Les Japonais, présents depuis longtemps, doivent subir les assauts de plus en plus aboutis des constructeurs européens qui répondent avec des produits souvent plus ciblés. Aprilia ne brillait guère dans ce créneau avec ses V-Twin de grosse cylindrée et ses monos Rotax. Puis Piaggio est arrivé, avec de nouvelles perspectives. Nous voici donc devant la première moto de Noale dotée d'un moteur maison. Une architecture bien connue en Italie, puisqu'il s'agit d'un V-twin accroché à un cadre mixte acier-alu, bien mis en valeur par un coup de crayon inspiré.

Joli coup de crayon

La Shiver est jolie, à défaut de révolutionner le genre. Lignes plutôt acérées mettant en valeur mécanique et châssis, poupe affûtée intégrant avec élégance les deux silencieux, traitement des surfaces alliant surfaces lisses, laquées, texturées. De la belle ouvrage, de la classe et du caractère: rien ne manque pour séduire l'amateur. Autre originalité, encore peu répandue sur les motos, la commande "Ride by Wire" qui gère la conduite et les performances de la Shiver. La prise en main de ce genre d'engin n'appelle en général aucune remarque, et la Shiver ne fait pas exception. Un gabarit "humain", une position des plus naturelles mettent immédiatement en confiance, d'autant que tant les leviers au guidon que les commandes aux pieds sont réglables. La selle se montre agréablement confortable, mais peut-être un peu trop haute pour rendre la Shiver accessible aux plus petits. Autre grief, un rayon de braquage qui limite la maniabilité lors de manœuvres. La planche de bord, bien dans l'air du temps, se compose d'un compte-tours analogique complété d'un pavé digital plutôt complet, avec ordinateur de bord commandé depuis le guidon et de nombreuses infos, dont le rapport engagé (un peu trop lent) ou la vitesse maxi (amusant). Moins drôle, il n'y a pas de jauge à essence. Seul un témoin signale l'imminence de la panne sèche, à laquelle nous n'avons pas échappé lors de notre essai… Continuons le tour du propriétaire pour apprécier l'accueil offert au passager, tout à fait correct, aidé par deux poignées de maintien.

Ride by Wire

Contact, démarreur, puis retour sur le bouton de démarreur, moteur tournant, pour sélectionner le mode de gestion du moteur. Trois choix s'offrent sous le pouce droit. R pour Rain, T pour Tourisme, S pour Sport. Oubliez Rain, sauf si vous prêtez votre Aprilia à votre petite sœur ou si vraiment vous débutez, le twin est ici véritablement castré. Le mode T permet de rouler sagement, sans s'énerver. Option raisonnable, limite ennuyeuse. Vous l'aurez deviné, nous avons utilisé quasi exclusivement le mode sport lors de notre essai. Oubliez les critiques parues lors des premiers tests de la Shiver, la programmation n'était pas au top, les sensations non plus. Aprilia a revu sa copie, et l'agrément moteur nous a rappelé une certaine… Street Triple! Il y a pire comme référence, non? La Street était un des rares roadsters Mid-Size à posséder un moteur enthousiasmant à l'usage, avec du couple et des chevaux dès les bas régimes.

"The" Sound

La Shiver bénéficie des mêmes attraits, pas besoin d'essorer la poignée à fond de compte-tours pour prendre du plaisir. Pour ne rien gâcher, le bruit émis flatte les oreilles du pilote qui ne pensera pas une seconde à virer les pots pour les remplacer par les habituelles usines à décibels que sont trop souvent les pots "after-market". La science du bruit est importante. Pourquoi certaines motos, pourtant homologuées, émettent un son tellement flatteur qu'il satisfait l'heureux propriétaire, alors que d'autres sont tellement affligeants ou absents que fleurissent alors des pots au bruit assourdissant?

Une réussite

Moteur vivant, on l'a vu, rempli et joueur, on s'amuse au guidon de la Shiver, d'autant que la boîte, à l'unisson, se veut douce, précise et bien secondée par un embrayage n'appelant aucune critique. Le châssis, s'il n'atteint pas la rigueur et le tranchant d'une Street Triple, arrive tout de même à un fort beau compromis confort-efficacité. Poussé dans ses derniers retranchements, il perdra un peu de sa rigueur, tout en restant maîtrisable et en préservant la confiance de son pilote qui ne se sentira pas dépassé par les événements. Les suspensions, qui dans ce cas extrême avouent leurs limites, ménagent par ailleurs un excellent confort, amplifié par la position de conduite. Ce n'est pas le chapitre freins qui fera baisser l'agrément de l'Aprilia. Un mordant modéré les rend efficaces et très facilement dosables, tant à l'arrière qu'à l'avant. Ici aussi le compromis convainc.

Alors? Jolie gueule, excellent moteur, châssis et frein sans réels reproches… que demander de plus? Un prix un peu plus mesuré, sans doute. À 8.490€, elle fait payer cher son exclusivité.