Tu n’as pas changé…
Aux côtés de la Carrera S actuelle, la « vieille » 911 semble incroyablement frêle et menue ! Ses petites jantes font pâle figure aux côtés des larges boudins de la petite dernière ! Même remarque pour les très classiques pare-chocs chromés, ainsi que pour tous ces détails (poignées, rétroviseurs, feux arrière…) qui datent notre mamy… mais qui lui donnent également tout son charme ! Quelle allure !
Si les proportions générales n’ont pas changé, on remarque néanmoins que cette silhouette vieille de 50 ans a réussi à s’adapter à son époque ! La Carrera moderne affiche un regard plus menaçant et, de manière générale, elle nous semble basse, trapue et ses épaules semblent chipées à l’incroyable Hulk !
… Enfin, un peu quand même !
C’est dans l’habitacle que les différences sont les plus flagrantes ! Dans la Carrera S, sortez le bottin téléphonique qui sert de mode d’emploi et commencez à potasser : un nombre incalculable de boutons garnit la planche de bord et la console centrale ! L’ergonomie est pourtant excellente et on retrouve facilement ses petits, après un court temps d’adaptation.
Retour 40 ans en arrière… Circulez, y a rien à voir ! Ou plutôt si : les cinq cadrans sont toujours présents, là, directement sous les yeux, avec le compte-tours bien dans l’axe. Une idée de génie comme celle-là, forcément, ça tient un demi-siècle… Pour le reste, l’équipement est évidemment maigrichon : pas de GPS intégré, ni de climatisation, voire de téléphonie embarquée…
Pourtant, en dépit de ces flagrantes différences, quelque chose subsiste : outre l’alignement des cadrans, il y a cette ambiance empreinte de cette rigueur toute germanique. Noir, c’est noir. Tout est clair, limpide, fonctionnel, sans chichi aucun, mais traité avec soin et efficacité. Allemand, quoi !
Sous le capot, ça évolue !
L’histoire a commencé en 1963. A l’époque, la 911 rugissait d’une voix métallique et sortait 130 chevaux de son 6 cylindres à plat de 2 litres… Voilà qui fait sourire aujourd’hui ! Actuellement, le refroidissement est passé de l’air au liquide, ce qui change le timbre de voix. Désormais nettement plus rauque, le flat-six s’exprime toujours au travers d’un staccato inimitable mais a gagné en coffre : la cylindrée atteint 3,8 litres et la puissance, 400 chevaux ! Mais le cœur de la bête est toujours localisé à l’autre bout de la voiture, sous le capot arrière et en porte-à-faux…
Notre grand-mère, une 911 T de 1971, se contente pour sa part de 2,2 litres de cylindrée et de 125 chevaux, dans cette version dégonflée. Rappelons que le haut de gamme de l’époque, la « S », affichait clairement ses 180 chevaux ! Pour la cylindrée, c’était un exploit !
Au niveau des boîtes de vitesses, le nombre d’engrenages a également décuplé : on passe de 5 à 7 aujourd’hui, tant pour la boîte manuelle que pour la boîte PDK, l’unité automatique à double embrayage de la maison.
Gentleman, start your engine !
Aujourd’hui comme hier, démarrer une 911 reste un moment de bonheur rare… Un petit quart de tour sur la clé, toujours à gauche, et s’ensuit un râle annonciateur de bien des plaisirs…
Levier de la boîte de vitesses optionnelle PDK tiré sur D, on relâche les freins et la 911 Carrera S avance en douceur. Un vélo ! Un accélérateur progressif, une direction consistante mais pas impossible, une visibilité tout à fait correcte, la 911 pourrait s’assimiler à une excellente citadine, agile et tout et tout ! On comprend dès lors ce qui fait son succès…
Avec l’ancêtre, c’est… quasiment pareil ! Seuls la boîte de vitesses (joyeusement imprécise) et les freins (ça freine, mais c’est dur !) pourraient réfréner l’utilisateur moderne, mais pour le reste, on retrouve cette même sensation de facilité, avec ce moteur acceptant d’enrouler souplement dès les plus bas régimes !
Mais le point le plus étonnant, c’est encore le confort de roulage : la suspension est surprenante de tolérance et l’insonorisation met le moteur et autres bruits en sourdine à régime stabilisé. Et ceci est valable pour nos deux protagonistes ! Seuls les bruits de vent deviennent relativement envahissants sur l’ancêtre.
