Nombre d'entre nous sont sans doute trop jeunes pour se rappeler le coup de tonnerre que représenta l'apparition du Range Rover en 1970. A cette époque, on ne parlait guère de SUV, et les 4X4 tenaient plus de l'outil de travail que de l'engin de loisirs. Un des meilleurs d'entre eux, le Land Rover, peinait à dépasser les 100 km/h, était suspendu par des ressorts à lames raides comme la justice, demandait un certain savoir-faire pour jongler avec les différents leviers gérant la transmission intégrale ou le blocage de différentiel, la finition et l'équipement tenait plus de l'engin agricole que de l'automobile.

Pour les férus de la marque, rappelons que le Land contemporain au Range était encore le Serie II… Le Range est arrivé avec une ligne qui devint une référence en termes de design, une ligne restée quasi inchangée durant les vingt-cinq ans que dura son règne, mais aussi une transmission intégrale permanente, des suspensions moelleuses à ressorts hélicoïdaux et un V8, glouton certes, mais qui propulsait la bête à plus de 150 km/h! Une vraie révolution pour l'époque, et l'avènement d'un nouveau genre automobile: pouvoir aller au bout du monde ou à l'opéra avec la même voiture était une proposition jusque là inédite!

Une question de génération

Vint ensuite le P38, pas vraiment le plus sexy de la bande, suivi par le L322, souffrant d'un embonpoint conséquent, et qui s'efface maintenant pour laisser la place au L405, apparu au dernier salon de Paris. Le Range s'est acquis au fil du temps une clientèle fidèle, qui n'hésite guère face à une concurrence sans réelle consistance, un bonheur que ne partage que quelques voitures, comme par exemple, et dans un tout autre registre, la Porsche 911.

On n'achète pas une belle montre simplement pour avoir l'heure, on n'achète pas un Range Rover juste pour se déplacer. Ce n'est pas le cas du Range Sport, qui attire une clientèle plus volage, qui papillonnera du X5 ou X6 au Cayenne, en passant par Audi… Le message des possesseurs d'un Range Rover, d'un "vrai" serait-on tenté d'ajouter, envers les dirigeants de la marque était d'une simplicité biblique: "don't change it, just make it better!".

Un passé qui ne manque pas d'avenir

Message reçu cinq sur cinq par les responsables d'une marque qui ne s'est jamais aussi bien portée, avec une véritable explosion de ses chiffres de ventes. L'enseigne ovale, rachetée (avec Jaguar) par l'Indien Ratan Tata (un véritable "petrolhead" passionné de belles voitures, anglaises en particulier!), a réussi un coup fumant avec son Evoque. Ce SUV compact s'est déjà vendu à plus de cent mille exemplaires, 80% d'entre eux à des nouveaux clients, 70% d'entre eux accédant par la même occasion à leur premier SUV, une belle opportunité pour Land Rover de défricher de nouveaux segments, d'ouvrir de nouvelles opportunités. Le Range Rover 2013, deuxième maillon de ce renouveau, se devait de déployer des talents exceptionnels, et le constructeur n'a pas ménagé sa peine pour y arriver.

Technologie de pointe pour régime draconien

Le nouveau Range peut s'enorgueillir du titre de seul SUV à la structure monocoque entièrement en aluminium, matériau repris pour de nombreux éléments de suspension. Cette technique a permis de faire chuter drastiquement le poids de l'engin: on parle ici de 350kg! Corollaire immédiat, un bloc diesel V6 offre des performances sensiblement équivalentes à l'ancien V8. Résultat, 420kg de gagnés au total, avec en prime une consommation en baisse de 22%, soit des chiffres normalisés de 7,5 l/100km et 196 g/km de rejet, en attendant la version hybride dont les émissions se limiteront à 169 g/km.

Les ingénieurs de Land Rover ont fait leur miel de leur "Terrain Response" qui permet de sélectionner parmi différents modes, adaptant instantanément le châssis et la transmission pour offrir la meilleure réponse en tout terrain. Nous en sommes au Terrain Response 2, qui propose un mode Auto intelligent analysant les conditions de conduite, et qui joue directement sur les réglages du moteur, de la boîte, du différentiel et des suspensions.

S'ajoutent encore, pour faire bonne mesure, l'assistance au freinage en pente (Hill Descent Control - HDC), le relâchement différé et progressif de la force de freinage en pente (Gradient Release Control - GRC), l'assistance au démarrage en côte (Hill Start Assist - HSA), le contrôle de stabilité dynamique (Dynamic Stability Control - DSC), le contrôle de traction électronique (Electronic Traction Control - ETC), et le contrôle de stabilité au roulis (Roll Stability Control - RSC).

