« Non, ce n’est pas possible, je crois rêver ! » : voilà à peu près ce que se sont dits tous les journalistes qui ont visité l’usine de production des Defender, à Solihull. A l’heure des usines robotisées, du personnel rare et du travail automatisé, l’usine en question s’apparente nettement plus à de l’artisanat. Tout, ou presque, est assemblé à la main. Un vrai bain de jouvence en ce XXIème siècle informatisé, mais aussi, une ambiance complètement surannée. Points de soudure réalisés à la main, panneaux de porte fixés au martelet, assemblages manuels : tout cela semble appartenir à un autre siècle. Oui, c’est ça aussi la force du Defender.
A côté des lignes de production de l’icône de Land Rover, les Range Rover et autres Range Rover Sport défilent, silencieux, sur leurs lignes automatisées. La transition est brutale et nous fait prendre conscience de l’écart qui sépare une machine née en 1948 avec une autre, bien ancrée dans son siècle. Pourtant, si le travail manuel semble appartenir à une époque révolue, les matériaux et méthodes sont bien modernes, à l’instar des techniques de collage. En apparence seulement, le Defender est un monstre du passé.
Aucune révolution ?
En fin de visite, nous nous voyons confrontés avec un des premiers exemplaires, datant de 1948. Désossé, celui-ci fait entrevoir des entrailles finalement très proches du modèle actuel. Tout, ou presque, y est. La simplicité évidente du concept se dévoile à nous, le Defender est un gros Meccano dont certes les périphériques ont évolué, mais pour le reste, il a traversé les années sans être chamboulé. C’est, à vrai dire, ce qui a assuré son exceptionnelle longévité, les amateurs du modèle suppliant d’ailleurs Land Rover de ne rien changer pour la future descendance.
Alors, bien sûr, les lames de ressort ont fait place à des ressorts hélicoïdaux, le vieux moteur Rover essence de 1,6 l a cédé sa place à un gros mazout de 2,2 litres et la transmission a forcément suivi le mouvement. Mais tout cela s’apparente plus à des évolutions progressives qu’à une radicale révolution. D’ailleurs, question style, le Defender n’a quasiment pas évolué depuis la Série 2 née en 1958. Avoir raison dès le départ, c’est la garantie d’une tranquillité d’esprit pour les années à venir…
Techniquement
Aujourd’hui, et à l’instar du Jeep Wrangler, le Defender se présente comme un diamant brut, un gros cube à peine soigné. Charnières apparentes, pare-brise droit, châssis séparé : c’est à ses détails que le Defender trahit ses origines antédiluviennes et finit par nous séduire. Quasiment entièrement en aluminium à ses débuts, il mélange aujourd’hui l’alu et l’acier, mais repose toujours sur un très robuste châssis en tôle !
Suranné
Il a beau cumuler les séries spéciales, se parer d’Alcantara, de cuir, de sièges chauffants et de quelques gadgets chipés à des petites jeunettes, le Defender a, et c’est le moins que l’on puisse dire, quelques peines à cacher son âge canonique. Grimper dans son habitacle, c’est déjà partir à l’aventure ! Une fois dedans, un spectacle désolant de plastiques bon marché et de finition approximative vous regarde. Tant pis pour les petits cadrans chromés des premières versions… Même enjolivé par quelques matériaux de luxe, le Defender reste un robuste cheval de trait.
Imbattable
Nous invitant à le balancer vigoureusement dans la gadoue, Land Rover semble avoir une confiance indéfectible en son modèle. Et de fait, une fois à son volant et sur le parcours d’essai assez viril de la marque, le Defender nous éblouit par ses compétences. Sélectionnez la gamme courte, bloquez le différentiel, engagez le deuxième rapport et hop ! Plus rien ne peut vous résister ! Grimper des escaliers rendus glissants par la pluie et la boue, franchir des cours d’eau, de la rocaille, voire grimper aux murs, il fait tout, sans effort. Bien sûr, il faut un peu plus s’en occuper que si vous étiez au volant d’un Range, absence d’électronique oblige, mais quelle efficacité !
A bord, ça fait crac-boum-hue : la caisse est prise de violentes crises de Parkinson, le gros diesel martèle vos tympans et la boîte devrait plaire à un aiguilleur de chemin de fer... C’est ça, le charme du Defender. L’impression de partir dans la plus profonde des cambrousses, tout en étant, pour notre part, à 5 minutes de l’aéroport de Birmingham !
Au-revoir
Le Defender a connu des générations d’aventuriers et autres héros de tout poil. Par ses exploits, sa robustesse et son côté brut de fonderie, il semblait devenir inébranlable dans le paysage automobile. Tel ce bon vieux labrador qu’affectionnait tant tante Marthe… Mais le monde change, les règles également, et le Defender, ce dinosaure d’un autre millénaire, se doit de nous dire au-revoir. Ce n’est pas sans émotion, car tant la conduite que les méthodes de construction d’un tel engin nous ramènent à une époque révolue. Au-revoir mon bon Def’, tu vas nous manquer !