Déflorons immédiatement le sujet: nous avons pris un "pied" géant au cours de notre essai, et Ducati a jeté un fameux pavé dans la mare avec sa Multistrada, qui n'a plus rien à voir avec la première du nom, hormis une certaine polyvalence. Le moteur, autrefois un "deux soupapes" refroidi par air, laisse ici la place à un "Testastretta" dérivé des Superbike 1198, rien de moins. Il offre ici 150 ch à 9.250 tr/min avec un couple de 119Nm à 7.500 tr/min. A peine 5 ch de moins qu'une Streetfighter, ça vous donne une idée des ambitions de la bête. Celle–ci s'est d'ailleurs empressée de gagner la célèbre course de côte de Pikes Peak, dans une définition très proche de la série!

Une vraie Ducati

Les ingrédients Ducati répondent "présent", et nous retrouvons le cadre treillis tubulaire en acier, la fourche inversée, le monobras arrière, les jantes de 17", montés respectivement en 120/70 et 190/55 avec des Pirelli Scorpion Trail, les freins Brembo (320 à l'avant) avec étriers radiaux à quatre pistons. S'y ajoutent des débattements de 170mmm, un pare-brise réglable en hauteur, un réservoir de vingt litres offrant, nous le verrons, une belle autonomie, mais surtout une gestion électronique impressionnante sur les modèles S, Sport ou Touring, en conjuguaison avec des suspensions Öhlins. Pour faire bref, vous avez le choix entre quatre modes: Sport, Touring, Urban, Enduro. Chacun implique une gestion particulière de la courbe de puissance, de la réponse à l'accélérateur, du contrôle de traction et du réglage des suspensions. A ce propos, chaque mode permet de choisir entre quatre possibilités: pilote seul, pilote avec bagages, pilote avec passager et pilote avec passager et bagages. Si tout ça ne vous suffit pas, sachez qu'en rentrant dans les menus de l'ordinateur, vous pourrez encore intervenir sur les réglages préétablis ainsi que sur l'ABS.

Réglages à la carte

Tout est possible, mais si les réglages préalables s'apprivoisent facilement, la navigation dans les modes de programmation manque d'intuitivité. On le voit, les possibilités semblent infinies, mais dans la pratique les modes préétablis suffisent amplement. Nous avons privilégié le plus souvent le mode sport, qui permet d'exploiter au mieux les extraordinaires capacités de cette machine. Ducati avait mis à notre disposition une S Touring, équipée de deux valises latérales, de poignées chauffantes et d'une béquille centrale, de quoi élargir sensiblement son champ d'action. La position de conduite, parfaite avec un large guidon, une selle confortable et raisonnablement haute, nous change des autres Ducati, plus exigeantes dans ce domaine. Les commandes tombent bien sous la main, avec des leviers réglables. L'embrayage à bain d'huile se montre discret et doux. Nous n'en dirons pas autant de la commande de boîte qui ne rejoint pas encore les standards japonais. Saluons au passage l'apparition d'un embrayage à bain d'huile, nettement plus civilisé au niveau de la douceur et de la discrétion.

Bluffante

Un coup de starter, sans se préoccuper de la clé qui reste au fond de la poche, le twin s'ébroue, donne de la voix et c'est parti. Les chiffres de la fiche technique se confirment: la Ducati Multistrada fait preuve d'une belle légèreté, mais aussi d'un sacré tempérament. Quel moteur! raisonnablement sage, il accepte de descendre vers 2 ou 3.000 tr/min en fonction des rapports, il possède un couple phénoménal à bas régime et déborde de puissance jusqu'à la zone rouge. Difficile de lui trouver le moindre défaut, tout son agrément ravit les sens. Tout au plus déplora-t-on à vitesse constante une gestion électronique perfectible, parfois gênante sur autoroute. A ce propos, bénis soient nos amis allemands qui pourront débouler sur l'autoroute à plus de 250 km/h compteur au guidon de leur belle italienne, avec une stabilité qui pourraient lui envier quelques prétentieuses GT, avec un confort bien réel.

Intense

La Multistrada donne envie de tailler de la borne, et pas que sur l'autoroute. Son châssis, confortable, fait preuve d'un dynamisme extraordinaire. Sain et précis, en toutes circonstances, il ne craint personne et l'association du moteur et du châssis nous donne une des motos les plus réussies du moment. Le plaisir de conduite qu'elle distille est intense et peu se gouter en toutes circonstances, tant la Multistrada fait preuve de polyvalence. Confortable, elle n'escamote pas les aspects pratiques, particulièrement dans sa définition Touring, et on ne pourra lui reprocher que des broutilles: une béquille centrale gênant parfois le talon gauche, des valises logeables mais à la fermeture perfectible, où une transmission par chaîne, un défaut rédhibitoire pour certains. Peu de chose face à la somme de qualités qu'elle concentre. Reste le prix: 18.990 € pour la S, Touring ou Sport, 14.990 € pour la version de base sans ABS. Pas à portée de toutes les bourses...