Des chiffres, encore des chiffres

Ouf! Ah, non, en cherchant bien, on peut encore ajouter le système Dynamic Response qui limite le roulis de la caisse en virage et, en option un blocage de différentiel arrière! Citons encore quelques chiffres, certains sérieux, comme les puissances, de 258, 339 et 510 ch, en fonction des motorisations (V6 et V8 diesel, V8 essence Supercharged), d'autres plus interpellants, comme la masse tractable de 3500 kg, la profondeur de gué maximale de 900 mm (oui, vous avez bien lu: 90 cm!), la disparition de cinquante pour cent des boutons de la console, ou les quelque dix-huit mille combinaisons possibles, en jouant sur les différents modèles, couleurs, finitions et équipements proposés! Des chiffres encore, moins drôles, de 92.100 € 129.900 € en fonction du modèle choisi, hors options…

Fabuleux

Si on ne peut dénier aux gens de chez Land Rover une certaine expertise en off-road, il serait malvenu aussi de douter de leur capacité à nous le prouver! Si la présentation du premier Range, prévue à Marrakech n'a pu se faire à l'époque, c'est au Maroc que le constructeur a décidé de nous démontrer les capacités de son nouveau vaisseau amiral quarante-deux ans plus tard. Et de la démonstration, nous en avons eu notre part!

Si certaines présentations d'autres marques sombrent dans l'indigent ou le pathétique (parcours inintéressant ou réduit à quelques kilomètres!), rien de tout ça ici, avec deux journées bien remplies au volant de ce fabuleux engin. Fabuleux, nous pouvons vous le confirmer, pour avoir successivement roulé dans les dunes de sable longeant la plage d'Essaouira, roulé à 100-120 km/h sur de la piste en caillasse, ou tracé à 225 km/h sur l'autoroute avec la même voiture, les mêmes pneus, la même pression d'air dans les pneus!

Organisation au millimètre

Land Rover a déployé ici une véritable machine de guerre, avec un nombre impressionnant de véhicules, dont quelques Defender étonnamment "tunés" par le département "Special Vehicle", et une armée d'instructeurs qui nous emmènent dans des endroits complètement improbables. Les premiers kilomètres dans les environs d'Essaouira au volant du V8 essence 5.0 L Supercharged permettent immédiatement de mesurer tout le bénéfice de la cure d'amaigrissement drastique opérée.

Le moteur rugit joyeusement (mais avec distinction!) et propulse le Range de 0 à 100 km/h en 5,4 secondes. La suspension active a supprimé le roulis et la voiture vire à plat, bien campée sur les jantes de 20 pouces (huit types de jantes, de 19, 20, 21 et 22 pouces). La boîte auto ZF à huit rapports gère les passages de vitesses sans défaillance, avec un mode sport et un mode manuel commandé par les palettes au volant. Seul bémol, les freins, confiés pourtant à des étriers Brembo à six pistons, manquent de mordant à notre goût. Ca freine, certes, et même très bien, mais nous aurions apprécié une attaque plus franche.

Ca passe…

La caisse réagit avec précision aux injonctions d'une direction au rendu un peu artificiel, soulignant les progrès accomplis par le châssis. Si d'autres SUV montrent plus de tranchant, aucun ne préserve le confort de ses occupants comme le Range. Etape suivante: la plage et les dunes. Nos instructeurs nous demandent de passer en rapports courts et d'abandonner le mode automatique du Terrain Response pour le positionner sur le réglage "sable". That's all, folks!

Et nous voilà partis pour un festival de montées et de descentes dans les dunes avec un Range croûlant sous le luxe, aussi à l'aise dans le sable que le Def' qui nous ouvre le chemin avec ses pneus ballons! Nous remettons ensuite le mode auto et continuons sur des petits chemins escarpés en caillasse, où le Range fait la démonstration de ses angles d'attaque et de sortie généreux, avec toujours cet invraisemblable confort dont il ne se départit jamais.

…Sans se prendre la tête!

Au sortir de notre terrain de jeu, nos accompagnateurs se contentent de vérifier d'un coup d'œil si les pneus ne souffrent pas d'entailles! Nous parcourons ensuite un paquet de kilomètres sur de la piste, à une allure inaccessible à la plupart des véhicules que nous croisons, pour ensuite pousser notre Supercharged à 225 km/h sur l'autoroute qui nous mène à Marrakech. De toute la journée, nous  ne sommes intervenus que sur deux paramètres de la voiture: les rapports courts et, dans des circonstances bien précises, sur le choix du mode du Terrain Response. Pas d'artifices, de pneus spécifiques ou de pression adaptée. Nous sommes passés des dunes à l'autoroute sans quitter le volant, avec dans tous les cas un confort exceptionnel!

Mazout

Le lendemain nous prenons le volant du V8 4.4 L diesel pour attaquer les contreforts de l'Atlas. Très bien éduqué, ce moteur ne laisse pas deviner de quel carburant il se nourrit et se montre plus discret mais, bien entendu, moins exubérant que son homologue essence, ce qui est somme toute logique avec un déficit de 171 ch. Le couple de 700 Nm (le Supercharged affiche 625 Nm) toujours associé à l'excellente boîte auto rend le Range ainsi motorisé sans doute encore plus suave, et peut-être plus conforme