et la rigidité de l’ensemble n’est jamais prise en défaut. Le freinage nous a par contre déçu par son relatif manque de mordant sur l'avant. Il nous a fallu vraiment tirer sur la poignée pour obtenir des ralentissements satisfaisants. Bizarre, d’autant plus bizarre que nous avions été tout à fait séduits par la prestation de la Breva en ce domaine. Peut-être un défaut propre à notre modèle d’essai? L’équipement Brembo monté sur la Griso devrait donner un meilleur résultat. Autre petite déception au niveau du moteur: il lui manque cette capacité à "arracher les bras" qu’on goûte avec tant de plaisir sur une Buell, par exemple.

Relation durable

D’un autre côté, ce moteur se fait attachant au fil des kilomètres. Répondant bien dès 2.000-2.500 tr/min, il tracte avec vigueur et régularité jusque 8.000 tr/min, et reprend avec aisance à mi-régime, bien secondé par une excellente boîte six. Seul l’embrayage bruyant au débrayage dénote un peu. Le twin se prête à tous les usages avec bonheur, il se plie volontiers à un rythme tranquille et détendu, et ne rechigne pas à vous suivre sur un tempo plus énervé. A vous de choisir votre partition, en sachant que vous ne serez jamais déçu si vous n'attendez pas les performances d’un quatre cylindres. Pour que le bonheur soit complet, il distille de délicieuses vibrations, présentes mais plaisantes.

Bientôt la 8V

La Griso réussit ce tour de force d’avoir une "gueule", à mi-chemin des roadsters et des power-cruisers, et une capacité à se plier à un usage quotidien par ses qualités routières et son moteur vraiment sympa, que peu de ses concurrentes sont capables d’égaler. Hormis quelques éléments de mauvais goût, comme les clignoteurs et le boîtier de tableau de bord, ou un petit manque de violence du moteur (que la Griso 8V devrait sérieusement corriger!), on voit mal quoi lui reprocher. Et même, ce tempérament du moteur lui donne sans doute cette capacité à pouvoir vous emmener partout, et tout le temps. La Griso que nous avons essayée disparaît du catalogue pour laisser place à la 8V, dont le moteur plus puissant devrait effacer un des rares reproches que nous pouvions exprimer.

Nous avons eu du mal à la rendre à l’importateur, celle-ci! Non, décidément, son seul défaut se situe au niveau du prix: 13.490 euros (pour la 8V), c’est beaucoup, pour une marque qui doit se refaire une image et un réseau après des années d’événements…

 

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