Assez curieusement, et alors qu'on imagine les débouchés bien plus généreux en Asie qu'en Europe, c'est bien sur notre bon vieux continent que ces machines, pourtant produites en Inde, seront d'abord distribuées. Conçue par BMW mais produite par TVS, le troisième constructeur indien qui se revendique d'une production annuelle de trois millions de véhicules, la petite BMW se destine bien entendu aux marchés émergeants, peu enclins à faire leurs choux gras d'imposantes GS Adventure, de performantes S1000 ou de statutaires K1600…
Dans la foulée, elle pourra vanter les attraits de la pratique motocycliste à une jeunesse occidentale déconnectée du deux roues. BMW a choisi de privilégier d'abord celle-ci, potentiellement moins nombreuse que ce que laisse entrevoir des marchés qui engloutissent des millions de deux roues chaque année. Un choix étrange, que BMW justifie par des lenteurs d'homologation, tant en Chine qu'en Inde. Et pour le Brésil, autre marché prometteur, c'est tout le procédé du CKD (Complete Knock Down, à savoir l'assemblage de la moto importée en pièces détachées) dans l'usine que possède BMW à Manaus qui doit encore se mettre en place. Gageons que les marges dégagées sur les marchés occidentaux, certainement plus juteuses, compenseront en partie des chiffres de vente plus modestes.
Deutsche Qualität
Les ambitions de BMW pour ces prochaines années sont énormes, avec un objectif de 200.000 unités annuelles à l'horizon 2020. Impératif donc de défricher de nouveaux marchés, de nouveaux clients, impératif aussi d'élargir la gamme vers le bas: rappelons qu'actuellement les plus petites cylindrées produites par BMW cubent quand même 650cc! Plus petite cylindrée donc, et accessible au plus grand nombre avec un prix serré que seule permet une production délocalisée, en Inde dans le cas présent.
BMW nous assure un niveau de qualité identique à celui exigé dans l'usine de Berlin Spandau où sont produites les autres machines de la marque. L'usine TVS possède une chaîne de fabrication dédiée, installée par BMW, avec de l'outillage allemand. Les ouvriers Indiens ont été formés pendant plus d'un an avec leurs collègues de l'usine de Berlin.
Et, de fait, une observation détaillée de la petite Béhème rassure: la qualité de fabrication semble bel et bien au rendez-vous, avec des plastiques soignés et flatteurs, tant par leur ajustage que leur rendu de surface, des élément de carrosserie méticuleusement laqués, un fini sans reproche des pontets de guidon, un anodisé or flatteur recouvrant la fourche inversée et les étriers de frein. On s'extasie encore sur le dessin des roues, du bras oscillant ou des poignées passager, mais on regrette l'aspect bien pauvre du sélecteur de vitesses et de la pédale de frein qui se contentent d'acier peint, ou les leviers de frein et d'embrayage non réglables.
Singularité du single
La G 310 se distingue techniquement par l'architecture de son moteur, originalement incliné vers l'arrière. Mieux, l'admission est située sur l'avant, l'échappement vers l'arrière, un bon moyen d'optimiser le remplissage. Cette disposition peu usitée abaisse et avance le centre de gravité. Autre avantage non négligeable, cette disposition autorise tout à la fois un empattement court favorable à l'agilité et le montage d'un bras oscillant long, gage d'une excellente stabilité. Ce petit monocylindre supercarré ne rechigne pas à monter en régime, puisque sa puissance maxi de 34 ch est atteinte à 9.500 trs/min. Le couple maxi de 28 Nm est haut perché lui aussi, à 7.500 tr/min. Un arbre d'équilibrage tournant devant le vilebrequin réduit les vibrations inhérentes à l'architecture d'un monocylindre.
Si le moteur s'éloigne des schémas convenus, la partie cycle rentre dans le rang, avec un cadre treillis en acier très rigide et une boucle arrière boulonnée. L'élégant bras oscillant est directement attaqué par l'amortisseur. La progressivité qu'apporterait un montage sur biellettes est ici en partie compensée par un ressort progressif. Si l'amortisseur arrière bénéficie d'un réglage de la précontrainte, la fourche inversée n'en dispose d'aucun. Le freinage est confié à l'avant à un disque pincé par un étrier radial à quatre pistons, l'arrière reprenant un habituel étrier flottant à deux pistons. L'ABS à deux canaux complète le dispositif.
Facile
Menue (fatalement…), la petite BMW se monte accueillante, même pour notre mètre quatre-vingt. Si la selle culmine à 785 mm du sol, elle peut se voir remplacer par une selle basse (760 mm) ou une selle haute (815 mm). Le triangle guidon selle repose-pieds n'appelle aucune critique, avec une position parfaitement naturelle. Le poids raisonnable de 158 kg rassurera les moins expérimentés. Le tableau de bord affiche plusieurs informations (vitesse, régime moteur, rapport engagé, kilométrage total, trips, température moteur, jauge à essence, autonomie restante, consommation moyenne, vitesse moyenne et heure), mais sa lisibilité reste perfectible. De nombreuses infos ne s'affichent, successivement, qu'en manipulant le bouton niché sur le combiné: habituel, mais guère sécurisant.
Les premiers tours de roue, parcourus en ville, dévoilent un petit mono qui se montre accommodant dans les bas régimes. Tirant très court, soit environ 16 km/h à 1.000 tr/min, il tourne rond en sixième dès 50 km/h, aux environs de 3.000 tr/min, sans réclamer de rentrer un rapport, de quoi faciliter la progression en milieu urbain. Lorsque l'horizon s'élargit, la petite 310 continue à se montrer sous son meilleur angle. Le rythme s'accélère, le régime aussi et nous ne nous privons pas d'exploiter la plage qui s'étend de 3.000 à 10.000 tr/min. On a connu des monocylindres moins conciliants. La course très courte du moteur favorise évidemment ces hauts régimes.
Il ne faut pas craindre de titiller la zone rouge pour obtenir un peu plus de répondant: logique, avec un couple haut perché. Raisonnablement expressif, le monocylindre se montre plutôt linéaire et dès lors complaisant et facile à vivre. Une vitesse de pointe d'environ 150 km/h est réalisable, de quoi envisager de brèves incursions sur l'autobahn.
Confortable
Le comportement routier confirme nos premières impressions. Légère, la 310 se montre aussi vive que maniable, et même joueuse. Cette agilité n'entame en rien une stabilité qui n'aura jamais été prise en défaut durant notre essai.
Le freinage convainc, avec un ABS parfaitement calibré qui autorise même les stoppies! Le mordant reste modéré, idéal pour rassurer les débutants, avec toutefois une attaque franche et un ralentissement puissant et facilement dosable. Le confort constitue une autre vertu de la BMW G 310 R, avec un accord de suspensions satisfaisant et une position de conduite difficilement critiquable. La selle standard offre un bon moelleux et le seul reproche qu'on pourra lui adresser est de ne guère laisser au pilote la liberté de se déplacer sur celle-ci.
Plutôt bien placée au niveau du tarif, avec un budget de 4.950 € (tout compris! Pour une fois on échappe à la ruineuse politique d'options habituellement pratiquée par le constructeur allemand…), la G 310 R ne manque pas d'arguments pour séduire. Cela suffira-t-il à amener de nouveaux adeptes à la pratique de la moto? Auront-ils ensuite l'envie d'acheter une plus coûteuse BMW? L'avenir nous l'apprendra…