Motoriser l’Allemagne
Adolf Hitler croit en l’automobile. Il entend mettre l’Allemagne sur roues et demande à Ferdinand Porsche d’étudier une petite voiture économique, capable de transporter 4 personnes et d’atteindre les 100 km/h sur les futures autoroutes, également dans ses cartons. Pour l’image, la technologie et la puissance, il subventionne abondamment Mercedes et Auto Union qui se livrent une guerre acharnée sur circuits et dans les livres de records.
Au travail
Ferdinand Porsche accepte ce défi ambitieux et s’inspire de divers projets réalisés pour Zündapp et NSU. Il lorgne également du côté des grandes firmes américaines pour en étudier les méthodes de fabrication à grande échelle. Avec pas mal de retard, Porsche finit par finaliser quelques prototypes à la fin de l’année 1936. Début 1937, une série de 30 prototypes sont soumis à rudes épreuves, roulant jours et nuits aux mains de quelques 200 membres des SS.
300.000 commandes avant la guerre
C’est le parti nazi qui organise la distribution de la Coccinelle, via un système de carnet et de timbres à collectionner. Quelque 300.000 commandes sont enregistrées ! Mais la guerre est déclarée et l’usine Volkswagen (pour voiture du peuple) se voit réorientée dans le secteur de l’armement. Au lendemain de la guerre, l’avenir de la petite Coccinelle semble bien compromis : l’usine est en grande partie détruite, tout comme le pays d’ailleurs... Mais le major anglais Ivan Hirst y croit et la petite VW est sauvée. En 1948, un certain Heinrich Nordoff est nommé à la tête de l’entreprise. Il croit dur comme fer en son modèle. La production explose, les commandes affluent et la légende est en route !
Une conception avant-gardiste… Au début…
Visionnaire, Ferdinand Porsche avait étudié un système de refroidissement par air, pour empêcher tout risque de gel ou de surchauffe. Le petit 4 cylindres à plat se révélait d’une robustesse à toute épreuve et son emplacement en porte-à-faux arrière favorisait autant la motricité que l’espace dans l’habitacle. Tout cela, en 1938, était révolutionnaire. Mais trente ans plus tard, la Coccinelle semblait bien désuète face à ses concurrentes : moteur mou du genou, consommation importante, tenue de route délicate, habitabilité médiocre… Mais rien n’y fait : le succès se confirme et la Coccinelle se voit produite depuis le Brésil jusqu’en Amérique du Sud ! La dernière Coccinelle fût produite en 2003, au Mexique.
Côté moteurs, les évolutions furent finalement peu nombreuses : de 1 litre, la cylindrée grimpa jusqu’à 1,6 l sur les derniers modèles, avec des puissances allant de 23 à 50 chevaux. Rien de fulgurant donc, loin de là, même si on les compare à leurs concurrentes de l’époque.
Retour en 1952
En guise d’apéro, débutons cette prise en mains avec une version cabriolet de 1952. Avec le regard d’aujourd’hui, la fiche technique fait sourire : 1,1 litre, 25 chevaux, 4 vitesses et une vitesse de pointe dépassant de justesse les 100 km/h… Et pourtant, à l’arrêt déjà, le charme opère ! Pas de plastique, pas de console centrale parsemée d’innombrables boutons, pas de navigation et même… pas de ceinture ! Mais une ambiance toute en couleurs, avec des commandes fines et élégantes. Une autre époque !
Une fois la première engagée, je démarre prudemment. Le floup-floup-floup du moteur rassure, alors que chaque impulsion sur les clignotants se voit soldée par un « tchac !» des flèches qui se rabattent dans la carrosserie. Côté visibilité arrière, circulez, y a rien à voir : entre le rétroviseur minuscule et l’encombrante capote repliée, on n’y voit franchement pas grand-chose !
Et heureusement, cela me permet de ne pas remarquer le véritable embouteillage formé dans mon dos ! Le 4 cylindres ronfle gaiement, mais se voit mis à mal dès le moindre faux plat et cette boîte de vitesses dénuée de tout synchro demande une grande dextérité au Mikado pour rentrer les rapports sans craquer ! Direction floue, performances asthmatiques, freinage quasi absent, boîte cauchemardesque… On n’en fera pas son ordinaire ! Côté ambiance, en revanche, je suis conquis !
Retour vers le futur
Deuxième séance, au volant d’un cabriolet nettement plus moderne, un 1303 à injection, de 1979. Le moteur gagne une injection, se voit réalésé à 1,6 litre et développe la coquette puissance de 50 chevaux. La présentation est nettement plus actuelle, avec même des ceintures et… un autoradio, mais une planche de bord uniformément noire et du plastique à tous les étages… Adieu les couleurs pastel !
La mise en route révèle un moteur nettement plus feutré, moins sourd et au ronronnement plus régulier aussi. La prise en main, elle, ne déstabilisera aucunement l’utilisateur de voitures modernes : les commandes sont faciles et assez précises, y compris la boîte qui se manipule désormais sans y penser, quoique le couple du moteur se satisfasse du dernier rapport dans la majorité des circonstances. Et justement, côté moteur, cette fois, on ne se sent plus trop à la traîne : les relances sont suffisamment énergiques et s’accompagnent du lointain ronflement de l’ancêtre. A haute vitesse, on ressent toutefois le train avant s’alléger…
Si le charme opère moins, on pourrait envisager une utilisation quotidienne, ce que l’ensemble technique, réputé increvable, supporterait tout à fait. A la pompe, il ne faudra pas espérer moins de 7 l/100 km, mais la Cox’ se rattrape avec un entretien simplissime et des pièces abondantes et bon marché.
La cote
Voiture de collection pour débutant par excellence, car des plus faciles à vivre, un cabriolet Coccinelle se monnaie environ 13.000 € pour l’un des derniers exemplaires et plus de 40.000 € pour un exemplaire de 1952. Si la conduite intérieure n’est pas un obstacle, comptez de 3.500 à plus de 40.000 € pour une berline.
Conclusion
Voiture certes mythique, la Coccinelle cultive le paradoxe et entraine des réactions très polarisées. Qu’on la déteste pour sa technique archaïque et pour son histoire sinistre, ou qu’on l’adore pour sa bouille irrésistible et sa fiabilité, la Cox’ n’en reste pas moins un phénomène mondial qui regroupe les amateurs du Monde entier, quelles que soient leurs races et leurs cultures. Ce qui est une revanche face à l’histoire !