La monture !

Pas moins d’une dizaine de voitures étaient engagées par la galerie d’Ieteren au Zoute Grand Prix ! Pour ma part, je me suis vu attribué une splendide DKW F5 Roadster de 1938… Un engin aux dimensions microscopiques, au ras du sol, surmonté d’une capote, mais dénué de fenêtres… C’est le moment d’enfiler sa combinaison de ski : il pleut à verse !

Pet-pet vs Vrop-Vrop !

Armé de Thomas des relations publiques d’Audi, nous pointons le museau de notre vaillante DKW au milieu de… ce qui semble être un musée à ciel ouvert ! Bentley Blower, Ferrari 275 GTB, Aston Martin DB4 Zagato, Porsche 904 GTS, Bugatti 35 et autres, toutes rangées sur la digue ! Excité comme un bambin dans un magasin de jouets, je mitraille à tout va, au risque de me flinguer l’index ! Mais c’est le moment de s’élancer : quand les voluptueuses cylindrées des concurrentes éructent des vrombissements caverneux, nous rétorquons avec une pétarade vitaminée de moteur à 2 temps…

Une boussole dans la tête ?

Reste que face à une armada de bolides bariolés de chronomètres, Tripmaster et autres systèmes de précision, nous n’avons qu’un totalisateur comme seul ami… Vous avez déjà chassé le lion avec une sarbacane ? Road-book entre les mains, je n’attends pas un kilomètre avant de faire bifurquer Thomas sur la mauvaise artère… Tentant de me ressaisir, je finis par retrouver mes petits dans le road-book jusqu’au premier feu rouge…

Et là, c’est notre vaillante mouture qui déclare forfait ! Un ralenti subitement bancal sera vite soldé par un silence total de la salle des machines… Une demi-heure plus tard, le fusible coupable sera remplacé et vogue la galère, dans le bruit de crécelle des 2 cylindres ! Promis, on ne touchera plus aux clignotants, gros consommateurs d’énergie !

Virée en sous-marin !

Dénuée de protections latérales, surmontée d’une capote aussi étanche qu’une passoire, la DKW traverse les intempéries… Et j’ai la curieuse impression de traverser une tornade protégé d’une ombrelle ! Emmitouflé comme un eskimo, nous craignons les voies à 4 bandes : calés sur 65 km/h, nous nous voyons dépassés par les camions, provoquant derrière eux de terribles bourrasques, transformant l’habitacle en baignoire… Le bathyscaphe prend l’eau, commandant !

Sportif on a dit !

Pittoresque, le road-book nous entraine au cœur de la Flandre via des paysages d’une rare beauté… Mais hélas vallonnés ! La première côte venue met à mal le haras embusqué sous le capot. Les 20 chevaux s’époumonent, crachotent, Thomas enquille la deuxième dans un ultime espoir, mais rien n’y fait, les lois de la gravité sont plus fortes que la cavalerie de notre pourtant vaillante monture.

Nous voilà à l’arrêt, incapables de redémarrer pour cause de pavés humides et formant une belle colonne de Porsche impatientes de nous voir repartir… Une lumière traverse mon esprit et je décide de quitter l’embarcation pour pousser la chose… Volutes bleutées et pétarades à foison, l’échappement est riche en émanation, ce qui rend ma course derrière notre monture plutôt nauséeuse… Beurk ! Mais après la côte, vient la descente, aussi périlleuse pour cause de freinage symbolique ! Quelle aventure !

A moi les commandes !

Après un repas royal, nous voilà repartis pour la dernière partie du road-book. Cette fois, je prends les commandes ! Et ce n’est que du bonheur ! Certes, la boîte de vitesses est assez subtile, comme souvent sur les engins d’avant-guerre : la première ne sert qu’à décoller les roues de l’inaction. La seconde, enquillée d’un geste lent et décomposé, pousse la chansonnette jusqu’à 30 km/h environ. Ensuite, le troisième et dernier rapport sert de « bonne à tout faire » : une fois engagé, on ne touche plus au levier ! Ou alors, quasi à l’arrêt, après un élégant double débrayage pour récupérer la deuxième…

Performances dignes d’un Solex !

L’accélération n’a évidemment rien de supersonique et c’est à chaque fois, un joli cortège de voitures qui profite de notre panache de fumée ! Notre fairplay nous pousse sur le côté pour laisser passer les autres concurrents… Pas évident cela dit, car la rétrovision est quasi nulle : la lunette arrière est aussi épaisse qu’une ouverture de boîte aux lettres et le rétroviseur intérieur a pour seul objectif de me laisser admirer mon nez aux reflets rougeâtres…

Des freins, quels freins ?

Une fois en mouvement, les sensations sont garanties ! Le crépitement du moteur, les vibrations, le freinage hautement symbolique et la tenue de cap hasardeuse (ça remue, là derrière) réveillent le conducteur ! Quel pied de pouvoir conduire plein badin tout en ne craignant ni les radars, ni les protestations des usagers ! Le compteur grimpe paresseusement vers les 60 km/h, mais non, on ne s’ennuie pas : les arbres se reflètent sur le capot, la planche de bord joliment agencée se voit animée par les frétillantes aiguilles, l’ambiance est charmeuse et séduit immédiatement…

Spéciale régularité

La fin est proche, cette journée se terminera par une spéciale, réalisée sur une route fermée et inondée de chicanes et de virages serrés. Le but ? La parcourir à 45 km/h de moyenne… Autrement dit, les chances de réussite sont aussi épaisses qu’une feuille de papier de cigarette ! 3, 2, 1, Go ! Le vrombissant 2 cylindres crépite, je passe la deuxième, puis la trois et décide de soigner mes trajectoires, sans jamais brusquer la belle.

« Longue » ligne droite, c’est le moment de gagner du temps ! Le moteur vrombit, les flashs crépitent, je me vois auréolé d’une couronne de laurier, mais je zieute le compteur : 40 km/h… Raté ! Tant pis, on sera souple, mais aussi soigné que possible ! Pas de chance, le drapeau s’abaisse et je n’ai jamais pu atteindre les 45 km/h… Alors notre moyenne…

Peu importe ! L’important était de prendre du plaisir et là, la mission est remplie ! Voiture techniquement en avance sur son temps (traction avant, moteur 2 temps à la maintenance limitée…), la DKW a fini par me conquérir… Cette journée passée en sa compagnie m’a convaincu : inutile de disposer de centaines d’équidés sous le capot pour prendre du plaisir… Le bonheur est parfois dans le pré !