Sportives, avez-vous dit ?
Rock ‘n Roll, notre vieille grand-mère l’est sans aucun doute ! 125 chevaux, ça fait sourire aujourd’hui, mais quand ils déboulent depuis un flat-six aussi expressif que celui-là et dans une caisse aussi légère, croyez-moi sur parole, plus personne ne rigole ! A deux étages, le moteur trouve un second souffle au-delà des 4.000 tr/min, crie de sa voix stridente et pousse jusqu’à la lisière des 6.000 tr/min ! Ensuite, reste à trouver le rapport suivant, via d’amples mouvements du poignet et du coude… Et le même refrain, avec la même vigueur reprend de plus belle ! Démodée la grand-mère ? Sûrement pas !
La petite nouvelle, elle, pousse très fort à bas régime, dès 1.000 tr/min, dans le staccato sourd de son flat-six… Mais à partir de 4.500 tr/min, la voix mue, devient stridente, la poussée s’intensifie, l’horizon se rapproche et vient alors la deuxième frontière, celle des 5.500 tr/min ! Là, c’est le sens de rotation de la terre qui est inversé, l’accélération atteint une férocité affolante, le moteur vocifère sa colère dans les aigus et l’aiguille tombe de tout son poids vers les 7.500 tr/min ! Dingue ! Quant à la boîte, elle enchaîne les rapports en les claquant au plus vite !
Ça tient comment ?
L’effet sac à dos, vous connaissez ? Avec son moteur rejeté à l’autre bout de la voiture, ce n’est jamais sans une petite appréhension que l’on prend les commandes d’une 911. Réputée sulfureuse dans ses premières versions, j’avoue avoir fait preuve d’une prudence de Sioux au moment d’entamer la portion sinueuse de ce test, au volant de la 911 T… Inutilement. Certes, il convient de faire preuve d’un solide sens de persuasion avec la pédale du centre, vraiment ferme, mais les réactions sont saines et progressives ! Pensez à bien inscrire le train avant en entrée de courbe, ne touchez surtout pas aux freins en appui et tout ira bien ! Le mode d’emploi est particulier, mais facilement assimilable !
Avec la petite dernière, changement radical d’ambiance. Les réactions sont tellement précises et tranchantes que l’on oublie complètement le moteur en porte-à-faux arrière ! Empattement allongé, voies élargies, la nouvelle 911 vire sur des rails et affiche une stabilité de locomotive quand son aïeule commence à voir flou… Rigoureuse comme elle ne l’a jamais été, la 911 profite également d’une direction superbe de précision et de rendu.
Une consommation en baisse !
Entre nos deux cocottes, on trouve un fossé de 41 ans, 1,6 litre de cylindrée, 450 kg et surtout, de 275 chevaux ! Pourtant, et c’est là que l’on mesure le progrès, la consommation a tendance à tomber ! En conduite souple, mais non éco, comptez environ 11-12 l/100 km avec la mamy. « Seulement », serait-on tenté de dire…
Avec la petite dernière, il ne faut nullement faire preuve d’abnégation pour tourner autour des 10 l/100 km. Si vous jouez de la roue libre, anticipez un minimum vos freinages et évitez les hauts régimes, il est même possible de ne consommer que 8,5 l/100 km ! Promis juré, j’y suis arrivé sans me morfondre entre deux camions !
Les prix
La cote des 911 de la période classique s’est récemment fortement envolée ! Y compris pour les modèles « T », d’entrée de gamme : comptez plus de 30.000 € pour un bel exemplaire comme le nôtre ! Pour la petite nouvelle, comptez 105.391 € pour une Carrera S à boîte manuelle et sans option. Et c’est là que le bât blesse : la liste est interminable, les prix prohibitifs et la facture finale, forcément, compte quelque 20 ou 30.000 euros supplémentaires…
Conclusion
Bluffante, la 911 l’était hier comme aujourd’hui… Ce retour en arrière nous aura démontré que le mythe Porsche n’a jamais rien eu d’usurpé. Flat-six rageur, confort étonnant, consommation maîtrisée et fiabilité métronomique, la 911 avait tout d’un maître achat. Plus de 40 ans plus tard, le constat est le même, avec une efficacité tellement surnaturelle que l’on en vient à oublier la caractéristique première du modèle : son moteur en porte à faux arrière !
Nos remerciements au Classic Club pour le prêt de cette splendide 911 T !