Petit retour sur les délicieuses Triumph Rétro, aussi charmantes et désuètes que le "five o'clock tea" de nos amis insulaires. Belle histoire que celle du renouveau de Triumph. John Bloor, un vrai passionné, s'est donné les moyens de réussir, investissant intelligemment dans la durée, pour en récolter les fruits. La marque vendait 20.000 unités en 2003, le chiffre de 49.000 est attendu pour 2008! Le marché belge suit la progression, passant de 289 motos en 2002 à 730 en 2007. La gamme s'est construite avec cohérence et originalité, après quelques errements vite corrigés, et s'articule autour de trois axes. La gamme Urban Sport (62% des ventes) qui compte de fameuses pointures avec les Street et Triple, la Sprint et la Tiger. Les Cruisers (24%) dont la Rockett III, sans égale sur le marché et les Modern Classics (Bonnie et dérivés). Les Modern Classics ne représentent que 14% des ventes (16% en Belgique), mais surfent sur une tendance rétro plus générale qui aime revisiter le passé, que ce soit par le biais de la mode ou de la déco, ou dans le monde de l'automobile, avec la Beetle, la Mini, la Fiat 500, la Ford Mustang ou la GT40 pour ne citer qu'elles.
Analyse
Triumph s'intéresse beaucoup à ses clients, et mène de sérieuses enquêtes auprès des acheteurs de la marque. C'est ainsi que nous savons que les acheteurs de Modern Classics sont en majorité masculins (94%!), avec un âge moyen de 45 ans (nostalgie, quand tu nous tiens…!). L'image de la marque et le look de la machine sont leurs principales motivations d'achat, bien avant les performances ou le prix. Le possesseur d'une Modern Classics possède d'ailleurs souvent une autre moto, réservant sa Triumph à des balades-plaisir, ne parcourant à leur guidon que 4.400km par an en moyenne. Il aime le design, jouit d'un haut revenu. La new Bonnie est apparue en 2001, pour se décliner ensuite en une version plus luxueuse, la T100, plus sportive, la Thruxton et plus champêtre, le Scrambler.
La mort du carbu
L'année 2008 a sonné le glas de plusieurs motos qui n'ont pas pu s'aligner sur les normes Euro 3. La Bonnie équipée de ses bons vieux carbus ne passait pas la rampe. Good Lord! Il fallait agir, mais comment? Vous imaginez vous, une Bonnie injectée? Sacrilège! Pas cons, les Britanniques ont trouvé la parade, et nous gratifient des premiers vrais faux carburateurs du marché. Et l'illusion est complète: nous étions chez un dealer l'automne dernier, quand il a reçu sa première Bonnie injectée. Il a fallu plusieurs minutes aux gars de la concession et à un client accro de la Bonnie pour découvrir la supercherie en remarquant l'absence de robinet sur le réservoir et les sondes plantées dans les coudes d'échappements. En regardant plus en détail on remarquera que le réservoir a discrètement gonflé pour garder sa capacité malgré la pompe à essence et le filtre qu'il contient dorénavant. Pas de changement à la conduite non plus d'ailleurs, comme on le verra plus loin. L'injection devrait en tous cas apporter quelques progrès, autres que purement écologiques, comme un fonctionnement plus constant et nécessitant moins de réglages, une plus grande régularité, une réaction aux gaz plus précise ou des démarrages à froid facilités.
Nostalgie
La Thruxton bénéficie de modifications plus importantes. Il faut reconnaître que les guidons bracelets induisaient une position plutôt radicale, sans doute un peu trop radicale pour la clientèle visée, qui souvent montrait un guidon moins exigeant. Triumph les a entendu et dote la Thruxton d'un guidon nettement plus confortable que les bracelets, tout en préservant une position sportive. Autre nouveauté pour 2008, des lignes d'échappement Arrow, équipementier choisi par la constructeur anglais pour développer des lignes spécifiques aux motos de la marque. Une reprise de la gamme par un temps clément sur les routes ardennaises nous a permis de refaire le point sur les différents modèles. Nous sommes à des années lumières des motos actuelles, mais complètement en phase avec les années '60 ou '70. Châssis classique en tube d'acier, fourche conventionnelle, deux amortisseurs à l'arrière, vertical twin refroidi par air, nous retrouvons l'ordinaire de l'époque, délicieusement décalé en 2008.
Dans l'air du temps
Décalé peut-être mais pas dépassé! A défaut d'une extraordinaire efficacité, les Triumph proposent des prestations remarquablement saines, et distillent à tout moment un réel plaisir de conduire, doublé d'une vraie tranquillité d'esprit. Un peu comme avec une Harley, mais dans un tout autre registre, ces motos apaisent. Nul besoin d'agiter le compte-tours (seules la T100 et la Thruxton en possèdent!) ou d'affoler le chrono pour se fendre le visage d'une immense banane de satisfaction. C'est sans doute leur plus grande qualité, et ce qui les rend paradoxalement si actuelles en cette période de "politiquement correct" et de répression policière. La meilleure? L'originale, Bonneville ou T100. La plus sexy? Le Scrambler sans hésitation. La plus rétro? La Thruxton qui dégage un délicieux parfum d'Ace Café. Et nous ne résistons pas au plaisir de vous montrer ce que peut devenir une Thruxton en vous laissant admirer la rare Mecatwin TSS, possession d'un des journalistes conviés, très fier d'avoir atteint avec facilité les 200km/h au guidon de la belle, montée de… carburateurs racing !!!