Pas trop compliqué pour Yamaha, avec une R1 fraîchement renouvelée, et une gamma MT musclée et sportive, de créer le roadster ultime! Et on peut dire que les gars d'Iwata n'y ont pas été avec le dos de la cuillère! Avec 160 ch pour 210 kg tous pleins faits et une gueule pas possible, la MT-10 en a dans le caleçon!

Evacuons tout de suite le pan émotionnel produit par la dernière-née des MT. Je la trouve personnellement hideuse, mais qui suis-je pour juger d'un design symbolisant la force obscure du Japon, moi qui ai été biberonné aux japonaises du début des années '70? Les CB750, 500 H1, 900Z1, XS650, 350 R5, ou des européennes comme la Bonneville, la Norton Commando, la Laverda 750, la Ducati 750SS ou la Béhème série 5 ont bercé mon adolescence et mes débuts motards…

Alien

Définitivement je n'aime pas ce croisement entre un alien et une mouche, et cet amoncellement de bouts de plastiques plus fragiles les uns que les autres. Voilà, c'est dit, mais je ne détiens certainement pas la vérité, et les réactions enthousiastes qu'elle a unanimement suscitées auprès des jeunes, pour la plupart d'ailleurs étrangers au monde de la moto, infirment un jugement vraisemblablement biaisé par la nostalgie…

Ce design, disons particulier, a au moins le mérite de préserver une ergonomie sans reproche. Position de conduite parfaite, avec un guidon large et accueillant et un petit dosseret calant judicieusement les fesses sur une selle hélas bien trop dure à la longue.

Sous les yeux, un tableau de bord plutôt complet, avec toutefois un compte-tours modérément lisible. A l'affiche, diverses informations, dont la jauge à essence, la température moteur, la température extérieure (il m'en a fallu du temps pour la trouver, celle-là!), l'indication du rapport engagé, du mode de conduite, du paramétrage de l'antipatinage, les infos diverses de l'ordinateur de bord (trips, conso…) et l'horloge.

Le commodo gauche, très massif, qui permet de naviguer dans tout ça commande aussi le régulateur de vitesse, un "machin" qu'on ne s'attend pas vraiment à trouver sur ce genre de machine. Seul le choix des modes moteur est renvoyé sur le commodo droit. Petite remarque pour les repose-pieds: en conduite active avec la plante des pieds posés sur ceux-ci, les talons viennent facilement buter contre les repose-pieds passager, qui plus est tellement haut perchés qu'on le plaint déjà, le passager!

Tripes de R1

Côté tripes, rien à dire, Yamaha a fait du bon boulot avec son CP4 de 998 cc. Directement dérivé du moteur crossplane de la R1, il s'assagit (un peu!), se contentant ici de 160 ch, mais le couple de 111 Nm, sensiblement identique à celui de la R1, est obtenu 2.500 trs plus bas, à 9.000 trs/min, avec une courbe plus régulière et bien mieux remplie aux régimes inférieurs.

Admission et échappement revus, vilebrequin plus lourd, nouveaux pistons et bielles en acier marquent les différences avec la R1, tout comme les rapports de boîte. Trois modes de gestion du moteur sont disponibles: standard, A et B. Les différences entre eux sont relativement peu marquées, le B se distinguant par une brutalité de réaction pas toujours agréable, mais les 160 bourrins répondent présent dans tous les cas de figure.

Le contrôle de traction offre trois modes, plus ou moins intrusifs, avec la possibilité de le déconnecter complètement pour les plus confiants en leurs capacités. L'embrayage antidribble, commandé par câble, ne brille pas par l'agrément de sa commande. Le régulateur de vitesse se manie comme sur une voiture et fonctionne parfaitement, quelques liaisons autoroutières d'un ennui consommé en attestent.

Carcasse de R1

Le cadre Deltabox de la MT-10 se caractérise par un empattement très court: 1.400 mm, soit les valeurs de la petite MT-07. Yamaha compense cette valeur par le bras oscillant très long de la R1. Même origine pour les suspensions, avec une fourche inversée à cartouche signée KYB et un monoamortisseur Kayaba lui aussi, commandé via le système Monocross à biellettes, le tout réglable en précontrainte, compression et détente, avec des réglages adaptés. Le freinage est confié à des disques flottants pincés par des étriers à quatre pistons montés radialement, l'arrière étant confié à un étrier flottant.

Amusant comme le crossplane "sonne" différemment des quatre pattes classiques! La sonorité, saccadée, se démarque immédiatement et flatte le tympan. Les spécificités du CP4 se paient immédiatement, avec moins de rondeur et d'aisance dans les plus bas régimes: pas question ici de musarder sur le régime de ralenti ou presque. N'espérez aucun agrément sous les 2.500 trs/min.

Mais pour ce qui est de l'agrément, pour sûr on n'est pas volé! Le CP4 pousse sans discontinuer jusqu'au rupteur, et il répond instantanément dès les mi-régimes: un sans-faute, qui se paie hélas à la pompe. La gueuse est gourmande, trop gourmande. Plus de 8l/100km sur un rythme enlevé, suivi par deux de ses challengers qui réclamaient entre 1,5 et 2 litres de moins sur le même exercice…

Quoi, ma gueule…?

On se console avec un châssis merveilleux à la fois de rigueur et d'agilité. Incisive et efficace, la Yam se place au centimètre et instaure immédiatement confiance. Aussi à l'aise dans les grandes courbes que dans les pifs-pafs, cette machine pourrait bien se poser en référence, d'autant que le confort n'est entaché que par la dureté de la selle. Rien à dire sur le freinage, efficace et facile à contrôler mais l'avant manque curieusement du mordant que la belle (enfin, belle, ça se discute…) semble promettre.

Beaucoup de plaisir donc au guidon de cette machine, énormément même! Tant le châssis que le moteur se posent en référence en termes d'agrément, et seule une selle définitivement éprouvante pour le cul et un appétit de soiffard viennent ternir un tableau presque idyllique. Reste l'esthétique, rédhibitoire ou enthousiasmante. Mais ça, c'est votre affaire!