Heureusement, en une douzaine d'années, les nombreuses innovations technologiques permettent de rendre cette impressionnante cavalerie de plus en plus docile. L'assistance électronique se généralise à tous les niveaux et la dernière version de l'hyper-roadster transalpin n'échappe pas à la règle.

La Tuono est ainsi équipée des plus récents packs d'Aprilia: Traction Control, Wheelie Control, Launch Control, Quick Shifter, ABS… A la réflexion, c'est tant mieux: il faudra bien ça pour éviter de déraper à chaque rotation de la poignée de gaz!

En bonus, notons la présence d'un boîtier électronique qui permet de synchroniser la moto avec un smartphone, autorisant non seulement de personnaliser vos réglages mais offrant également la possibilité d'analyser les données télémétriques recueillies après une sortie sur piste.

Electronique de pointe et gadgets de compète!

Aprilia propose pour ce faire une application utilisable sur la plupart des circuits. Celle-ci permet de déterminer avec précision votre position (en exploitant entre autres les données GPS), adaptant en temps réel vos réglages en fonction du virage où vous vous trouvez… Vous vouliez vous la péter MotoGP?

Trêve de commentaires, il est temps de passer à l'acte! Cette présentation nous a mis l'eau à la bouche, le soleil brille et la région a l'air magnifique. La région, oui, mais malheureusement pas les petites routes, dans un piteux état. Le revêtement abîmé et l'adhérence limitée ne permettront pas la ballade musclée tant espérée.

Il sera donc difficile dans ces conditions, et en n'effectuant qu'une boucle d'environ soixante kilomètres, de nous faire une idée claire des possibilités de ce roadster gonflé aux stéroïdes.

Promenade entre amis

Nous voici donc partis à un rythme beaucoup plus sage que prévu, ce qui nous permettra entre autres de profiter de la vue, d'apercevoir au loin le ranch de Valentino Rossi ou encore (et surtout) de rester sur nos deux roues après nous être laissé surprendre par des graviers à la corde d'un virage. Néanmoins, tout au long de la promenade, on sent le moteur toujours présent, au point que nous aurons l'impression durant toute la séance d'avoir à gérer une meute de lions en cage qui ne demandent qu'à s'échapper toutes griffes dehors! Heureusement que l'électronique constitue une cage aux barreaux épais…

En tout cas, le V4 gonflé à 1.100 cc suscite le respect, voire même une légère crainte dévote. Il est tellement bien rempli dès les mi-régimes qu'essorer la poignée de gaz dignement demandera un coeur bien accroché!

La tenue de cap semble correcte à bonne vitesse mais le côté très radical de la partie cycle ne laisse que peu de marge aux erreurs, et en particulier à moins vive allure: il vaut mieux avoir la bonne trajectoire a l'approche d'un rond point, car une fois engagée, la moto se montre assez rétive aux changements de direction imprévus.

Millésime 2015

Ce n'est pas nouveau, la Tuono est dérivée directement de sa grande sœur superbike, la RSV. Il convient de préciser qu'on ne se la coule pas douce pour autant à Noale, puisque les ingénieurs piochent dans ce qui les intéresse sur la RSV4 et conçoivent ou adaptent spécifiquement tout le reste pour la Tuono.

Cette année, leur objectif principal était d'offrir un agrément de conduite aussi plaisant que possible tout en procurant un maximum de sensations. Et le moins que l'on puisse dire c'est qu'ils ne sont pas bien loin du compte!

Le berlingot gagne un paquet de couple pour culminer à 121 Nm, dans le but avoué d'en obtenir davantage à mi-régime, tout en lissant davantage la délivrance de la puissance. Par rapport au millésime précédent, le guidon rétrécit légèrement, la selle s'abaisse de plus d'un centimètre et se garnit d'une mousse beaucoup plus à l'écoute de votre séant qu'auparavant. De même, sans pour autant faire de réel compromis, les suspensions absorberont mieux les inégalités de la route, épargnant par la même nos lombaires.

Le modèle est proposé dans deux versions différentes : la RR et la Factory, ne différant l'une de l'autre que par la qualité des pneumatiques et des suspensions (respectivement Sachs et Öhlins), la Factory se targuant en prime d'une livrée spécifique, aux couleurs italiennes.

Un positionnement marketing schizophrène?

Et pourtant, quelque chose cloche… D'un côté, on a ce moteur fabuleux, rageur, presque démoniaque, et ce châssis rigide et sans compromis: une association qui invite aux folies les plus débridées. De l'autre par contre, Aprilia nous assure que l'objectif poursuivi était de rendre cette moto "road friendly"… A les entendre, elle serait faite pour se promener gentiment, et les wheelies ou autres cabrioles, "non, non, ce n'est pas du tout notre genre, très peu pour nous!".

Dans les faits, nous avons plutôt l'impression de nous être promenés sur un bâton de dynamite qui n'attend plus qu'une allumette...

Certes, à l'heure du politiquement correct, il convient peut être de caresser le législateur dans le sens du poil et de ne pas s'attirer les foudres de ceux qui légifèrent, mais le discours final en devient un peu bipolaire. "On vous a fait une moto pour vous amuser, mais amusez-vous avec modération." Un peu comme un dernier avertissement, histoire de nous prévenir que nous enjambons la bête à nos risques et périls. Qu'ils n'aient crainte, elle insuffle suffisamment le respect comme ça! (Mais pas certain que cela suffise à sauver notre permis...)